En anglais Doros profuges s’appelle « phantom hoverfly », le syrphe fantôme. Ce petit nom vient du faible nombre d’observations qui ont été faites de cette espèce. En effet, les adultes ont une période de vol de seulement une ou deux semaines et on ne peut pas les trouver partout. Il faut donc être au bon endroit et au bon moment pour espérer en voir !

Les syrphes sont une famille d’insectes de l’ordre des diptères ce qui veut dire qu’elles possèdent une unique paire d’ailes. Comme chez tous les diptères, le cycle de vie d’un syrphe est décomposé en 4 stades : le premier est l’œuf, puis vient la larve (asticot) qui se transforme ensuite en pupe (nymphe), un stade intermédiaire avant la métamorphose en imago (stade adulte).

 

Un syrphe parmi les fourmis !

Fait plutôt intriguant : on retrouve les larves de Doros profuges dans les nids de fourmis. Cette association profiterait à cette espèce de syrphe, une hypothèse est que ces larves se nourriraient de pucerons des racines « élevés » par les fourmis dans leurs nids. Si cette hypothèse est vérifiée et que la présence de larves profite également aux fourmis, on pourrait dire de Doros profuges que c’est un myrmécophile, c’est comme ça que sont appelées les espèces qui forment des associations symbiotiques avec les fourmis.

Après métamorphose, les adultes se retrouvent le plus souvent dans les zones de transition entre les bois et broussailles et les pelouses calcaires. Mais l’espèce ne peut que se développer en présence de populations de fourmis puisque sa larve est dépendante de ces dernières. De ce fait, tout facteur influençant la présence de fourmis impacte directement Doros profuges comme par exemple la gestion forestière qui peut limiter la disponibilité de bois mort ou en décomposition.

 

Des amis des plantes.

La famille des syrphes compte environ 5000 espèces. Chez l’ensemble de celles-ci, les adultes vont de fleur en fleur à la recherche de nectar et de pollen dont ils se nourrissent. Ces insectes participent donc à la pollinisation, et pas n’importe comment : les syrphes sont les seconds principaux pollinisateurs derrière les abeilles sauvages ! Ces dernières transportent plus de pollen mais les syrphes sont plus rapides et visitent quotidiennement plus de fleurs ce qui en fait des pollinisateurs très efficaces.

Mais les bienfaits de ces insectes ne s’arrêtent pas là. En effet, les larves de beaucoup d’espèces de syrphes se nourrissent de pucerons. Certaines espèces pondent spécifiquement leurs œufs au niveau de la partie aérienne de plantes infestées de pucerons (mais, comme ça a été explicité ci-dessus, ce n’est pas le cas de Doros profuges qui préfère les nids de fourmis). Les larves se délectent alors des pucerons pour le plus grand bonheur des jardiniers (jusqu’à 300 pucerons par jour pour les plus gourmandes) !

Le rôle des syrphes dans la pollinisation et dans la lutte biologique contre les pucerons explique que les jardiniers les appellent parfois des « auxiliaires » (ou des « organismes utiles »).

 

Guêpe ou syrphe ?

Comme vous l’aurez remarqué, l’aspect de Doros profuges est très proche de celui d’une guêpe. Cela en fait un parfait exemple pour illustrer le « mimétisme batésien ». Ce syrphe possède un long abdomen noir strié de jaune qui ressemble fortement à celui d’une guêpe. D’autres espèces de syrphe sont plus proches de l’aspect des abeilles avec un abdomen plus trapu. À cause de ces ressemblances, les prédateurs qui craignent les piqures sont dissuadés de les approcher… Mais contrairement aux  guêpes ou aux abeilles, les syrphes sont totalement inoffensifs : ils n’ont tout simplement pas de dard !

On parle de mimétisme batésien lorsqu’une espèce inoffensive mime une espèce nocive. Cela a pour conséquence de favoriser la survie des individus de la première espèce en dissuadant leurs prédateurs.

Au contraire, pour l’espèce nocive le mimétisme batésien n’est pas une aubaine : des prédateurs de l’espèce inoffensive peuvent se rendre compte de la supercherie et, par mégarde, s’attaquer à une guêpe, pensant qu’il s’agissait d’un syrphe !

L’espèce nocive a donc tout intérêt à ce que son aspect soit le plus reconnaissable et distinct possible afin qu’il ne soit pas confondu avec celui d’une autre espèce. A l’inverse, la pression de sélection s’exerçant sur l’espèce inoffensive favorise la ressemblance des caractéristiques comparables à celles de l’espèce nocive (couleurs vives, forme).

 

Pour différencier les syrphes des guêpes ou des abeilles, on peut observer leur façon de voler et le nombre d’ailes. Abeilles et guêpes font partie de l’ordre des hyménoptères et possèdent deux paires d’ailes alors que les syrphes en ont une unique paire (ordre des diptères). Malheureusement, on ne peut pas déterminer le nombre d’ailes lorsqu’on a affaire à un insecte en plein vol… Mais pas d’inquiétude, dans ce cas on peut observer le type de vol. Si le suspect est capable d’effectuer des vols stationnaires et des accélérations foudroyantes, il s’agit d’un syrphe, vous pouvez donc continuer à profiter de la nature sans craindre une piqure !