Paris, le 17 octobre 2022 – Le Conseil d’État condamne une nouvelle fois l’État à payer une astreinte de 10 millions d’euros par semestre pour avoir encore manqué à ses obligations de lutte contre la pollution de l’air. Malgré une première condamnation en 2017, l’histoire se répète, au détriment de la santé des personnes et de l’environnement, puisque les normes de qualité de l’air ne sont toujours pas respectées dans les plus grandes agglomérations françaises. Heureusement, le Conseil d’État maintient une pression très forte sur l’État pour le contraindre à agir.
Cette décision s’inscrit dans une bataille judiciaire initiée il y a plus de 10 ans et marquée par une première grande victoire, le 12 juillet 2017, puisque le Conseil d’État avait condamné l’inaction de l’État concernant la problématique majeure de la pollution de l’air. Face à l’inertie étatique, les Amis de la Terre France et 77 co-requérants ont de nouveau saisi la juridiction suprême afin qu’elle ordonne à l’État de respecter sa décision de 2017 ; ce qu’elle a fait le 10 juillet 2020. Cette décision avait pour but d’enjoindre à l’État de respecter ses obligations sur la pollution de l’air, sous peine d’avoir à payer une astreinte historique de 10 millions d’euros par semestre de retard. L’État n’ayant toujours pas agi un an plus tard, le 4 août 2021, les juges administratifs ont mis leur menace à exécution : l’État a été condamné à verser 10 millions d’euros à plusieurs établissements publics et structures agréées de surveillance de la qualité de l’air dans les zones concernées.
Considérant que la décision n’était toujours pas respectée, les Amis de la Terre France et les autres associations ne lâchent pas et demandent toujours au Conseil d’État de condamner l’État au paiement de l’astreinte. Dans la décision rendue aujourd’hui, le Conseil d’État devait donc évaluer si, pour les deux semestres passés, l’État avait enfin respecté ses obligations. Cela n’est malheureusement pas le cas : trois zones dépassent toujours le seuil autorisé pour le dioxyde d’azote [Note numero=1] tandis que pour la ville de Toulouse, la baisse du niveau de polluant en dessous du seuil ne peut être regardée comme « suffisamment consolidée ».
Les juges n’ont pas été convaincus par l’argument du ministère de la transition écologique selon lequel l’État avait pris les mesures nécessaires pour améliorer suffisamment la qualité de l’air, notant au contraire l’insuffisance des mesures mises en place. Lutter contre la pollution de l’air est pourtant une mesure sociale essentielle, puisque les personnes les plus vulnérables sont les plus exposées à la pollution [Note numero 2]. En effet, si le nombre de morts prématurées imputables à la pollution de l’air s’élève à environ 100 000 par an [Note numero 3], les enfants sont les premières victimes des effets des polluants dans l’air [Note numero 4]. Il est d’ailleurs prouvé que la mise en place de Zones de Faible Emissions (ZFE) diminue les pathologies chez les enfants [Note numero 5].
Les juges constatent que l’État n’a pas respecté ses engagements européens dans quatre villes de France. Ils rappellent que, même si certaines améliorations ont été constatées, « la période de dépassement des valeurs limites dans les zones concernées' » continue, malgré les condamnations.
Selon Louis Cofflard, l’avocat des associations, « cette décision était malheureusement prévisible ; l’Etat se montre en réalité récalcitrant et n’a pas souhaité se conformer aussi rapidement que possible à la décision obtenue il y a plus de cinq ans. ».
Dans le prolongement de cet arrêt, d’autres batailles judiciaires sont gagnées au nom de la protection de la qualité de l’air. Très récemment, France Nature Environnement Paris et Les Amis de la Terre Paris ont permis d’éviter la construction de bâtiments enjambant le boulevard périphérique. Ces projets condamnaient des personnes à vivre dans des niveaux de pollution dangereux pour la santé [Note numero 6].
En 2023, le Conseil d’État réexaminera à nouveau si l’État remplit ses obligations. Les Amis de la Terre France et leurs soutiens espèrent que ce sera le cas et que le juges constateront une diminution drastique des polluants dans l’air.
Notes de bas de page :
Note 1 : Lyon, Paris, Aix-Marseille, et Toulouse.
Note 4 : Les enfants, premières victimes de la pollution de l’air, Reporterre, 2 mars 2021
Note 5 : Les bénéfices pour la santé des zones à faibles émissions, Le Monde, 2 octobre 2022
Note 6 : Paris : l’annulation de permis de construire au-dessus du périphérique est confirmée, Le Parisien.
Liste des co-signataires de ce communiqué de presse :
- ACTénergies association varoise
- Alofa Tuvalu
- Alerte Nuisances Aériennes
- Alsace Nature
- Amis de la Terre Paris
- Amis de la Terre Val de Bièvre
- Association DRAPO
- Association de défense contre les nuisances aériennes (ADVOCNAR)
- Association de Concertation et de Proposition pour l’Aménagement et le Transport (ACPAT)
- Association Nature du Nogentais
- Association de Protection des Collines Peypinoises (APCP)
- Champagne Ardenne Nature Environnement
- CIRENA
- Collectif contre les nuisances aériennes de l’agglomération toulousaine (CCNAAT)
- Collectif des Riverains de l’Aéroport Saint Exupéry (CORIAS)
- COVIFER
- Défense des intérêts des riverains de l’aérodrome de Pontoise-Corneilles en Vexin (DIRAP)
- DRAPO DÉFENSE DES RIVERAINS DE L’AÉROPORT DE PARIS-ORLY
- Environnement 92
- Fédération Fracture
- France Nature Environnement Ile-de-France
- France Nature Environnement Bouches-du-Rhône
- France Nature Environnement Provence-Alpes-Côte d’Azur
- France Nature Environnement Paris
- Greenpeace France
- Notre Affaire à Tous (NAAT)
- Nord Ecologie Conseil
- OYE349
- SOS Paris
- Union française contre les nuisances des aéronefs (UFCNA)
- Union Calanques Littoral
- Val-de-Seine Vert