La pollution numérique
À longueur de journée, de plus en plus de gens envoient des mails, font des recherches sur le Net, Skypent, Twittent, Facebookent, Instagramment, Snapchatent, Whatsappent, Linkedlnent – pour ne citer que les plus connus – utilisent une foule d’applications, regardent des vidéos en streaming… en un mot vivent pleinement leur monde numérique fabuleux. Il suffit d’appuyer sur une touche et tout est à portée de la main dans des connexions avec le monde entier.
Or cette magie invisible entraîne une des pollutions les plus concrètes et les plus inquiétantes pour le devenir de l’humanité. Dans ce premier article, nous ferons le tour des grandes problématiques avant de consacrer d’autres articles plus précis à chaque point en particulier. Il est à noter que d’un site à l’autre les chiffres peuvent varier mais que les constats sont les mêmes. Et les chiffres sont vertigineux !
Envoyer des messages…
En 2017, chaque jour, 269 milliards de mails ont été échangés et l’on prévoit que ce chiffre passera à près de 320 milliards en 2021[1]. Je vous laisse calculer – ou imaginer – le chiffre annuel ! Or chaque mail représente en moyenne 20g d’équivalent CO². Et un mail que l’on laisse dormir pendant un an dans sa messagerie génère quand même 10g de plus.[2]
Chaque mail parcourt en moyenne…15 000 km [3] et sollicite des « data centers » constitués de multiples serveurs. Et ces data centers -puisqu’il faut constamment les climatiser, les refroidir – sont de véritables ogres énergétiques ! En Amérique, en 2013, ils ont consommé 91 milliards de kWh, en Europe 51 milliards de kWh. Avec, pour l’Europe, une prévision de 104 milliards pour 2020.[4] Chaque data center consomme en moyenne autant que 30.000 habitants européens. Et il y en aurait plus de 4000 répartis dans 118 pays.[5] D’où ce constat : Les milliards de mails envoyés chaque heure à travers le monde sont responsables d’une production électrique équivalant à plusieurs centrales nucléaires pour la même durée. Dans son émission « Internet, la pollution cachée » de 2013 – des chiffres donc qu’il faudrait actualiser, si on les trouvait…- France 5 avançait que la production électrique de 15 centrales nucléaires pendant une heure équivalait à l’envoi seulement de…10 milliards de mail [6]!
Faire une recherche sur le Net
C’est par ces mêmes serveurs que transitent aussi nos recherches sur internet. Et là encore, on cherche et on cherche, passant d’un site à un autre sans savoir qu’à chaque fois nous alourdissons notre bilan carbone. Car chaque recherche correspond à 7g équivalent CO² et rien qu’en France les émissions à effets de serre liées à ces recherches représentent plus de 450.000 tonnes équivalent CO² (voir en note 2). Je n’ose imaginer le chiffre au niveau mondial…
Regarder une vidéo en streaming
Citée par l’Institut National de la Consommation[7] une étude récente révèle que 82% du trafic internet mondial concerne le streaming vidéo ! Or ce chiffre n’aurait dû être atteint qu’en 2020. Et les gros serveurs utilisés par les géants du streaming utilisent encore et toujours des énergies sales comme le charbon.
En septembre 2015, un article de l’Obs[8] estimait à 219 millions de tonnes de CO² émis par le seul biais de Youtube.
Bitcoin et autres monnaies virtuelles
Pour crypter ces monnaies et sans cesse faire les vérifications nécessaires, ce sont des dizaines de milliers d’ordinateurs qui sont en permanence sollicités. Un expert [9]a calculé que chaque nouvelle transaction était l’équivalent de la consommation d’électricité d’un ménage français pendant deux semaines. Et combien de ces transactions par jour ? En 2017…300.000 !
Nos si chers téléphones portables et le gravissime problème de leur fabrication
Utiliser son téléphone portable – son smartphone – 10 minutes par jour, c’est comme, sur une année, parcourir 80 km en voiture. Dérisoire pourrions-nous nous dire. Mais il faut multiplier ce chiffre par sept milliards de portables (2014). Et chaque seconde, il se vend 54 de ces téléphones.
Mais ces smartphones, en plus, nécessitent des métaux rares – au total 60 métaux différents dans nos appareils !Les experts du groupe EcoInfo du CNRS dans leur ouvrage Impacts écologiques des Technologies de l’Information et de la Communication (2012) expliquent par exemple que l’extraction du silicium demande tellement d’eau que les riverains des mines de ces pays en développement sont obligés d’aller chercher l’eau de plus en plus loin. Or la production des mini-barres de silicium ne cesse de croître, et passera de 24,5 milliards de cm² (1998) à plus de 130 milliards en 2020. Dans un ouvrage tout récent La guerre des métaux (janvier 2018) Guillaume Pitron soulève ainsi le problème brûlant de « la face cachée de la transition énergétique et numérique ».
Et la construction de nos « joujoux modernes » , pour reprendre une expression des médias, n’épuise pas seulement les ressources naturelles, mais condamne aussi des populations à l’esclavage, et provoque des conflits guerriers. Lire par exemple les précisions de Michel Duchaine[10] (mai 2017). Et nous n’avons pas oublié la campagne d’Amnesty International Ils meurent pour nos smartphones en 2016[11]
Les objets connectés
A l’horizon 2020, selon les sources et les estimations, entre 20 et 80 milliards d’objets connectés. Or, selon l’ AIE (Agence Internationale de l’Energie) les objets connectés, en 2013, ont consommé 616 Twh (se dit TeraWhattheure , un Twh = 1000 miliards de whattheures). A titre de comparaison, à la même époque, la production annuelle de nos 58 réacteurs nucléaires « n’était que » de 405 Twh. Et toujours selon l’AIE les objets connectés en 2025 devraient consommer… 1140 Twh !
Et ce que cette agence souligne, c’est que 80% de cette consommation provient du fait que ces objets restent en permanence connectés au réseau.
Mais alors que faire ?
Nous pourrions encore multiplier les chiffres (Ex : 63% de l’énergie totale liée à un ordinateur est consommée pour le construire) mais la prise de conscience est faite. Certes, personne n’a jamais arrêté le progrès. Et plus personne ne pourrait imaginer notre monde sans tous ces appareils et toutes ces facilités de communication. Et le numérique, dans de nombreux domaines, nous permet d’économiser de l’énergie. Cet aspect mériterait un article à lui tout seul.
Mais globalement, vu le comportement du plus grand nombre, cette pollution numérique – qui est déjà supérieure à la pollution liée à tout le trafic aérien mondial ! – devrait encore s’accentuer. Il faut donc agir et bien sûr commencer par soi-même. « Soyez le changement que vous voulez voir dans le monde » (Gandhi).
Du choix de l’ordinateur à la gestion de son imprimante ; de la bonne manière d’écrire et d’envoyer un mail à celle de faire une recherche sur le Net ; des moteurs de recherche écoresponsables au nettoyage efficace de votre boîte mail ; de l’achat et de l’utilisation de votre smartphone à vos implications dans le mode de visionnage des vidéos ou face à la séduction des objets connectés, nous pouvons toutes et tous nous efforcer de modifier nos habitudes et nos gestes quotidiens. Autant de sujets qui pourront faire l’objet d’articles ultérieurs.
N.B. : Si vous avez des compétences dans un des domaines évoqués et si vous êtes prêt(e) à rédiger un article sur ce domaine, n’hésitez pas à nous contacter.
[1]https://fr.statista.com/statistiques/583905/nombre-d-e-mails-par-jour-dans-le-monde–2019/
[2]https://www.consoglobe.com/un-email-une-recherche-internet-cest-combien-de-co2-cg/2
[3]https://rslnmag.fr/innovation/e-mail-environnement-consommation/
[4]https://www.planetoscope.com/electronique/230-energie-consommee-par-les-data-centers.html
[5]http://www.leparisien.fr/economie/business/data-centers-mais-ou-se-trouvent-vos-donnees-20-02-2017-6694767.php
[6]https://mrmondialisation.org/le-cout-ecologique-dinternet-est-astronomique/
[7]https://www.inc-conso.fr/content/quels-sont-les-impacts-du-streaming-video-sur-lenvironnement-avec-lademe
[8]https://www.nouvelobs.com/les-internets/20150930.OBS6808/les-videos-de-chat-polluent-plus-que-les-avions.html
[9]https://lexpansion.lexpress.fr/high-tech/energie-et-pollution-les-couts-caches-du-bitcoin_1964881.html
[10]https://michelduchaine.com/2017/05/21/le-vrai-cout-de-fabrication-de-nos-smartphones-pollution-esclavage-conflits-armes/
[11]https://www.amnesty.fr/responsabilite-des-entreprises/actualites/les-enfants-qui-travaillent-pour-nos-smartphones