Restauration de la nature : une victoire historique​ !

Restauration de la nature : une victoire historique​ !

[communiqué de France Nature Environnement]

le 27 février 2024

 

Mardi 27 février 2024, le Parlement européen adopte le règlement sur la restauration de la nature, pierre angulaire du volet biodiversité du “Green Deal”. Le texte a traversé d’intenses phases de négociations entre le Conseil et le Parlement, et survécu à une campagne de désinformation massive orchestrée par la droite et l’extrême-droite.

Avec plus de 80% d’habitats naturels en mauvais état, et 70% de sols en mauvaise santé, l’UE se dote aujourd’hui des moyens nécessaires pour pérenniser les modes de vie de ses citoyen·nes et de son économie.

Aujourd’hui, les Etats membres s’engagent à mettre en place des mesures de restauration sur 20% des terres et mers européennes d’ici 2030, et sur 100% des surfaces dégradées d’ici 2050. Cet objectif général sera décliné par type d’écosystème (marins, forestiers, agricoles, urbains, etc.) et adapté aux réalités environnementales nationales. Les Etats membres ont désormais deux ans pour élaborer leurs plans nationaux de restauration, qui seront révisés par la Commission jusqu’en 2027 au plus tard.

Restaurer la biodiversité pour l’humain et la nature

La biodiversité décline à un rythme sans précédent dans le monde, et en Europe, avec des conséquences dévastatrices.

Selon la Commission européenne, 81% des habitats et des écosystèmes de l’UE sont en mauvais état de conservation. En France, le constat est similaire avec seulement 20% des habitats en bon état de conservation en métropole sur la période 2013-2018. Un chiffre qui baisse même à 6% pour les écosystèmes marins et côtiers et pour les écosystèmes humides (données de l’Observatoire national de la biodiversité). Une dégradation qui a un impact sur les espèces végétales et animales. Le rapport de la Commission européenne sur l’état de conservation de la nature dans l’Union européenne montre que les populations d’oiseaux déclinent et que 63 % des autres espèces ont un état de conservation jugé « insuffisant » ou « médiocre » (EUR-lex).

Il convient de rappeler que cette érosion dramatique de la biodiversité est liée aux activités humaines. A l’échelle mondiale, les cinq grands facteurs d’érosion de la biodiversité sont l’artificialisation des milieux naturels, la surexploitation des ressources, le changement climatique (d’origine anthropique), la pollution, et enfin les espèces invasives et envahissantes. Et l’érosion de la biodiversité menace directement la pérennité de nos modes de vie. Le Forum économique mondial a estimé en 2020 que plus de 50% du PIB mondial (soit 44 000 milliards de dollars) dépend de la nature et de ses services. La nature est en effet le support de nombre d’activités essentielles à notre existence et nos économies : production alimentaire, extraction de matériaux renouvelables (comme le bois ou les fibres textiles), assainissement de l’eau, régulation du climat, ou encore protection contre les catastrophes naturelles (glissements de terrain et inondations par exemple).

Ainsi, la restauration des écosystèmes au sein desquels (et par lesquels) nous vivons relève d’un impératif scientifique et social, pas d’un choix idéologique. Après l’inefficacité des engagements volontaires passés, l’inscription d’une obligation légale de restauration dans les textes européens est un signal fort. Ce signal est d’autant plus important que l’UE s’est engagée pour la biodiversité au niveau international, via l’accord de Kunming-Montréal dont elle a soutenu l’ambition, et elle se doit désormais d’être exemplaire et de montrer la voie aux autres pays. Au sein de l’Union, le cadre et les ambitions partagées du règlement sur la restauration de la nature viendront donner cohérence et ampleur aux efforts de restauration déjà portés à certaines échelles nationales ou dans les territoires par de nombreux acteurs (collectivités, syndicats mixtes, associations, exploitants en agroforesterie, usagers de la nature, etc.).

Il reste aujourd’hui aux Etats Membres à traduire cette ambition dans leurs plans nationaux, en définissant des cibles et moyens d’actions adéquats. France Nature Environnement et l’ensemble de la société civile seront là pour soutenir la France dans l’élaboration de stratégies ambitieuses et vitales pour nos écosystèmes.

Une victoire citoyenne face à des stratégies électoralistes

Dans un contexte pré-électoral, la proposition de règlement sur la restauration de la nature a fait l’objet d’une campagne de torpillage et de désinformation massive – orchestrée par une alliance entre partis de droite et d’extrême-droite, et alimentée par les lobbies de l’exploitation intensive des ressources naturelles (agriculture, pêche, foresterie).

Le 12 juillet 2023, la restauration des écosystèmes européens a été sauvée de justesse au Parlement – à 12 voix près sur 648 – contre une tentative d’annulation pure et simple du texte. Motivés par un calcul électoraliste, les libéraux et conservateurs européens se sont alliés pour polariser le débat, en jouant sur la peur et en utilisant la crise agricole à leur avantage. Inversant causes et conséquences, l’alliance des droites a brandi la menace de l’insécurité alimentaire et de la perte de souveraineté si l’UE désirait mettre en œuvre son « Green Deal ». Or, aujourd’hui, c’est bien la surexploitation des ressources, la pollution et l’artificialisation des terres qui menacent nos systèmes de production.

Toutefois, la mobilisation massive de la société civile l’a emporté sur les contre-vérités : citoyen·nes, scientifiques, associations de protection de l’environnement, mais aussi grandes entreprises se sont exprimés par milliers en faveur du règlement sur la restauration de la nature. Pour l’ensemble de ces acteurs, c’est la protection des écosystèmes et la présence d’un cadre réglementaire fort qui assurera la transition et la résilience de notre société, en garantissant la durabilité de nos ressources et en favorisant la planification à long terme pour la transformation de nos modèles économiques.

Cette victoire confirme le rôle clé de l’Union européenne dans la protection de la biodiversité et la lutte contre le changement climatique. A l’approche des élections européennes, France Nature Environnement appelle donc chacun et chacune à se rendre aux urnes le 9 juin 2024 pour permettre la poursuite des efforts engagés avec le Green Deal.

Pour aller plus loin

 

 

D’ICI A LA MER, une semaine d’actions en faveur de l’Eau !

D’ICI A LA MER, une semaine d’actions en faveur de l’Eau !

Un évènement co-construit par Alsace Nature, fédération des associations de protection de la nature et de l’environnement, en partenariat avec l’ENGEES, école d’ingénieurs dans le domaine de l’eau, des déchets et de l’aménagement durable du territoire.

Durant la semaine de l’Eau du 16 au 23 mars 2024, divers partenaires (associations étudiantes, associations locales, organisations publiques,  collectivités, etc.) se mobilisent pour explorer et sensibiliser aux principaux enjeux qui pèsent sur cette ressource universelle.

Ouverts à tous les publics, ces évènements sont placés sous le signe du partage et du débat citoyen.

Au programme :

  • Agir sur le terrain : en participant à des ateliers ou des actions grand public, en explorant des milieux naturels pour comprendre les écosystèmes humides ;
  • Mieux comprendre les enjeux de l’Eau sur notre territoire : grâce aux conférences et aux débats citoyens ;
  • Venir à la rencontre des associations étudiantes et partager des temps forts d’actions, de réflexions et de partage ;
  • Elargir le sujet au-delà de notre cadre de vie et explorer la question au-delà de nos frontières.

Soyez nombreux à nous rejoindre pour faire de cette semaine d’informations et d’actions un grand rendez-vous citoyen !

 

Voir le programme complet

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[STOCAMINE] Derniers éléments juridiques et décryptage de la situation

[STOCAMINE] Derniers éléments juridiques et décryptage de la situation

Nous souhaitons vous tenir informés des derniers éléments juridiques concernant ce dossier et vous apporter un décryptage de la situation, car les informations véhiculées dans la presse ne sont pas toutes conformes à la réalité.

 

FAITS JURIDIQUES

Vous savez déjà que le 7 novembre dernier, le Tribunal Administratif de Strasbourg donnait raison à Alsace Nature, en prononçant la suspension, dans une procédure en référé (voir infographie ci-dessous), de l’arrêté préfectoral du 28 septembre 2023, interdisant ainsi le début des travaux d’enfouissement définitif des déchets toxiques.

Le ministre de la Transition écologique et de la cohésion des territoires ainsi que les Mines des Potasses d’Alsace (MDPA) avaient alors saisi le Conseil d’État en vue de l’annulation de ce référé suspension.

Malheureusement la décision qu’a rendue le Conseil d’État le 16 février 2024 annule ce jugement du Tribunal Administratif de Strasbourg, ouvrant la porte à la reprise des travaux.

 

DÉCRYPTAGE

Les procédures juridiques en référé ne jugent pas le fond des dossiers, mais le caractère d’urgence à agir dans une situation : on dit alors que l’ordonnance en référé n’a que « l’autorité provisoire de la chose jugée », c’est à dire qu’elle n’est valable que jusqu’à ce que les juges se prononcent sur le fond du dossier.

Le dernier arrêt rendu, contrairement à ce qu’affirment certains journaux, ne porte donc que sur l’urgence de la situation et non pas la légalité de l’opération d’enfouissement. Le Conseil d’État, dans sa décision, reproche à Alsace Nature de n’apporter « aucun élément permettant d’établir que le démarrage des travaux de confinement des déchets sur le site en cause présenterait un danger immédiat pour les intérêts publics qu’ils invoquent.».

Reprenons factuellement
les arguments DE CHACUNE DES PARTIES

L’État et les MDPA nous disent que la mine est devenue dangereuse, qu’elle menace de s’effondrer et qu’il est inenvisageable d’enlever les déchets. Nous avons tous vu ces images de déchets coincés par un plafond qui s’effondre.

Les mêmes s’accordent pour dire que tôt ou tard, l’eau de la nappe phréatique viendra ennoyer les galeries et rentrera en contact avec les déchets conduisant ainsi à une pollution de l’eau de la nappe phréatique.

Enfin, ils tentent de convaincre (et le Conseil d’État a visiblement fait sienne cette analyse) que de couler du béton autour des déchets va permettre tout à la fois de protéger la nappe phréatique et de continuer à pouvoir en envisager l’excavation au moment où l’eau de la nappe viendra ennoyer les galeries.

 

A ce stade il n’y a que 2 possibilités :

  1. soit les barrières de béton vont réellement perdurer dans le temps et alors il sera quasiment impossible d’aller chercher les déchets (cela nécessiterait de mobiliser des moyens pour retirer le béton afin d’avoir accès aux colis);
  2. soit le béton, en contact avec la potasse, va se déliter au fil du temps et quand l’eau affleurera nous serons exactement au même point qu’actuellement mais avec des déchets de béton en plus.

La décision du Conseil d’État est regrettable en ce sens, mais ne constitue malheureusement pas une grande surprise pour nous.

Elle ne marque cependant pas la fin de ce combat et nous restons déterminés à poursuivre notre mobilisation avec vos soutiens.

D’une part, un jugement au fond du Tribunal Administratif de Strasbourg doit avoir lieu. Nous espérons une date assez rapide avant que les travaux ne soient trop avancés et rendent le jugement inutile car trop tardif. D’autre part, il reste quelques procédures que nous pourrions engager. Nous nous laissons, au moment où nous écrivons ces lignes, quelques jours de réflexion pour mobiliser les bons outils au bon moment, mais nous ne manquerons pas de vous tenir informés.

 

Le Tribunal Administratif de Strasbourg consacrait, dans son jugement, le droit des générations futures à vivre dans un environnement sain marquant ainsi une réelle avancée pour la prise en compte environnementale, puisque c’est la première fois que ce principe a empêché la réalisation d’un projet. Il est de notre rôle de citoyens de mettre en œuvre tous les moyens possibles pour inscrire dans les jurisprudences de notre pays ce droit et aboutir, dans ce dossier, à un retour à la raison du gouvernement pour mobiliser les moyens nécessaires afin de remonter et traiter les tonnes de déchets de Stocamine.

Mais la procédure administrative n’est pas la seule que nous avons engagée, il y a également la procédure pénale. Vous avez sans doute lu que les plaintes que nous avions déposées ont été classées sans suite, le Parquet ayant classé les deux plaintes, pour « prescription de l’action publique » pour la première, qui portait sur la dégradation des eaux souterraines et l’organisation frauduleuse de la gestion des déchets, et pour “infraction insuffisamment caractérisée” pour la seconde (notamment pour non-respect des opérations de maintenance des galeries en vue d’en préserver la réversibilité).

TÉLÉCHARGER L’INFOGRAPHIE

 

LE COMBAT CONTINUE

Malgré les nombreux explications et échanges avec le Parquet, nous n’avons pas été entendus. Toutefois, sur ce volet pénal, nous ne cèderons pas et saisirons le Procureur Général de la Cour d’Appel de Colmar. Pour nous, plus que jamais, les faits délictueux sont avérés. Nous poursuivons donc notre travail pour qu’une enquête pénale soit diligentée.

Nous vous tiendrons informés au fil de l’évolution de ce dossier. Et ne pouvons que vous remercier pour les soutiens qui nous ont déjà permis d’empêcher l’inéluctable par 5 fois et en retarder la mise en œuvre funeste depuis 3 années. Plus que jamais la mobilisation citoyenne, en plus des recours juridiques, est nécessaire pour donner un poids politique à ce dossier.

Contrairement aux éléments de langage que nous entendons ici ou là, ce dossier n’est de loin pas fini et l’espoir de léguer un monde vivable à nos enfants est toujours possible. Continuez à soutenir notre action !

[Revue de presse] Stocamine : le Conseil d’État annule la décision du tribunal administratif qui suspendait les travaux de confinement définitif des déchets

[Revue de presse] Stocamine : le Conseil d’État annule la décision du tribunal administratif qui suspendait les travaux de confinement définitif des déchets

Saisi en cassation par le ministre de la transition écologique Christophe Béchu, le Conseil d’Etat, par une décision du 16 février 2024, vient d’annuler la décision du tribunal administratif qui avait suspendu, le 7 novembre 2023, l’autorisation de confinement des déchets ultimes enfouis sur le site de Stocamine à Wittelsheim.

Le Conseil d’Etat a en effet préféré reprendre les arguments de l’Etat et des Mines de Potasse d’Alsace, qui invoquaient des problèmes de sécurité pour déstocker les déchets, plutôt que les arguments du tribunal administratif qui avait retenu le droit des générations futures, validant ainsi les arguments des associations et experts.

Pour les magistrats du conseil d’Etat, il y a donc davantage urgence à commencer les travaux de confinement des déchets plutôt qu’à les suspendre.

« On a un mépris assez invraisemblable pour les générations futures », a dénoncé samedi 17 février sur france infos Stéphane Giraud, directeur de l’association Alsace Nature.Cette décision ouvre la voie à la reprise des travaux d’enfouissement définitif. « On a un risque de pollution extrêmement conséquent » de « la plus grande nappe phréatique d’Europe qui alimente des millions de personnes », a-t-il expliqué. Stéphane Giraud « regrette amèrement cette décision qui relève plus d’une décision politique que d’une décision juridique », dit-il.

L’avocat d’Alsace Nature François Zind dénonce « une vision parisienne décalée de la réalité« , et compte bien poursuivre les recours. « Le Conseil d’Etat aurait pu se prononcer sur le fond, ce n’est pas le cas« , regrette-t-il.

 

REVUE DE PRESSE

  • Le Parisien, le 16/02/24 : « Stocamine : le Conseil d’État autorise le démarrage des travaux de confinement des déchets toxiques » : https://www.leparisien.fr/environnement/stocamine-le-conseil-detat-autorise-le-demarrage-des-travaux-de-confinement-des-dechets-toxiques-16-02-2024-ATWVKOE5KZDETCRINA7SFR2WOA.php

 

[Communiqué de Presse] Hold-up de neige dans les Vosges

[Communiqué de Presse] Hold-up de neige dans les Vosges

Alors que la Cour des Comptes vient de rendre un rapport sans appel mettant en évidence l’impact du réchauffement climatique pesant sur l’équilibre financier des stations de montagne et appelant à repenser le modèle économique de ces territoires, les associations font, sur le terrain, le constat d’une toute autre réalité.

Décembre 2023, alors que l’enneigement n’est pas au rendez-vous, d’aucuns ont jugé pertinent d’effectuer en pleine nuit des rotations en camion, au cœur d’espaces protégés, pour transporter au moins de 70 tonnes de neige selon notre estimation.

Cette anecdote traduit malheureusement la cécité de certains acteurs devant l’urgence de changer de paradigme.

Nos associations, Alsace Nature, Mountain Wilderness, SOS Massif des Vosges et Lorraine Nature Environnement, appellent à ce qu’un réel travail collectif soit engagé autour des mutations permettant non seulement de vivre correctement en montagne, de répondre aux enjeux touristiques mais aussi d’offrir la nécessaire protection aux ressources et milieux naturels.

A l’heure où la loi « climat et résilience » impose à chaque Comité de Massif d’établir un plan stratégique d’adaptation au changement climatique, où la Cour des Comptes appelle à réorienter des fonds vers la mutation des activités, il est plus que temps d’ouvrir ce débat auquel nos association demandent d’être alliées.

Plus d’info sur notre article

 

 

De la neige transportée par camion pour alimenter la station de ski de la Bresse dans les Vosges

De la neige transportée par camion pour alimenter la station de ski de la Bresse dans les Vosges

Les associations, Alsace Nature, Mountain Wilderness, SOS Massif des Vosges et Lorraine Nature Environnement, s’associent pour dénoncer les faits suivant :  

Le 29 décembre dernier, alertés par des phares sur la route des Américains, des citoyens se sont étonnés et ont alerté les associations de protection de la nature. Après plusieurs vérifications et interrogations des membres locaux, nous avons pu reconstituer partiellement les événements.

Dès le 19 décembre des tas de neige déversés sur les parkings de la station de ski de la Bresse interpellent des observateurs qui à cet instant n’y prêteront pas plus attention. À cette date il a très peu neigé, beaucoup plu et les températures bien trop clémentes ne permettent pas un enneigement satisfaisant pour les pratiques de loisirs, ni la production de neige de culture.

Le 22 décembre, Vosges Matin publie d’ailleurs un article qui titre : Faute de neige, seules les pistes de ski de La Bresse sont ouvertes en ce début de vacances. On y apprend que « Faute d’enneigement suffisant, toutes les stations de ski du massif vosgien à l’exception de celles de La Bresse ont fait le choix de reporter leur ouverture initialement prévue ce week-end ». Le directeur de la station déclarant que cinq pistes sur trente-trois et quatre télésièges sur quinze sont ouverts.

À cette date pourtant l’enneigement est très faible si on en croit les webcams accessibles depuis internet (cf. ci-dessous).

Poursuivant nos investigations nous recueillons les témoignages de randonneurs mentionnant des traces de passage de véhicule sur la route des Américains et la présence de tas de neige sur les hauteurs au niveau de la route des Crêtes.

Ce n’est qu’à l’exploitation d’un piège photo destiné à la détection de la présence éventuelle du Lynx et du Loup que la compréhension se fait. En effet, ce dernier aura enregistré non pas les espèces tant recherchées au sein du massif mais un drôle de ballet.

Un camion benne passera plusieurs fois devant l’objectif, montant « à vide » et descendant rempli de neige. Au moins 11 allers-retours entre la Bresse et la route des Crêtes sont enregistrés et cela jusqu’à une heure avancée de la nuit puisque la dernière photo est horodatée à 3h30 du matin…

Que les stations de ski aient souvent eu recours à récupérer un peu de neige pour combler quelques trous dans les pistes a toujours existé. Cependant, nous sommes là face à un phénomène d’une autre ampleur bien plus conséquente en termes de volume et d’impact. Déjà dénoncé en 2020 par l’association SOS Massif des Vosges, cela semble revenir aujourd’hui comme une « solution » au problème d’enneigement. Ces pratiques insensées ne sont pas sans rappeler les scandales de la station de Luchon-Superbagnères, dans les Pyrénées, transportant la neige par hélicoptère et dénoncé, en son temps, par la première ministre Élisabeth Borne ou le pillage du glacier de la Zermatt pour alimenter en neige la Coupe du Monde de ski.

Dans le cas présent, le trajet emprunté passe au travers de la Réserve Naturelle Nationale de la tourbière du Machais, zone dédiée à la préservation de la faune et de la flore, dans laquelle le dérangement est totalement prohibé par Arrêté Ministériel. Comment ne pas penser que des rotations de camions, au cœur de la nuit, dans une période de sensibilité accrue pour les espèces ne soient pas une source de dérangement ?

La récupération de la neige s’est faite au niveau de la route des crêtes mais doit-on rappeler que la route des Américains débouche sur la Réserve Naturelle Régionale du Rothenbach, elle aussi dédiée à la quiétude et à la préservation de la faune et de la flore ?

Quelle crédibilité donner après cela aux messages de sensibilisation à la quiétude de la faune si des opérateurs se permettent, pour quelques m3 de neige, de transgresser toutes les interdictions collectivement décidées en empruntant deux routes fermées à la circulation ?

Une rapide extrapolation montre que ce ne sont pas moins de 70 tonnes de neige qu’on aura fait passer d’un bassin versant à un autre. A la fonte des neiges c’est autant d’eau qui ne rejoindra pas le bassin versant haut-rhinois. Les habitants de la vallée de la Thur apprécieront sans doute ! Si la neige est res nullius, est-il pour autant légitime que certains accaparent cette ressource à des fins commerciales ? A l’heure où nombres d’acteurs du tourisme montagnard en France ont compris que leur avenir se situait dans la déminéralisation (décarbonation ?), la sobriété, la renaturation et la mutation progressive vers d’autres modèles économiques, certains font tout l’inverse en artificialisant toujours plus et en ne considérant les ressources autour d’eux que comme une matière première pour les activités.

L’affichage au pied des pistes de La Bresse, sur un piédestal, d’un 4×4 de marque américaine, pesant au bas mot 1,6 tonnes mais électrique pour le côté « transition » sans doute, symbolise parfaitement à nos yeux, la cécité face aux enjeux actuels.

Cette folie jusqu’au-boutiste empêche les acteurs de penser la transition dans un massif où les ressources se raréfient et où les conflits d’usage de l’eau sont déjà d’actualité. Comment penser raisonnablement que ce qui a porté une part conséquente de l’économie touristique du massif au cours des dernières décennies va encore perdurer à l’heure où l’ensemble des prévisions montrent que l’avenir ne permettra plus une pratique durable ?

Comme le souligne le journal Challenges1 le rapport de la Cour des comptes alerte sur le modèle économique « à bout de souffle » et dont les politiques d’adaptation face au changement climatique « restent en deçà des enjeux ».

Personne ne nie l’importance du tourisme dans l’économie de la montagne mais que penser des démarches actuelles de promotion qui s’apparentent, à la veille des congés de février, à de la publicité mensongère ? Les images de montagne enneigée, la promesse des sapins qui croulent sous la neige, les injonctions au slalom dans la poudreuse… Et tout cela à l’heure où des stations alpines, comme celle de Chamonix par exemple, ferment leurs remontées mécaniques par manque de neige !

Les touristes qui, attirés par des images alléchantes de Vosges recouvertes de son manteau blanc, en seront pour leurs frais…

Nos associations demandent à ce que très rapidement la lumière soit faite sur les pratiques de déplacement de neige et que les réglementations soient respectées. Elles appellent les acteurs en compétence sur la question touristique à ouvrir le seul débat salvateur à savoir, comment collectivement nous réinventons un tourisme vosgien permettant de préserver ce qui fait l’attrait de ce massif, à savoir sa nature, et de maintenir une activité touristique vitale pour ses habitants.