Alsace Nature, partage évidemment les préoccupations des agriculteurs alsaciens de la FDSEA 68 sur la gestion de l’eau exprimées dans l’article des Dernières Nouvelles d’Alsace du samedi 6 février : « Constituer des réserves d’eau pour ne pas en manquer l’été« ).

Le sujet fait généralement la une de l’actualité lors de situations d’excès ou de manque d’eau, alors que c’est bien toute l’année que nous devons porter une attention particulière à l’eau.

Il faut aussi rappeler que les crues sont un phénomène naturel et nécessaire au bon fonctionnement des cours d’eau et des zones humides. Elles font partie des services gratuits fournis par la nature.

De même, on ne peut pas parler d’eau sans lier quantité et qualité. La Directive Cadre Européenne sur l’Eau impose que la nappe phréatique d’Alsace soit déclarée en bon état qualitatif et quantitatif d’ici 2027 et que son eau soit potable sans traitement, et notre devoir nous impose de la transmettre ainsi à nos enfants et petits-enfants. Nous mesurons l’enjeu que cela représente dans un délai très court et c’est donc bien l’engagement de l’ensemble des acteurs du territoire qui sera nécessaire pour y parvenir.

Le Ried dont il est question, a toujours été un lieu important pour l’alimentation de la nappe phréatique d’Alsace et son système de rivières phréatiques participe de l’équilibre entre alimentation et drainage. Historiquement les prairies, devenues rares,  jouaient un rôle majeur dans la rétention d’eau (en fonctionnant comme des éponges) et contribuaient à la filtration des eaux, nous fournissant ainsi gratuitement une eau potable.

Heureusement, comme le disent les agriculteurs, l’Alsace ne manque pas d’eau, et comme ils le proposent, il faut optimiser son utilisation.

Alors, oui favorisons l’alimentation de la nappe en période de crues par infiltration, mais partons d’un état des lieux objectif (quantitatif et qualitatif) pour proposer des actions d’adaptation et d’atténuation des effets du changement climatique et des pratiques agricoles. Mais méfions-nous des fausses bonnes solutions.

Si un entretien mesuré des rivières phréatiques est possible, augmenter leur capacité d’écoulement pour ressuyer plus vite les inondations, diminuerait d’autant les volumes infiltrés et augmenterait le drainage de la nappe phréatique. Ces cours d’eau très fragiles, souffrent aujourd’hui d’apport de sédiments fins provenant des eaux ruisselantes sur des sols nus, colmatant les fonds, nuisant ainsi à leur fonctionnalité écologique. Il convient donc de traiter le problème à la source (les sols nus) et non de tenter « d’évacuer » le problème en aval.

Enfin, le « en même temps » ayant toujours une limite, vouloir un meilleur ressuyage et une meilleure rétention, n’est-ce pas demander le beurre et l’argent du beurre ?

La piste évoquée de profiter des canaux plus en amont pour diriger une partie des eaux vers la forêt (pour les gravières c’est moins évident) est une proposition intéressante et mérite un examen. Évidemment cela ne peut avoir de sens que dans la création de milieux alluviaux fonctionnels. De nombreuses forêts connaissaient des phases d’inondation dans le passé. Revenir à cela ne peut être que bénéfique pour les milieux naturels, la biodiversité et la qualité de l’eau.

Enfin, comment ne pas évoquer la reconquête des champs d’expansion des crues, notamment par le déplacement de certaines digues en amont sur l’Ill et de ses affluents. Ces travaux, destinés à retrouver des fonctionnalités historiques des systèmes fluviaux sont réalisables partout où les digues ne protègent pas directement des parties urbanisées.

Si nous voulons aborder de la manière la plus sereine possible les effets du changement climatique et préserver notre ressource en eau que ce soit en terme qualitatif ou quantitatif, le retour à des fonctionnalités plus naturelles est aujourd’hui indispensable. Nous y intègrerons aussi le retour à une couverture permanente des sols, et à des sols vivants qui sont des solutions largement éprouvées.