Alsace Nature – De quoi parle votre film ?
Frédéric Plénard : « Il pose les questions suivantes : « Est-on relié à la nature aujourd’hui ? Qu’est-ce que ce lien peut nous apporter, notamment dans notre rapport au groupe, aux autres ? La réponse, l’angle que j’ai adopté, c’est que, évidemment, nous sommes tous reliés à la Terre, au monde vivant ! Mon projet, c’était de le prouver, en emmenant en montagne des enfants d’une cité sensible de la région de Bordeaux, qui sont très peu, voire pas du tout reliés à la nature, et de faire le pari que ce lien allait se retisser, qu’il est caché au fond de nous.
J’ai monté ce projet avec un groupe d’enfant avec qui j’avais déjà travaillé par ailleurs – je suis prof de Sciences et vie de la Terre (SVT) à mi-temps. On a choisi six enfants de 9 à 17 ans, des âges assez larges. Le séjour s’est déroulé en août 2015. Sa mise en place à été confiée à l’Association Education Environnement 64, membre du réseau Ecole et Nature [ndlr : équivalent de l’Ariena en Alsace] et le réseau Ecole et Nature. »
AN – Concrètement, comment ça s’est passé ?
F. P. : « On a passé dix jours dans la vallée d’Aspe, en limite extérieure du parc national des Pyrénées, ce qui nous a permis de pouvoir faire du feu… Dix jours en pleine montagne, avec une source où aller chercher de l’eau, la cuisine préparée au feu, des enfants qui allaient se laver au torrent, qui ont dormi sous tente ou à la belle étoile ! On a fait de la semi-itinérance, selon un programme pédagogique pensé et réfléchi par Bruno Viougeas (directeur du séjour) et Dominique Cottereau, chercheure en sciences de l’éducation à l’université de Tours, dans le but de reconnecter ces enfants à la nature. Le séjour a fait l’objet d’une déclaration auprès de Jeunesse et Sport.
AN – La réaction des enfants ?
F. P. : « Sans faire d’angélisme, parce qu’il y a eu bien sûr des petits moments difficiles, les enfants sont vraiment allés à la découverte d’eux-mêmes, de leurs capacités physiques. Une solidarité a émergé aussi dans le groupe grâce à cette expérience. A la fin, ils étaient plus autonomes, pouvaient faire le feu tout seul, partir en exploration… Que du positif ! D’ailleurs, ils n’attendent qu’une chose, c’est d’y retourner ! Les enfants n’avaient pas de matériel, on leur a tout offert : chaussures, bâtons de marche, sacs à dos, duvets : certains les gardent accrochés au-dessus de leur lit ! Quand on interroge les parents, ils sont unanimes : l’effet sur les enfants n’est pas magique, mais ils les sentent plus sûrs d’eux, plus posés. »
AN – Une suite à ce film ?
F. P. : « Oui, on est en train de monter un gros projet sur trois ans avec le réseau Ecole et Nature, un réseau trop peu connu. L’idée est d’expérimenter ce qu’on a fait avec « Le Lien », mais de façon beaucoup plus large, sur dix ou 15 groupes d’enfants dans toute la France. Le but est de valoriser le travail que font toutes les associations d’éducation à l’environnement et d’initier une recherche et des actions qui permettent à ces gamins de retrouver le lien avec la Terre. Ensuite, on souhaiterait organiser tous les ans un congrès de chercheurs, avec les enfants, et diffuser auprès du grand public, sous forme d’un deuxième film, de publications scientifiques, d’un site internet ou d’articles de presse, l’idée que la nature n’est pas seulement un lieu de ressources et de loisirs mais qu’elle est fondamentale pour fonder les valeurs qui font de nous des êtres humains, respectueux, autonomes, sociaux et éveillés. C’est ainsi que l’éducation à la nature doit évoluer aujourd’hui si l’on souhaite réussir la « transition écologique ».
Le film, sorti début 2016, tourne actuellement dans les réseaux FNE et Ecole et Nature. Il sera diffusé en Alsace le 23 mai à Mulhouse, le 24 à Obernai, le 25 à Strasbourg (Star Saint-Exupéry) et le 26 à Saverne (2 projections, dont une pour les scolaires), en présence de Frédéric Plénard.
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