NOUS SOMMES CHARLIE

NOUS SOMMES CHARLIE

L’année 2015, qui verra Alsace Nature passer son demi-siècle, commence sur une note amère. Quand nos valeurs sont atteintes au cœur comme c’est le cas avec la tuerie à Charlie Hebdo, le monde associatif ne peut rester silencieux. Au travers de cet acte mené de sang froid, d’une violence extrême, d’une cruauté sans pareil, c’est le symbole même d’un contre-pouvoir qui est atteint.
Rappelons que parmi ceux qui ne sont pas sortis de la conférence de rédaction, il y a avait Cabu, nom bien connu des dessinateurs satiriques français et qui, dans les années 1970, participait à nos cotés aux manifestations de Marckolsheim… Il y avait Charb, Wolinski et Tignous des gens engagés pour une meilleure protection de notre environnement. Alors aujourd’hui nous ne pouvons qu’être en deuil, nous ne pouvons qu’avoir une pensée pour leurs proches, nous ne pouvons que ressentir le vide infini qui s’est créé en nous hier.
Dans les locaux de Charlie Hebdo, il y avait aussi ce jour là, Fabrice Nicolino. plume bien connue des mouvements écologistes. Blessé sérieusement aux jambes d’après nos informations, nous lui souhaitons de vite revenir sur le devant de la scène et pensons à lui.
« Je n’ai pas l’impression d’égorger quelqu’un avec un feutre » disait Charb continuons à écrire, à dénoncer, à rire et à vivre ensemble !

De l'ambition que diable !

Profitant de la venue du Commissaire Européen à l’Environnement Janez Potočnik à Paris, le député bas-rhinois Philippe BIES a posé une question à ce dernier sur la condamnation de la France pour insuffisance de protection du Grand Hamster. Retrouvez sa question sur son blog.

Cela ne peut qu’appeler quelques remarques de notre part. Fut un temps, nous l’aurions fait en réunion de concertation « hamster », mais vu qu’il n’y a plus de réunion de débat sur la question de la conservation du Grand Hamster, nous exportons ce dernier sur la toile. 20 ans que les associations se battent pour la protection de cette espèce, des milliers de fois nous avons répété, argumenté, proposé, écrit… des centaines d’heures de réunion pour en arriver à une telle position !? Attendre que les mesures fassent leurs effets et pendant ce temps là casser du Renard en pensant que cela protégera le hamster (cf. article) ? Si c’est la seule ambition de l’actuel gouvernement pour favoriser la biodiversité alors effectivement nous finirons en queue de peloton des pays ayant développé une réelle stratégie pour cet enjeu majeur (nous n’en sommes plus très loin, allez encore un effort !). De plus, cela coûtera des milliards pour tenter de remplacer les services rendus gratuitement par la biodiversité.

Lire « Le coût individuel d’un hamster préservé apparaît indécent à la grande majorité de nos concitoyens » :  j’aimerais connaitre la source de cette affirmation (éventuellement à mettre en perspective avec cette grande fête populaire qu’est le Rallye de france…) et surtout si aujourd’hui il existe un calcul du coût d’un hamster sauvé (je pose la division : nombre d’argent injecté tous domaines confondus ÷ nbr de hamster recensés) c’est surtout la deuxième partie de l’équation qui est inquiétante (du point de vue mathématique, la division par zéro a-t-elle un sens ?! nous tondons vers cela pourtant) plus que l’argent qui est mis dans la première partie. Ne voyons nous pas que reconstituer de la biodiversité coûtera toujours beaucoup plus cher que de la préserver ? Pourtant nous le clamions déjà il y a 20 ans… mais nous n’avons pas été entendus. Et nous ne le sommes toujours pas sur de multiples dossiers, où les associations sont assez rapidement catégorisées « d’anti-développement », où on nous sert l’éternelle litanie sur le chômage comme si la protection de la nature était la source de ce dernier.

Sinon, sur les soi-disant mesures ambitieuses que le gouvernement développerait dans le Plan National d’Action (PNA), je renvoie à la lecture de notre analyse de la situation (cf. dossier). Alors oui, cela ne fera plaisir à personne de voir arriver l’amende en question mais face à la cécité récurrente des gouvernements successifs il n’y a malheureusement pas beaucoup d’autres solutions (comme pour d’autres dossiers qui ne manqueront pas d’arriver sur la table : N2000, biomasse…). Ce n’est pas faute d’avoir tenté de trouver des consensus locaux pour essayer d’être « intelligent » dans la protection de cette espèce : mais à la cécité citée précédemment est associée la surdité. Cela n’aura abouti à rien par désengagement des partenaires (et pas les associatifs…) qui ont cru répondre à des enjeux plus « importants » en cédant petit à petit à une vision d’une protection par zonage le plus limitatif possible (pour ne pas gêner la sacro-sainte économie agricole et le développement outrancier de l’urbanisme et des réseaux de transports dans notre région).

Nous en arrivons à l’hérésie suivante : aire historique de présence de l’espèce (180 000 ha environ) ; aire actuelle dans laquelle, quand un projet d’aménagement se fait, il faut faire une analyse de son impact sur le hamster (9 000 ha). 5% de l’aire historique ! Effectivement, cela «renforce très sensiblement les mesures destinées à préserver l’habitat de cette espèce» ! Mieux ! Sur ces 9 000 ha, il est important de savoir combien de terres sont favorables au rongeur pour mesurer l’impact réel. Alors même en donnant acte à Philippe Bies des 25% (qui ne sont qu’un objectif et pas une réalité actuellement…) nous serons, aux termes du Plan d’Action si tout va bien, à 1,25% de l’aire historique. A cela, et pour compléter le tableau, il faut rajouter deux choses non anodines : les 9 000 ha ne sont pas d’un seul tenant mais en 3 zones distinctes. La continuité des milieux à l’intérieur des zones n’est pas assurée. Il eût été plus juste de présenter la situation de la sorte au Commissaire Européen…

Effectivement pour une espèce qui n’est présente qu’en Alsace et au seuil de l’extinction, l’ambition est folle et démesurée…

Si l’Alsace veut garder une image de région en tête des questions environnementales (ce qui était le cas fut un temps) il va drôlement falloir changer de paradigme et là tous les élus ont les cartes en mains, du maire de la petite commune au député… Dans une réelle vision ambitieuse (pas le cache misère du Plan National d’Action actuel) les associations seront des partenaires.

Appel solennel pour l’abandon du projet de centre pénitentiaire de Lutterbach

Madame le ministre de la justice,
Lors de la présentation du budget du ministère de la Justice en septembre dernier, vous aviez annoncé l’amorce d’un « programme de construction et de réhabilitation d’envergure » en matière pénitentiaire se traduisant entre autre par la construction de neuf nouvelles prisons. Parmi ces neufs projets, celui Lutterbach est considéré comme une réelle « usine carcérale » par les professionnels du milieu. A l’origine, cette prison était sensée accueillir les détenus des maisons d’arrêt vétustes du Haut-Rhin (Mulhouse et Colmar) et de la centrale d’Ensisheim, soit l’aménagement de 730 places pour les prévenus.
Dans le dernier projet à notre connaissance il aurait été décidé que l’établissement ne compterait plus que 500 places. Or, si nous pouvons noter que le souhait de ne pas construire des espaces de détentions à taille inhumaine semble avoir était partiellement entendu, il n’en demeure pas moins que la localisation du projet pose problème. En effet, le bâtiment serait situé dans un espace à vocation naturel constitué notamment d’une réserve naturelle régionale de 150 ha d’une part et d’autre part d’un espace Natura 2000 et consommerait une grande surface de terres agricoles. Tous les documents d’urbanisme POS, PLU, GERPLAN, SDAU ont  classé le site en zone naturelle et le SCOT, publié en 2007, a désigné le lieu comme « trame verte ». Inondable et proche des puits de captage de l’agglomération mulhousienne, le site est concerné  par un PPRI et SAGE non encore finalisé. De plus, il serait situé près de la Cité de l’Habitat ainsi que du CINE (Centre d’Initiation à la Nature et à l’Environnement) de Lutterbach, qui propose aux scolaires des animations en milieu naturel à proximité.
Face à l’absence d’espace de dialogue autour de ce projet et au regard des  enjeux environnementaux nous ne pouvons qu’appeler de nos voeux une prise de décision de votre part rejetant ce site d’implantation.  Il nous semble qu’au cours des visites et échanges que vous avez pu avoir avec les interlocuteurs locaux, des idées pertinentes ont pu voir le jour et méritent en tout cas de faire l’objet d’une analyse fine. Ainsi, tant que ce projet reste dans le champ des projets potentiels, il grève toute réflexion autre.
Nous savons que vous restez attaché au dialogue et votre venue sur le site montre votre détermination à mesurer les enjeux avant toute décision. Il nous parait nécessaire que la dimension naturaliste n’échappe pas à la rigueur de cette analyse.
En restant à votre entière disposition, nous vous prions d’agréer, Madame la Ministre, l’expression de notre haute considération.
Maurice WINTZ
Président Régional
 

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Dialogue ou provocation ? La FDSEA et les Jeunes agriculteurs d’Alsace ont choisi


« Alors que les associations de protection de la nature, représentées par France Nature Environnement, ont pris part à l’opération « Agriculture – environnement : de la crispation à la médiation » le 27 septembre dernier, Alsace Nature, fédération des associations de protection de la nature alsacienne, vient de voir ses locaux dégradés par le dépôt d’un tas de fumier devant sa porte. Leur participation constituait pourtant une première pierre pour sortir de l’incompréhension qui existe actuellement et cette reprise de dialogue avait fait l’objet d’un soutien des ministres de l’Ecologie et celui de l’Agriculture.

Pendant que le monde agricole alsacien manifestait ce matin dans la capitale strasbourgeoise pour dénoncer l’inadaptation de la Directive Nitrates aux fonctionnement des entreprises agricoles alsaciennes, un tracteur portant un drapeau de la FDSEA s’est rendu devant la maison des associations de protection de la nature (rassemblant Alsace Nature, la Ligue pour la Protection des Oiseaux, Odonat, le Groupe d’Etude et de Protection des Mammifères d’Alsace, BUFO et le pôle nature et biodiversité de France Nature Environnement) pour y déverser une benne de fumier. Sans même avoir pris la peine de justifier ce geste ou d’en donner la moindre explication, les protagonistes ont filé avant même que les divers occupants des lieux n’aient pu engager une discussion.
Alsace Nature et ses associations fédérées et France Nature Environnement déplorent ce type d’acte et n’en comprennent pas la signification. Alors que l’enjeu principal est de réconcilier l’agriculture et les enjeux environnementaux, ce dépôt de fumier donne une bien mauvaise image d’une partie de la profession et de ses capacités d’entendre les préoccupations de la société.
Maurice Wintz, Président d’Alsace Nature, déclare « alors que nous faisons de très nombreuses ouvertures au dialogue vers la profession nous déplorons ce type de procédé. Nous attendons de la part des dirigeants des organismes professionnels agricoles qu’ils prennent clairement position face à ces exactions ».
Pour Bruno Genty,  Président de FNE : « Il est clair que cette action malveillante est un obstacle sur le chemin du dialogue. La balle est dans le camp des dirigeants des organisations professionnelles agricoles. »

Hamster : changer de modèle agricole !

A l’occasion de la consultation sur le Plan National d’Action (PNA) Hamster, Anne Vonesch, secrétaire régionale d’Alsace Nature, livre une critique sévère et argumentée de ce plan en ce qui concerne son volet agricole.
Ce plan national d’action pour le hamster  s’engage à dépenser des sommes considérables sans poser le problème de fond du système agricole en cause.
Le hamster est un indicateur de la qualité d’un écosystème agricole. Or l’écosystème agricole de la plaine fertile d’Alsace est en crise dans différents domaines, aussi sérieux et inquiétants les uns que les autres :
–       La perte en matière organique des sols
–       La pollution de l’eau par les nitrates et pesticides
–       La pollution de l’air par les pesticides
–       La progression de la chrysomèle du maïs
–       La dégringolade de la biodiversité
–       La banalisation des paysages
–       Une pression foncière sévère, qui fait entre autre que tout le monde hurle à l’unisson contre l’artificialisation des terres – sauf lorsqu’on cherche à freiner l’urbanisation au nom du hamster !
Le PNA offrait une opportunité pour soutenir un changement de paradigme en termes d’agronomie et de biodiversité, impactant positivement le cadre de vie et l’attractivité du territoire. Il est possible d’utiliser les moyens disponibles intelligemment pour répondre à l’ensemble des problèmes listés ci-dessus, tout en fournissant un biotope viable au hamster. Les discussions avec les agriculteurs et la lecture de diverses études me font en effet penser que la réponse aux problèmes du hamster est liée :
–       A un sol couvert tout au long de l’année
–       Aux rotations pertinentes pour le hamster, lui apportant de la nourriture
–       A l’enrichissement en humus et au travail superficiel du sol
–       A l’absence de pesticides
–       A la connectivité des parcelles favorables
Tout en réintroduisant des haies, arbres, bandes enherbées, ripisylves…  pour l’ensemble de la biodiversité.
Or ces méthodes agronomiques sont préconisées voire obligatoires en agriculture biologique, mais aussi en agriculture écologiquement intensive, deux approches qui, projetés sur l’avenir, se rejoignent.
Une action prioritaire serait donc de mettre en place une incitation déterminée  en faveur des conversions en agriculture biologique dans les zones à hamster. Il existe une forte demande pour les céréales biologiques. Pour les agriculteurs qui ne veulent pas passer en agriculture biologique, l’adoption de méthodes relevant de l’agriculture écologiquement intensive est une alternative valable, tout en renonçant pour l’essentiel aux pesticides selon les méthodes élaborées par l’INRA.
Une telle approche permet en même temps de répondre aux problèmes de pesticides et de la pollution de l’eau, de l’air et des sols, de la fertilité des sols, de la chrysomèle. Les efforts pour la biodiversité peuvent bénéficier à l’ensemble de la faune et à la qualité du paysage. L’abandon des pesticides me semble essentiel pour la protection du hamster, et il vaut mieux ne pas attendre l’ultime preuve de cet impact.
Il me semble inacceptable d’utiliser 27 % de cette manne financière pour élever et lâcher des hamsters. Il y a sans doute un sens pédagogique à ce que les scientifiques éleveurs apprennent à tirer les leçons des échecs de la production en cages batteries. Toutefois ceci n’est pas forcément l’objectif prioritaire du PNA.
Il se trouve que l’obstacle à la diversification oh combien nécessaire des rotations, est la forte attractivité économique du maïs grâce à la demande industrielle, associée au fait que, de plus, il nécessite assez peu de travail.
L’élément clé pour rendre viables et attractives des rotations et combinaisons de cultures favorables au hamster est donc la construction des filières correspondantes.  La mise en place de filières doit donc être en première ligne du PNA, et avancée en très haute priorité. Or seulement 100 000 € sont attribués à cet objectif ! Les filières peuvent être de deux types :
–      Cultures favorables au hamster : luzerne, blés anciens à récolte tardive…
–      Produits étiquetés et valorisés comme étant favorables au hamster, indicateur d’un agro-éco-système sain et durable. Cela pourrait concerner des produits comme le pain, la bière, du muesli… et, en fait, aussi les filières animales à base de cultures favorables à la biodiversité.
Il est donc nécessaire et urgent de corriger les priorités du présent plan, et ceci au nom de la cohérence et de la transversalité et de la bonne utilisation de l’argent public.

Anne Vonesch

Secrétaire régionale d’Alsace Nature

Au secours, le GCO revient !

Au secours, le GCO revient !

Vous l’avez certainement remarqué, le GCO n’est pas encore complètement enterré. D’un point de vue formel, la Déclaration d’Utilité Publique (DUP), qui permet la réalisation des travaux, court jusqu’en 2018. Cela signifie que le projet peut être relancé à tout moment, au gré d’un changement de majorité politique… ou de la soumission des équipes décisionnaires actuelles à une pression de plus en plus forte. Les « pro-GCO » l’ont bien compris puisque depuis quelques semaines, la Chambre de commerce et d’industrie (CCI) et un certain nombre d’élus multiplient les interventions pour arracher une remise  en question de la courageuse décision d’abandon du projet. Et cela semble commencer à fonctionner puisque la majorité actuelle semble déjà vaciller dans ses certitudes…
De notre côté, nous restons convaincus que le GCO est un mauvais projet et que son abandon peut enfin ouvrir la porte à des alternatives sérieuses, à la hauteur des enjeux écologiques et sociaux qui sont posés. Car, enfin, il ne s’agit pas seulement de la seule question de cette autoroute spécifique, mais bien du nécessaire changement structurel que nous devons enclencher le plus rapidement possible. Nous entrons dans une période nouvelle, de pénurie et de cherté de l’énergie, qui demande un investissement massif dans les modes de déplacement alternatifs à la voiture. Or, on ne peut vouloir à la fois développer les transports collectifs et construire des routes : il faut choisir !
Abandonner le GCO, c’est ouvrir la voie à ces alternatives[1]. Vouloir le construire à tout prix, c’est, qu’on le veuille ou non, freiner ces alternatives.
Ne laissons pas les lobbies et les visions à court terme obérer notre avenir. Nous avons déjà payé suffisamment cher cette manière de faire, quand, par exemple, les autorités publiques ont démantelé une bonne partie du réseau ferré secondaire qui serait bien utile aujourd’hui[2].
Alors, arrêtons de débattre sans fin du GCO, mais débattons, c’est nécessaire, des solutions alternatives, car l’avenir se situe dans cette voie et pas dans l’archaïsme autoroutier.
 

Maurice Wintz

Président d’Alsace Nature



1 Au-delà des projets « lourds » comme le TSPO ou le tram- train, des améliorations sont envisageables, notamment dans le secteur au nord-ouest de Strasbourg, aujourd’hui très mal desservi comme par exemple des parkings-relais, une augmentation conséquente de la desserte en car, des couloirs réservés. Quand on laisse la place à l’imagination…
[2] Déjà en 1992, Alsace Nature avait pointé ces erreurs dans sa brochure « Transports et environnement en Alsace »… sans être écoutée.