Le 27 novembre 2021, le Conseil National de Protection de la Nature (CNPN) a rendu un nouvel avis défavorable contre le Grand Contournement Ouest de Strasbourg
En effet, le tribunal en examinant le dossier au fonds avait demandé de nouvelles études environnementales ainsi que le report de l’ouverture de l’autoroute avant de se prononcer au printemps prochain sur les raisons d’intérêt public majeur – report qui a été retoqué par la cour d’appel saisi par Vinci en procédure de référé et qui a permis au gouvernement de décider de l’ouverture dès la fin des travaux. Le CNPN a donc ré-examiné le dossier dans le cadre des nouvelles études environnementales demandées par le tribunal de 1ere instance.
Et comme les fois précédentes, le CNPN estime que les études d’impacts sur un certain nombre d’espèces sont insuffisantes de même que les mesures de compensations prévues et mises en oeuvre.
« En conclusion, si le dossier présenté par ARCOS en réponse au jugement du tribunal administratif présente des améliorations substantielles, il ne permet cependant pas de démontrer que les mesures qu’il propose garantissent le maintien du bon état de conservation de toutes les espèces protégées impactées par le projet. La sous-évaluation de l’état de conservation local de 14 espèces, l’absence d’analyse sur plusieurs autres espèces, la méthode de dimensionnement ne permettant pas d’évaluer les gains bruts attendus, des mesures compensatoires insuffisamment détaillées et dont l’efficacité, alors que les travaux sont achevés, ne fait pas l’objet de démonstration, et enfin un désengagement vis-à-vis des impacts indirects du projet sur l’état de conservation local des espèces, ont conduit le CNPN, par 10 voix défavorables, 3 favorables et 5 abstentions, à estimer que les garanties apportées visant à maintenir dans le temps et à une échelle locale les populations animales et végétales impactées par le passage de l’ACOS dans un bon état de conservation ne sont pas réunies. »
La saga juridique n’est pas terminée… En effet, en droit administratif, un appel n’est pas suspensif. Cela signifie que la décision de première instance continue de s’appliquer pendant l’instruction de l’appel (qui est faite en parallèle du sursis à exécution qui vient d’être obtenu par Vinci). Les études environnementales complémentaires vont donc devoir être faites ainsi qu’une nouvelle enquête publique avant la signature de nouveaux arrêtés d’autorisation. C’est en principe après ces nouveaux arrêtés que le tribunal administratif devra se prononcer sur l’intérêt public majeur de l’autoroute ! C’est à dire potentiellement 6 mois après l’ouverture de celle-ci !
MAIS alors que le dossier juridique n’est pas clôt, l’Etat a décidé de passer outre et d’autoriser Vinci à mettre en service son autoroute à partir du 17 décembre prochain.
L’inauguration a eu lieu ce samedi 11 décembre à Ittenheim, au niveau de la gare de péage, en présence du 1er Ministre Jean Castex, et en l’absence des présidentes de l’Eurométropole, Mesdames Imbs, Barseghian et Dambach, qui ont annoncé qu’elles resteraient fidèles à leurs convictions et « ne participeraient pas à cette autoroute destructrice et inutile ».
Pendant cette inauguration, des membres du collectif GCO NON MERCI et des élus des communes touchées par la construction de l’autoroute se sont rassemblés dans les champs proches de la gare de péage. Ils ont rappelé l’inutilité de ce contournement imposé par l’Etat au mépris des avis des experts, des résultats de l’enquête publique et de l’urgence climatique.
Un peu avant dans la matinée, une partie des militants s’étaient postés au rond point menant à la gare de péage pour interpeller les invités se rendant à l’inauguration.
Maurice Wintz, président d’Alsace Nature a pris la parole, après Bruno Dalpra, porte-parole du collectif, de même que les élus participants.
Extrait de l’intervention de Maurice Wintz lors de la contre-inauguration du GCO
Justin Vogel, Président de la Communauté de Communes Kochersberg-Ackerland a dit « le GCO est un fléau pour le Kochersberg, c’est un projet d’un autre âge, une aberration stratégique et écologique qui créera les conditions favorables au trafic de transit européen ». On ne saurait être plus lucide et la mise en service prochaine montrera à tous à quel point il avait raison. Nous appelons donc élus et responsables à ne pas participer à l’inauguration d’un « fléau ».
Roland Ries, quant à lui, avait dit, avant de se renier et de permettre tout le processus qui a abouti à la réalisation du GCO : « le transfert de nuisances n’est plus possible dans des territoires comme le nôtre ». Il semblerait qu’une partie de l’exécutif actuel de l’Eurométropole de Strasbourg (EMS), bien que s’étant battu contre le GCO, s’en accommode aujourd’hui, en réduisant la vitesse et la circulation sur la M35, entérinant ainsi un principe de « régulation par la saturation » (pour que des usagers consentent à emprunter le GCO, il faut que la M35 soit saturée) et d’exportation des nuisances.
Le GCO ne se contentera pas d’accueillir les camions de transit de la M35, mais il en attirera des milliers en plus en Alsace, et la pollution générée pas tous ces poids lourds, sous l’effet des vents dominants, reviendra vers l’agglomération strasbourgeoise, comme l’a démontré l’association « Strasbourg Respire ». Avec une concession de 54 ans, toute future politique de baisse des flux routiers visant à réduire les nuisances pour tous plutôt que de les transférer ailleurs, entrera en contradiction avec les intérêts de Vinci et de ses actionnaires.
En ajoutant à cela que le contournement ne soulagera pas la circulation pendulaire domicile-travail des zones périurbaines vers l’EMS, au contraire, il aggravera la congestion sur l’axe Ittenheim-Strasbourg (+14 000 véhicules jour /semaine), les invités à l’inauguration ont donc là de bonnes raisons d’y renoncer et de ne pas se rendre complices d’un fiasco prévisible et annoncé. Nous saurons rappeler aux alsaciens en temps utile à qui on doit cette aberration.
Alsace Nature rappelle également que cette autoroute reste, à la date d’aujourd’hui, construite avec un arrêté largement litigieux comme l’a souligné le Tribunal administratif. Voir le chef du gouvernement venir inaugurer une autoroute, autorisée par ses services, mais dont les estimations des dégâts et les évaluations de la plus-value font largement griefs selon le jugement (non contredit) du Tribunal, ne manque pas de rappeler les grandes heures des républiques bananières …
Afin de rappeler à monsieur Castex et au gouvernement que le GCO est inutile et incompatible avec la lutte contre le dérèglement climatique, nous appelons à un rassemblement le samedi 11 décembre à 10 h, à Ittenheim, dans un champ proche du lieu de l’inauguration (même lieu que le rassemblement du 13 novembre dernier).
Le collectif GCO NON MERCI
APPEL A MANIFESTATION :
SAMEDI 11 DECEMBRE 2021, 10 H – I T T E N H E I M –
à proximité de la gare de péage.
Parcelle où se déroulera le rassemblement. En venant de Strasbourg, au rond-point juste avant l’entrée d’Ittenheim, vous prenez la 3e sortie et suivre le chemin jusqu’au chemin qui mène vers la parcelle.
Fin novembre, des chantiers de plantations étaient organisés par Alsace Nature et Haies Vives d’Alsace. Retour sur l’un de ces chantiers à LINGOLSHEIM les 26 et 27 novembre 2021
Interview de Corentin Calvez, salarié d’Alsace Nature, chargé de mission « Trame Verte et Bleue »
Corentin, peux-tu nous dire dans quel contexte s’est déroulé ce chantier ?
Le chantier « la Trame des prés » a été réalisé dans le cadre du projet Trame Verte et Bleue (TVB), commencé depuis 2019 avec la commune de Lingolsheim. Il avait pour but de recréer un corridor écologique, grâce à la plantation de végétaux d’essences locales, sur un site où la biodiversité n’est pas très présente aujourd’hui.
Cela fait suite à un précédant chantier qui avait été organisé le 3 décembre 2020 à Lingolsheim près du stade Joffre, après la réalisation d’un diagnostic de la biodiversité déjà présente sur la commune. On se base sur ce diagnostic pour l’identification des zones à restaurer ou renaturer en faveur de la TVB
Quelles sont tes impressions pour ce premier chantier que tu as organisé dans le cadre de ta mission ?
Très content de ce premier chantier. Il y a eu beaucoup d’inscrits et ces personnes étaient bien présentes les deux jours de chantier malgré le temps maussade. C’est satisfaisant de réaliser des actions concrètes à travers ces chantiers de plantations.
Y avait-il beaucoup de participants ? Et quel type de public était-ce ?
Au total il y a eu une quarantaine de participants sur les deux jours. Il y avait des enfants, des jeunes en services civiques, des adultes. Tous les participants étaient volontaires et motivés pour réaliser cette action en faveur de la biodiversité.
Quels arbres et arbustes ont été plantés ?
On a planté 450 arbustes et arbrisseaux. Il y avait par exemple du cornouiller male, de l’aubépine à un style, du noisetier, du prunelier, du troène, du fusain, …
Y aura-t-il d’autres actions de ce type ?
D’autres chantiers sont prévus dans l’Eurométropole pour début 2022. Il y a notamment un chantier très ambitieux fin janvier à Hoenheim avec la plantation de plus de 800 mètres de haies.
Le groupe local Mulhouse – M2A a été invité par le maire d’Ungersheim à prendre connaissance d’un projet de méthaniseur sur le territoire de la commune.
Il s’agit d’un processus de méthanisation agricole en voie sèche continue. Nous avons rencontré les responsables du projet (agriculteurs locaux et société Méthavos). À la suite de cette rencontre le groupe local a proposé en Commission départementale d’Alsace Nature de faire un recours gracieux contre le permis de construire de ce méthaniseur pour obtenir des garanties en particulier sur l’impact des digestats sur l’évolution des sols.
Une rencontre a ensuite été organisée par la Chambre d’agriculture avec les partenaires du projet et Alsace Nature (des représentants du directoire du réseau agriculture et du groupe local M2A).
Un protocole de concertation a été mis au point incluant notamment l’installation d’un comité de suivi. Le bureau d’Alsace Nature a approuvé la démarche qui sera suivie par le groupe local. Suite à ces négociations, le recours gracieux a été retiré. Nous espérons ainsi pouvoir contribuer à l’évolution de l’agriculture locale vers des pratiques nouvelles plus vertueuses (selon nous).
Dans cet esprit, nous avons rencontré également les opposants de la commune d’Ungersheim à ce projet, et une relation de confiance a pu également s’établir.
Le groupe local M2A d’Alsace Nature a organisé le samedi 13 novembre une visite guidée de la carrière de Rixheim, rue de Battenheim, propriété de la Commune. Une vingtaine de participants, guidés par l’adjoint à l’environnement de la Commune, Thierry Delemonté de la LPO habitant de Rixheim, et Nathalie Gradoux animatrice du groupe local Alsace Nature et habitante de Rixheim. Plusieurs jeunes étaient présents. Un ramassage de déchets a été fait en fin de sortie.
Cette ancienne gravière fait l’objet d’une valorisation et réaménagement en concertation étroite entre la commune, Alsace Nature, la LPO, Bufo, le Conservatoire des Sites Alsaciens, et Rivière de Haute Alsace. Un site magnifique qui fera l’objet d’un plan de gestion élaboré avec tous les partenaires et qui sera ouvert au public.
Ce mardi 16 novembre 2021, la cour administrative d’appel (CAA) de Nancy a autorisé la mise en service du Grand Contournement Ouest de Strasbourg (GCO), sans attendre la fin des études complémentaires demandées par le tribunal administratif de Strasbourg en juillet dernier. cf infos ICI
Cette décision intervient suite à l’appel en « sursis à exécution » de Vinci et de l’Etat demandant à la cour de suspendre l’article 2 de la décision du tribunal de Strasbourg, c’est-à-dire la suspension de l’ouverture. Vinci a annoncé qu’ils avaient engagé les procédures complémentaires demandées par le tribunal administratif en 1ere instance, mais qu’ils ne peuvent pas attendre la fin de ces procédures pour mettre en service l’autoroute, les travaux étant quasiment achevés.
Ils ont invoqué des conséquences difficilement réparables (notamment au niveau financier !) ainsi que des problèmes de sécurité, si l’autoroute ne pouvait pas être mise en service rapidement après la fin des travaux.
L’avocat d’Alsace Nature a bien expliqué à la cour d’appel que pour un grand groupe comme Vinci les contraintes financières n’étaient pas insurmontables et que rien ne permettait d’affirmer que les risques d’accident seraient plus élevés si on retardait l’ouverture du GCO de quelques mois.
La cour d’appel a toutefois accédé à la demande de Vinci et de l’Etat en faisant valoir que :
la mise en service de l’autoroute A355 détournerait une part importante du trafic de la portion de l’autoroute A35 traversant l’agglomération de Strasbourg en permettant notamment, l’interdiction du trafic de transit des véhicules lourds sur l’autoroute A35, laquelle ne peut intervenir avant la mise en service de l’autoroute A355 et qu’elle entrainerait ainsi une réduction de la pollution, importante, de l’air dans cette agglomération, une amélioration de la sécurité routière, une diminution des temps de transport des usagers et une baisse du bruit auquel sont exposés les personnes habitant à proximité de l’autoroute A35
La cour estime ensuite que les procédures environnementales complémentaires demandées par le tribunal en première instance ne seront pas achevées avant le printemps 2022 et DONC que la suspension de l’ouverture demandée par ce même tribunal (article de 2 de la décision du TA) pendant 6 mois supplémentaires aurait pour
risque d’entrainer pour les intérêts publics analysés ci-dessous des conséquences difficilement réparables
En résumé la Cour a repris les arguments d’un certains nombre d’élus qui ont toujours affirmé que le GCO allait désengorger le trafic autour de Strasbourg et que cela réglerait la question de la pollution de l’air.
Mais pour Alsace Nature ainsi que pour les opposants regroupés au sein du collectif GCO NON MERCI, ces arguments ne sont pas valables
Interrogé par France 3 Alsace, Stéphane Giraud, directeur d’Alsace Nature, a réagi :
« C’est la poursuite de la politique de la terre brûlée de Vinci et de l’Etat, … « A partir du moment où cette autoroute sera ouverte, l’Etat ne pourra plus faire pression sur Vinci pour faire respecter les engagements écologiques« .
« Le tronçon de l’A5 allemande entre Malsch (au sud de Karlsruhe) et Offenburg fait l’objet d’une concession de 30 ans, prise par la société « Via Solutions Südwest » qui investit environ 350 millions d’euros dans l’aménagement de ce tronçon. En 30 ans, « Via Solutions Südwest » espère réaliser un chiffre d’affaires de 850 millions d’euros par les droits de péage. Actionnaire principal de « Via Solutions Südwest » n’est autre que « Vinci Concessions » qui détient 54% du capital de « Via Solutions Südwest ».
Dès que le chantier de l’A5 sera terminé, les camions de plus de 12 tonnes devront payer un droit de péage et c’est là qu’intervient le GCO. Pour éviter que les camions qui empruntent cet axe ne passent par l’Alsace, il fallait créer un goulot d’étranglement à hauteur de Strasbourg qui empêche les camions de changer de rive du Rhin. En contrôlant l’axe nord-sud, autant du côté alsacien que du côté badois, plus aucun camion ne peut relier le nord et le sud de l’Europe sans passer par une caisse estampillée « Vinci ». Ainsi, un groupe privé prendra le contrôle des flux routiers entre le nord et le sud de l’Europe et ceci est l’illustration d’un capitalisme écocide décomplexé. »
De plus, le GCO n’enlèvera pas la pollution et au contraire il l’augmentera au détriment de notre santé !
En effet, en droit administratif, un appel n’est pas suspensif. Cela signifie que la décision de première instance continue de s’appliquer pendant l’instruction de l’appel (qui est faite en parallèle du sursis à exécution qui vient d’être obtenu par Vinci). Les études environnementales complémentaires vont donc devoir être faites ainsi qu’une nouvelle enquête publique avant la signature de nouveaux arrêtés d’autorisation. C’est en principe après ces nouveaux arrêtés que le tribunal administratif devra se prononcer sur l’intérêt public majeur de l’autoroute ! C’est à dire potentiellement 6 mois après l’ouverture de celle-ci !
Alsace Nature examinera aussi très rapidement si elle fait un recours en cassation de l’ordonnance de la Cour administrative de Nancy du 16 novembre 2021.