La loche d’étang, nommée « Misgurnus fossilis » et décrite par Linné en 1758, est un petit poisson serpentiforme qui vît dans les eaux calmes et peu profondes des étangs, des mares, des fossés et des rivières à cours lent avec un développement important de végétation aquatique. Elle affectionne particulièrement les fonds recouverts de vases très organiques dans lesquelles elle est enfouie durant la journée et la période froide. La loche d’étang ne sort que la nuit. Le jour, elle reste enfouie dans la vase. Elle s’agite considérablement lorsque la pression atmosphérique baisse, ce qui explique son surnom : le « poisson du temps ». Il peut coloniser de nouveaux sites grâce aux crues qui créent des ponts éphémères entre les milieux.
La découverte d’une population de Loche d’étang est souvent le fruit du hasard. Ce petit poisson discret et peu recherché peut passer inaperçu et la connaissance de sa répartition est bien souvent partielle. Plusieurs bassins de présence de l’espèce ont été répertoriés, principalement dans les cours d’eau du delta de la Sauer, du cours inférieur de la Moder, de la forêt de la Robertsau, de la Schernetz et du bassin de l’Ill. Aujourd’hui, une seule population est connue en Alsace. Elle a été découverte au nord de Strasbourg, dans un ancien bras du Rhin déconnecté, ce qui a motivé une campagne de recherche, sans pour autant permettre la découverte de nouveaux bassins de présence.
Fait étonnant, elle peut survivre dans une eau dénuée d’oxygène. La Loche d’étang, tout comme celle des rivières, remonte alors à la surface et avale littéralement de l’air afin d’en absorber l’oxygène par l’intestin. Ce poisson produit donc des bulles, car l’air ressort ensuite par son anus. Près de 50 % de l’oxygène de l’air qu’il avale passe ainsi dans son sang. Pour comparaison seuls 24 % du dioxygène contenu dans l’air est absorbé par nos poumons. Des observations attestent aussi de sa survie dans les boues humides d’une mare asséchée. Lorsque l’étang se dessèche, elle se loge dans un tube en forme de « U » et tombe dans un état léthargique, durant lequel toutes les fonctions vitales sont réduites au minimum en attendant le retour de l’eau. Elle peut ainsi survivre à une année entière d’assèchement !
La raréfaction de cette espèce en France, inscrite comme « en danger » sur la Liste Rouge nationale, est due à la suppression ou à l’artificialisation, vers le milieu de XXe siècle, des milieux aquatiques favorables à sa survie. Sur les 96 départements de la France métropolitaine, seuls 14 accueillent le poisson du temps. Cette espèce a déjà disparu d’une dizaine de départements, de la Vendée, de Charente ou encore du Var, du Vaucluse et de la Saône-et-Loire. L’assèchement des marais et la pollution des étangs l’ont fait disparaître de régions entières. Sa quasi-disparition en Alsace, où elle est considérée comme « en danger critique », est liée aux déconnexions des bras par la canalisation du Rhin, au curage des fossés et à la pollution des sédiments.
Les mesures favorables à sa conservation résident dans la protection du dernier bassin de présence connu et la restauration de bras et annexes hydrauliques en aval du cours d’eau. Une recolonisation naturelle étant peu probable, des opérations de réintroduction pourraient être envisagées dans ces milieux restaurés.
Crédit photo: Jelger Herder
Sources :
– livre rouge des espèces menacées en Alsace – ODONAT –
– IPNP 2017
– pnr-foret-orient.fr