Le groupe local Alsace Nature – Colmar et environs et la LPO Alsace ont organisé le 10 février 2023, au Muséum d’Histoires naturelles de Colmar, une conférence-débat sur le thème : « le déclin des Oiseaux dans le Ried de Colmar ».
Salle comble en effet avec plus de 80 participants, vendredi soir 10 février au Museum.
Mr Straumann maire de Colmar et Mme Lehry Christelle, conseillère régionale et vice-présidente de la Commission environnement de la Région Grand Est s’étant excusés, nous avons pu saluer la présence de Mr Spitz, adjoint de la ville et président du SCOT ainsi que des élus de la ville. Nous attendions aussi la venue de représentants de la DREAL, structure animatrice de la Zone Natura (ZN) du Ried de Colmar que nous avions spécialement invités. Le but était de se faire rencontrer les décideurs, influenceurs et les citoyens et naturalistes, afin de les informer de la profonde détresse de cette ZN et de proposer des mesures de sauvetage. La participation nombreuse et celle de décideurs témoignent de l’intérêt pour la restauration de ce Ried , un signe encourageant pour l’action.
Une Zone Natura 2000 dite de Protection des oiseaux =ZPS
Par une action conjointe avec la LPO , nous avions avec les experts du site et des élus de la ville, réalisé lors de sorties sur le site, un état des lieux de cette ZPS. Notre constat est celui d’un désastre écologique. C’était notre 1er message non contesté.
Christian Dronneau, coauteur de l’ouvrage de référence, l’Atlas des oiseaux d’Alsace, par quelques tableaux de suivi des populations des oiseaux emblématiques (courlis , vanneau huppé, râle des genêts, hibou des marais) annonce une extinction programmée. Les pratiques néfastes des fauches précoces sont explicitées. Francis Guth a pris le relais pour présenter les caractéristiques physiques de cette remarquable zone humide et les raisons de la dégradation :le retournement des prairies en cultures céréalières depuis 50 ans, le comblement des cuvettes humides, la baisse du niveau de la nappe phréatique entrainée par l’irrigation intensive du maïs .
Une Zone Natura 2000 qui ne fonctionne pas : pourquoi ?
L’instauration des Zones Natura 2000 (ZN) sous l’impulsion européenne, l’antagonisme des élus locaux à sa création, son mode de fonctionnement et son animation par la DREAL dépendante de l’ Etat, la budgétisation par les fonds européens ( FEADER ) de la PAC à 75% et par l’ Etat a 25% nous ont amenés à ce 2e message : cette ZN ne fonctionne pas ! Depuis sa création en 2007, après la rédaction de 400 pages du document d’objectifs ( Docob) en 2014, elle est en panne depuis 2017. Pourquoi ?
Nous aurions souhaité la présence de représentants de la Dreal pour nous répondre (nous leur avions également posé la question par écrit ) C’est Daniel Reininger, ancien président d’ Alsace Nature, présent dans la salle qui a donné une réponse : manque de volonté politique et donc de moyens mis à disposition par l’Etat . Dans le registre de la carence de l’Etat, citons en passant la tolérance des gendarmes lors des rassemblements de milliers de Raveurs pour des concerts festifs sur les prairies de la ZN et il faut leur reconnaitre qu’ils savent choisir les plus belles et les plus vastes, ou encore une piste ULM en plein cœur de la ZN (bonjour la quiétude). La nouveauté : par le transfert de compétences de l’Etat à la Région Grand Est depuis le 1er janvier on ose espérer sa relance.
Lors de la discussion, ont été évoqués 4 leviers pour agir
1) Les baux ruraux environnementaux (BRE)
La grande responsabilité de la Ville de Colmar : 30% du ban de Colmar sont dans la Zone Natura 2000. La ville de Colmar possède 300 ha environ de propriétés foncières dans cette zone, soit près de 10% des surfaces ouvertes.
Lors du renouvellement des baux ruraux elle peut introduire des contraintes environnementales du type : remise en prairies des surfaces cultivées avec souscription aux mesures agroenvironnementales (MAEC)
Mr Straumann maire nous a répondu par un message positif « Nos baux ruraux seront dans la mesure du possible environnementaux » et « Il est d’usage que nous achetions les terrains et espaces pour lesquels nous sommes sollicités ou pour lesquels nous bénéficions d’un droit de préemption. », exprimant ainsi leur volonté de prendre leur part de responsabilité.
Nous demandons depuis 2ans, parce que c’est la défense d’un bien commun, que l’affichage des propriétés de la ville soient rendues publique ainsi que les BRE.
2) Les mesures agroenvironnementales et climatiques ( MAEC) : efficaces mais insuffisantes
Ces aides incitatives, aux agriculteurs pour des actions vertueuses, spécifiques des ZN 2000, calculées par l’Etat, sont insuffisantes.
Malgré elles, et même dans les ZN qui fonctionnent, le déclin des oiseaux se poursuit inéluctablement ainsi que la réduction des espaces prairiaux . (Étude par Rouveyrol & Leroy , PATRINAT: efficacité du réseau Natura 2000 terrestre français , 2021 ).
Ces conclusions rejoignent celles de Vincent Bretagnolle du CNRS qui mène depuis 25 ans ses recherches dans une vaste Zone Atelier de 45km² dans les Deux Sèvres et dont le bilan est publié dans un livre pour le grand public « Réconcilier nature et agriculture ». Nous nous adossons à ses travaux qui font autorité et ne sont pas contestés par la communauté scientifique.
Devant l’échec des MAEC qui ne sont souscrites que sur une surface de 5%, il pose la question du recours à l’agroécologie.
Un autre argument : le décret du 28 novembre 2022 permettant aux préfets d’encadrer (comprendre autoriser beaucoup) l’usage des pesticides dans les ZN et non pas, et uniquement, de les interdire, alors qu’ils sont une des premières causes de l’effondrement de la biodiversité, est un argumentaire supplémentaire pour utiliser la voie de la transition agroécologique dans cette ZN.
3) La transition vers l’agroécologie dans l’espace de la ZN du Ried de Colmar ? Une solution ?
L’agroécologie est une agriculture qui est avec la nature (et non contre la nature) en remettant la biodiversité et les processus écologiques au cœur : agriculture bio, conservation des sols, permaculture, agroforesterie.
Les prairies jouent un rôle crucial en agroécologie. Elles jouent à la fois un rôle de milieu refuge pour la biodiversité (dont pollinisateurs), d’habitat et de reproduction non perturbé et une source de biodiversité pour recoloniser les cultures annuelles.
Un paysage agroécologique est constitué de :
– Parcelles de tailles modestes < 5ha
– Cultures diversifiées (rotations longues, grandes variétés de cultures différentes)
– Prairies : au moins 20 % de la surface (si grandes cultures ; dans le Ried les surfaces seraient plus importantes )
– Infrastructures agroécologiques (5 à 10%): haies, arbres
L’agroécologie coche positivement tous ces enjeux :
– Une biodiversité retrouvée
– Des emplois en plus dans l’agriculture
– Moins d’énergie fossile (carburant, intrants)
– Moins de GES (puits de carbone par le couvert et les haies)
– Disparition de la pollution de l’air, du sol, de l’eau
– Des effets bénéfiques sur la santé humaine
– Des paysages nouveaux, ouverts et agréables
Daniel Reininger est intervenu pour réaffirmer que la nature doit devenir partout prioritaire sur la raison économique , en commençant par les Zones Natura 2000.
Les PSE versés par la Région et les collectivités seraient les outils économiques incitatifs complémentaires aux MAEC.
Les pouvoirs publics, en tant que régulateurs, ont un rôle essentiel à jouer dans ces choix en mettant en place des politiques publiques incitatives (subventions, paiement pour service environnemental (PSE)…) cohérentes et contraignantes (interdiction ou limitation de certains pesticides, obligation de maintenir des espaces semi-naturels…) INRAE 2022.
Il est évident que pour le Ried de Colmar de nouvelles filières fourragères seraient à développer.
Dans le cadre du Plan Climat Air Energie Territoire de Colmar/Agglomération, le groupe local Alsace Nature a déposé une proposition pour 2023 :
L’agroécologie dans le territoire de la Zone Natura 2000 du Ried de Colmar
Faute de temps le débat n’a pu être engagé sur cette proposition de vitrine et d’évaluation à l’échelle d’une ZN, du passage à l’agroécologie
4) Faire partie du projet « Parc National des Zones Humides »
Ce projet lancé depuis 2008 inclut les grandes zones humides du territoire français.
Une mission commanditée par le Conseil général de développement durable (CGEDD) en 2022 propose d’associer le site Ramsar du Rhin et des Rieds. Cette unité fait déjà partie des ZN 2000 Rhin Ried Bruch.
Rapport n° 014136-01 Mission relative à la création d’un parc national de zones humides Page 23/82
Site 2 : Lit majeur du Rhin (vallée du Rhin)
Commentaires de la mission : Ce site est remarquable au titre des forêts alluviales encore présentes sur le secteur et du caractère emblématique du fleuve Rhin au niveau européen. C’est un site largement anthropisé, dont les sections naturelles méritent une plus grande protection pour les préserver des fortes pressions actuelles. Un parc national sur ce secteur pourrait contribuer à illustrer la conciliation nécessaire entre préservation des milieux naturels et maintien des usages. La mission recommande d’intégrer à ce site le Ried alsacien pour son caractère remarquable (+ 32 690 ha).
https://igedd.documentation.developpement-durable.gouv.fr/notice?id=Affaires-0012595
Ce projet ambitieux est à saisir par les villes de Colmar et Sélestat car situées au cœur des zones humides encore fonctionnelles.
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