[Tribune] Un Gothard dans les Vosges ?

La Suisse a inauguré le tunnel ferroviaire le plus long du monde, plus de 57 km sous les Alpes. Au-delà de la prouesse technique et de l’importance des travaux que cet ouvrage représente, ce tunnel est une concrétisation de la volonté politique Suisse en faveur de solutions de mobilités efficaces et respectueuses de l’environnement.
En effet, c’est lors d’une votation en 1987 que les Helvètes ont adopté le plan « Rail 2000 », consistant à inverser la tendance à l’abandon du ferroviaire d’après-guerre, en augmentant l’attrait de ce dernier : modernisation et optimisation des matériels, des infrastructures, augmentation de la qualité des services à la fois pour les voyageurs et pour le fret.
Une des déclinaisons du plan « Rail 2000 » a été l’application de la taxe poids lourds (RPLP) assurant d’une part le financement et favorisant d’autre part le report des camions vers le train, notamment via le ferroutage.
Le tunnel du Gothard (57km) est une autre déclinaison du plan « Rail 2000 », qui, en plus d’agir pour les mobilités douces, crée de l’emploi !
Aujourd’hui, près de 40% du fret en Suisse est transporté par le rail alors qu’en France, c’est au mieux 12%.

Les Suisses ont décidé d’agir pour ne pas subir.

Le transport de marchandises par la route engendre de nombreuses nuisances : congestion des réseaux routiers, pollution de l’air, dérèglement climatique, aggressions sonores, problèmes de santé variés avec décès associés et accidents de la route, ainsi que dégradation continuelle des enrobées. En outre, il contribue fortement à la consommation de terres agricoles et naturelles pour installer des zones logistiques et construire toujours plus d’autoroutes justifiées par l’accroissement du trafic poids lourds.
Localement, ces nuisances se font notamment ressentir dans les traversées des principales agglomérations alsaciennes mais aussi dans les Vosges. La situation n’y est plus tenable, d’autant qu’il existe que peu d’alternatives, faute de politiques publiques ambitieuses telle que « Rail 2000 ».
Pire, c’est la schizophrénie : pour assurer des niveaux de revenus minimum aux sociétés privées d’autoroute, l’Etat, grand chantre de l’écologie durant la récente COP21, encourage le trafic camion par l’aménagement de routes nouvelles, tout en maintenant les sous-investissements dans le secteur du rail et de la voie d’eau… Comprenne qui pourra. Y-a-t-il un psychiatre dans la « maison qui brûle » ?
Pour illustrer cela, voyez par exemple le cas du projet de GCO à péage aux portes de Strasbourg, mais aussi celui du tunnel Maurice Lemaire sur la RN59. En témoigne ainsi le récent accord entre l’Etat et APRR (concessionnaire du tunnel) en faveur de la baisse du tarif du péage du tunnel pour les camions (de 68€ à 28€) contre un chèque de 30M€ donné par APRR à l’Etat pour accélérer la construction de la déviation de Châtenois et contraindre tous les camions à l’emprunter. Cela s’effectue au détriment des populations des vallées concernées et évidemment sans les consulter.

Inspirons-nous de la politique Suisse !

Le ferroutage, qui a démontré son efficacité en Suisse (73% du transit par ce moyen) peut être décliné dans la traversée des Vosges. La proposition consiste au réemploie de l’ancienne ligne ferroviaire entre Sélestat et St-Die-des-Vosges (42km, dont 24km existants), dont les emprises ont été préservées, pour y accueillir les trains navettes de ferroutage.
Les gares ferroviaires de Sélestat et St-Die sont situées à la croisée de lignes ferroviaires électrifiées d’importances, bénéficiant de larges emprises foncières et à proximité de réseau autoroutier, facilitant la création de pôles de ferroutage.
Le tunnel Lemaire retrouvera ainsi sa vocation ferroviaire initiale, bordée de part et d’autre (Ste-Marie-aux-mines et Lusse) de gares « auto-trains » pour le franchissement du massif par les
autos, à l’instar du Lötschberg (Suisse).
En complément de la navette de ferroutage, la ligne rouverte pourra proposer une offre de trains TER, plus rapide et confortable que les cars. L’intérêt de la proposition est ainsi double.
Cette solution offre une vraie alternative pour réduire les risques routiers par l’effacement des camions sur les routes et les cols vosgiens, tout en diminuant la pollution de l’air et les autres nuisances évoquées plus haut. Elle limite les émissions de bruit (un train transporte 40 camions en une fois) et offre une perspective de développement soutenable des vallées vosgiennes. Les embranchements ferroviaires des industriels seront pérennisés (société Hartmann).
Les Régions sont devenues Autorité Organisatrice de la Mobilité depuis 2015 : en conséquence, elles détiennent le pouvoir d’agir, y compris en matière de fret. Localement, nous disposons d’un industriel (Modalohr) spécialisé en ferroutage : toutes les cartes sont ainsi disponibles pour agir !
Le montant de l’investissement à consentir est largement à la hauteur des enjeux économiques et environnementaux du Grand Est.
Agissons avec des solutions qui ont fait leur preuve.
Arnaud Schwartz
Responsable du réseau énergies d’Alsace Nature & Secrétaire National de France Nature Environnement

[Tribune] Réaction d’Alsace Nature aux coulées de boues

[Tribune] Réaction d’Alsace Nature aux coulées de boues

Comment les coulées de boues pourraient être évitées !

Suite à de gros orages localisés ces derniers jours, un ensemble de phénomènes additionnés les uns aux autres a engendré des dégâts importants. Ces fortes pluies sont arrivées à une des époques les plus délicates de l’année : après une période pluvieuse, pendant laquelle les sols sont déjà gorgés d’eau, les précipitations ne pouvant pénétrer en profondeur et s’écoulant ainsi au plus court. Un temps aussi où les parcelles agricoles, cultivées en betteraves ou en maïs, ont un taux de couverture du sol très faible. De fait, elles ne retiennent pas l’eau et ajoutent les coulées boueuses aux inondations.
Si personne n’est directement responsable de ces épisodes pluvieux, certaines pratiques contribuent à en aggraver considérablement les conséquences :

  • les pratiques agricoles : appauvrissement du sol en matières organiques, favorisant ainsi l’érosion ; augmentation de la taille des parcelles monoculturales ; suppression de taillis et de haies sur les pentes,
  • une urbanisation qui s’est faite dans l’ignorance du fonctionnement des écosystèmes, en particulier dans ou à proximité des zones humides,
  • des réseaux d’assainissement non séparatifs, qui oblige l’eau de pluie à suivre le même cheminement que l’eau domestique, produisant une saturation et un débordement des réseaux et des stations d’épuration.

Des mesures simples, peu coûteuses et efficaces peuvent être mises en place pour limiter les coulées de boue, en faisant appel au « bon sens paysan ».
 
En amont, pour éviter le départ des coulées boueuses :

  • reconstituer des sols plus riches en matières organiques et développer les cultures sans labours,
  • maintenir et reconstituer des prairies, mettre en œuvre des assolements concertés dans les zones à risques en panachant cultures d’hiver et cultures de printemps,
  • développer l’agroforesterie (arbres dans les champs) pour réduire le lessivage et améliorer la structure du sol,
  • maintenir les zones humides.

 
En aval, pour tenter de réduire les risques :

  • reconstituer des réseaux de haies vivantes, beaucoup plus efficaces que les fascines,
  • découvrir les ruisseaux là où ils ont été busés (canalisés sous terre) et sous calibrés,
  • maintenir les fossés enherbés et les entretenir de façon légère, éviter leur comblement, causes majeures de l’aggravation de ces phénomènes,
  • penser les remembrements à l’aune de ces événements, en ne créant plus de grandes zones de culture en forte pente et en conservant les petites parcelles avec leurs réseaux de haies.

 
Il s’agit là de mesures réclamées par certaines communes mais souvent repoussées par les organisations agricoles. Il est temps que l’intérêt général l’emporte, mais il faut pour cela une réelle volonté politique ! L’humain ne maîtrise pas totalement la nature, il ne fait pas (encore) la pluie et le beau temps : la météo lui résiste toujours, et c’est heureux ! Mais les choix d’aménagement sont de notre compétence.
 
Avec le changement climatique, il est très probable que des épisodes pluvieux de ce genre se multiplient à l’avenir, voire s’intensifient. Il est de la responsabilité des pouvoirs publics, mais aussi du monde agricole, de prendre la mesure des ces évolutions et de les prendre en compte de manière sérieuse dans les futurs projets d’aménagement fonciers (remembrements) et documents d’urbanisme. Alsace Nature continuera à le rappeler systématiquement et avec encore plus de force !
 

Daniel Reininger,
Président d’Alsace Nature

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Les inondations de printemps ? Rien d’anormal !

Les inondations de printemps ? Rien d’anormal !

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Depuis plusieurs semaines la profession agricole laisse entendre que les inondations de printemps que connait la plaine d’Alsace sont anormales et sollicite la Région pour remettre au goût du jour un projet vieux de presque 40 ans d’endiguement de l’Ill. Pourtant les inondations inondations d’aujourd’hui n’ont qu’une seule cause, celle de l’endiguement de l’Ill dans la partie haut-rhinoise.
Alsace Nature a tenu à rappeler l’histoire de l’Ill et expliquer pourquoi nous en sommes là aujourd’hui. ne nous trompons pas de solution c’est bien en rendant à la rivière son fonctionnement naturel que nous règlerons les problèmes. Les autres solutions ne conduiront qu’à aggraver et déplacer un peu plus en aval les problèmes.
https://alsacenature.org/wp-content/uploads/2016/05/160511-AGRICULTURE-La-réponse-des-naturalistes-aux-agriculteurs-1.pdf
https://alsacenature.org/wp-content/uploads/2016/05/160511-AGRICULTURE-La-réponse-des-naturalistes-aux-agriculteurs-1.pdf
[Communiqué] Pour une meilleure efficacité dans l'action, Alsace Nature fait sa mue en 2016

[Communiqué] Pour une meilleure efficacité dans l'action, Alsace Nature fait sa mue en 2016

L’assemblée générale annuelle d’Alsace Nature s’est tenue ce samedi 23 avril, exceptionnellement à huis clos.
Lors de l’assemblé générale de 2015, à l’issue d’une réflexion stratégique menée pendant plusieurs mois, Alsace Nature avait adopté le principe de changements statutaires,. Notre constat était le suivant : après 50 ans d’existence, la vie de notre association, les dossiers que nous gérons, les problématiques sur lesquelles nous nous exprimons sont de plus en plus complexes. Cela conduit à une forme d’engorgement dans l’action. Par ailleurs, la réforme des collectivités territoriales se devait d’être prise en compte dans cette nouvelle démarche.
Fidèles au mandat donné par nos 2000 adhérents et notre centaine d’associations fédérées, les administrateurs de notre fédération ont imaginé les contours de la nouvelle organisation d’Alsace Nature. Lors de l’assemblée générale de 2016, ce samedi 23 avril, l’association a entériné sereinement ces nouveaux statuts.
Cette refonte statutaire prévoit plusieurs grandes évolutions :

  • les 20 groupes locaux, correspondant aux territoires des communautés de communes alsaciennes, et l’échelon régional d’Alsace Nature sont renforcés, les réseaux thématiques et les associations fédérées sont intégrés dans ces deux échelons organisationnels.
  • Les sections départementales sont juridiquement supprimées. L’échelon départemental restant pertinent dans notre action, nous substituons à ces sections des Coordinations départementales qui assureront la synergie.
  • Le Comité directeur régional devient un Conseil d’administration, composé de 30 membres (10 issus des membres individuels, 10 des membres associatifs et 10 représentants des groupes locaux).

L’assemblée générale a également voté une motion autorisant Alsace Nature a devenir membre fondateur de la coordination Grand Est des associations de protection de la nature, qui rassemblera, entre autres, les trois fédérations (Alsace Nature, Lorraine Nature Environnement et Champagne – Ardennes Nature Environnement) représentant FNE (France Nature Environnement) sur le territoire. Objectif de cette coordination : devenir l’interlocuteur privilégié des institutions dans la région Grand Est.

[Communiqué] Arrêtés préfectoraux contre les pesticides : stop à la mise en danger de notre santé !

[Communiqué] Arrêtés préfectoraux contre les pesticides : stop à la mise en danger de notre santé !

Face à la dangerosité et au vide juridique concernant les pesticides, les pouvoirs publics français ont fait un premier pas dans l’élaboration d’une réglementation : l’arrêté préfectoral du 30 mars 2016 pris dans le Haut-Rhin réglemente les épandages de produits phytopharmaceutiques sur les cultures de vignes et arboricoles à proximité des établissements accueillant des enfants et des personnes vulnérables. Un arrêté similaire est imminent dans le Bas-Rhin. Alsace Nature salue cette remarquable prise de conscience du danger des pesticides.
Néanmoins, l’association a écrit au Préfet du Bas-Rhin pour souligner l’insuffisance de l’arrêté pris dans le Haut-Rhin, pour les raisons suivantes :
•    les personnes vulnérables sont partout, et pas seulement dans les écoles : femmes enceintes ou susceptibles de l’être, personnes vulnérables par leur génétique ou des antécédents médicaux, fœtus…
•    Arrêter les épandages une heure avant l’école ne suffit pas, vu que les produits sont volatiles, et qu’il est même déconseillé de rentrer dans une zone traitée avant 6 à 48 heures.
•    Les distances d’interdiction sont inefficaces, vu le transport à distance et la redéposition des pesticides.
•    La vigne et les arbres fruitiers sont particulièrement traités, mais d’autres cultures reçoivent elles aussi des doses importantes de pesticides, comme les betteraves ou les pommes de terre.
•    Certaines molécules dangereuses pour l’environnement ont été exclues de l’arrêté, sans explication aucune.
Nos enfants doivent pouvoir jouer dans l’herbe des jardins sans être contaminés par les pesticides des voisins !
Alsace Nature demande à tous les acteurs de se mettre autour d’une table pour mettre en place des ceintures non traitées ou en agriculture biologique autour des villages [1]. C’est tout aussi important que de protéger les captages d’eau potable. Pour les agriculteurs et les particuliers, le message est le même : les traitements par les pesticides ne sont pas banaux !
Les pesticides utilisés couramment en agriculture, mais aussi dans les communes, les jardins et même à l’intérieur des maisons, ont des effets inquiétants sur la santé. Ces impacts sont clairement démontrés au niveau des cellules du corps. Ces produits touchent les systèmes sanguins et immunitaires, le cerveau, la régulation métabolique (diabète) et hormonale, le contrôle de la prolifération cellulaire (cancers)[2]. L’effet sur la santé peut devenir visible 30 ans après l’exposition !
L’impact des pesticides sur la santé ressemble donc à une loterie. Nous ne savons pas qui parmi nous sera malade, qui est génétiquement fragile et nous ne connaissons pas l’interaction des cocktails de molécules qui nous impactent dès la vie fœtale.
[1] C’est une des recommandations du rapport de Dominique Potier : Pesticides et agro-écologie. Les champs du possible page 161 – http://agriculture.gouv.fr/ministere/pesticides-et-agro-ecologie-les-champs-du-possible
[2] Expertise collective de l’INSERM, 2013

[Communiqué de presse] Opacité autour du financement du GCO : Alsace Nature appelle à un vrai débat public

Il y a un mois, l’Etat donnait à Vinci les clés de 300 hectares de terres agricoles dans le Kochersberg pour construire et exploiter pendant 54 ans une autoroute inutile. Dans ce contrat de concession, publié au Journal officiel et mis en ligne fin janvier 2016, ne figurait aucune information de nature a éclairer réellement les citoyens sur ce dossier. Péage, financement, emprises ou calendrier étaient renvoyés en annexes, inaccessibles sur internet.

Conformément à la mission qu’elle s’est donnée, Alsace Nature a fait une demande auprès de l’Etat pour se voir communiquées ces annexes. La fédération, qui rassemble 2000 adhérents directs et 130 associations, soit 35 000 personnes en Alsace, a pu constater, une fois les annexes reçues, que de larges pans en étaient « occultés pour les éléments couverts par le secret industriel et commercial », selon les mots du chef du département PPP Infrastructures et transports du ministère de l’Environnement.

Est-ce à dire que les citoyens ne doivent rien savoir des tripatouillages financiers entre Arcos, filiale de Vinci à laquelle l’Etat a accordé la concession, et Vinci Finance international, autre filiale de Vinci, financeur du groupe et basée en Belgique ? Est-ce à dire encore que les Alsaciens doivent ignorer que le fameux « tour de table financier », qui avait fait défaut au même géant du BTP en 2012, n’est toujours pas bouclé en 2016, alors que la concession est désormais accordée les yeux fermés par nos représentants ? Est-ce à dire enfin que les Bas-Rhinois vont rembourser, avec leurs péages, voire avec leurs impôts, plus de 600 millions d’euros injectés par les diverses filiales de Vinci, dont on ne sait d’où elles tirent l’argent, et ce pendant 54 ans, dans le seul but d’enrichir plus encore les actionnaires de cette multinationale ?

Oui, c’est ce que l’Etat souhaite ne pas ébruiter. En choisissant l’opacité de l’information pour le citoyen sur un marché public pourtant déjà attribué, l’Etat met le pouvoir aux mains d’entreprises privées dont l’objectif est l’affairisme et le profit et non pas l’intérêt collectif. Nous, associations qui nous battons pour la préservation de l’intégrité du territoire, pour sa résilience, à l’heure de la crise climatique, du pic pétrolier et de l’extinction massive des espèces sur la planète, nous dénonçons avec force l’opacité dont font preuve l’Etat et les élus locaux, complices de cette gabegie, en acceptant d’hypothéquer pour longtemps notre territoire au bénéfice d’une entreprise qui n’a, elle, aucun compte à rendre devant les citoyens.

Cette autoroute ne doit pas se faire. Nous ne laisserons pas l’Etat et les collectivités, désormais armés d’un bras destructeur, celui de Vinci, saccager la campagne strasbourgeoise sans réagir. Nous ne discuterons pas avec Vinci l’exécutant. Nous en appelons à un vrai débat public, à l’échelle de la nouvelle région, pour permettre aux citoyens de prendre la vraie mesure de l’impact environnemental de ce projet, qui s’inscrit à contre-courant de tous les engagements de la COP21 et qui n’a plus fait l’objet de la moindre consultation publique depuis 10 ans.

 
Inauguration de la cabane anti-GCO #6 à Stutzheim-Offenheim, samedi 12 mars 2016 à 10h30.