Commémoration : à Marckolsheim il y a 50 ans, une « ZAD » pour sauver la forêt – retour en images

Commémoration : à Marckolsheim il y a 50 ans, une « ZAD » pour sauver la forêt – retour en images

Une centaine de personnes se sont réunies à Marckolsheim le 15 février dernier, près de la forêt du Rhin. Alsace Nature organisait un moment de commémoration pour les 50 ans de la lutte contre la destruction de la forêt et l’implantation d’une usine chimique de fabrication de stéarates de plomb.

 

En septembre 1974, des militants écologistes, des habitants, des paysans, des élus ont occupé le terrain pour éviter l’implantation de cette usine très polluante, prélude à la destruction de plusieurs centaines d’ha de forêt rhénane. Fin février 1975, le terrain occupé a été évacué par les opposants eux-mêmes. En effet, l’Etat venait de renoncer au projet d’implantation des Chemische Werke München (CWM), et même de Bayer, dans la forêt du Rhin.

De l’autre côté du fleuve, la lutte contre le projet de centrale nucléaire de Whyl sera aussi un succès. Sous la pression militante, l’Etat produira en 1978 un Plan (partiel) de protection des forêts du Rhin qui restera lettre morte. Pire, au début des années 1980, le site prévu pour les CWM sera finalement transformé en un immense site (40 ha) de stockage de voitures pour l’entreprise GEFCO.  En 1990, nouvelle poussée d’industrialisation avec le projet Jungbunzlauer, une usine de fabrication d’acide citrique. La mobilisation sera forte mais n’empêchera pas l’implantation de l’usine au nord de GEFCO sur une surface d’environ 20 ha. Mais les manifestants obtiendront la protection définitive des forêts alluviales rhénanes restantes, y compris celles encore classées en zones industrielles (sauf la forêt de Nambsheim). C’est ce qu’on appellera “les accords de Marckolsheim”.

 

Ce 15 février 2025, sur le site de cette ancienne “ZAD”, anciens opposants, habitants de Marckolsheim et militants d’aujourd’hui se  sont réunis pour célébrer l’anniversaire de cette victoire populaire contre l’industrialisation et la destruction des milieux naturels. Plusieurs personnes ayant participé à l’occupation, “les anciens de Marcko”, ont pris la parole pour témoigner de la lutte. L’occasion de rappeler le rôle qu’ont joué ces mobilisations dans la mise en place des programmes de restauration actuels et l’importance toujours actuelle de l’engagement associatif et de la désobéissance citoyenne.

Maurice Wintz, ancien président d’Alsace Nature, (qui n’était pas présent  en 1975) évoque l’évolution du regard sur les forêts rhénanes. Il rend hommage aux femmes et hommes qui ont bravé les autorités, le froid, la boue et les sarcasmes pour porter une autre vision du monde. “Les événements de Marckolsheim montrent que les engagements citoyens sont efficaces et nécessaires. C’est cette occupation, et les manifestations qui ont suivi, qui ont conduit à transformer le regard sur les forêts rhénanes, qui sont passées du statut de réserve foncière à industrialiser à celui de patrimoine écologique à protéger et à restaurer. “. Marckolsheim témoigne du changement de regard, porté notamment par les « nouveaux mouvements sociaux », quant aux enjeux démocratiques et écologiques dans le contexte d’un modèle social marqué par le productivisme.

Badois et alsaciens, de part et d’autre du Rhin, ont unis leurs forces face à cette problématique commune, partageant alors leurs similitudes culturelles, 30 après la fin de la guerre. Axel Mayer, ancien directeur de l’association allemande Bund, témoigne : “Nous avons occupé la place à l’époque. Nous, les Allemands, nous vous avons soutenus, vous les Français. Plus tard, à Wyhl, vous nous avez aidés. C’était froid, boueux, sale, fatigant, laborieux, romantique, beau et important. La lutte et l’occupation illégale ont payé. Ces succès ne sont pas tombés du ciel. Cela a valu la peine de se battre”.

Les femmes ont joué un rôle primordial dans les luttes contre l’installation de la CWM. Des mères de familles, des grands-mères, fichus sur la tête, occupaient le site, parfois en tricotant,” raconte Andrée Buchmann, étudiante à l’époque et aujourd’hui membre du parti écologiste. Le terrain a été défendu par des paysans, des étudiants, des personnes âgées, des enfants, des ouvriers, des universitaires, des artistes. La lutte contre la CWM a fédéré des alsaciens de tous horizons.

Au micro d’Alsace Nature, Raymond Schirmer raconte comment l’engagement dans la lutte était un vecteur d’épanouissement. Il souligne aussi que la non-violence était le mot d’ordre des deux luttes de Marckolsheim et de Wyhl. Pour lui, la  mémoire des événements de Marckolsheim doit être une mémoire vivante, et saisie comme un exemple de désobéissance civile effective et joyeuse. Une leçon face aux défis actuels.

Marckolsheim, c’est aussi un bouillonnement artistique/culturel. Au sein de la Frendschaft’s Huss, la maison de l’amitié, construite en dur sur le site, on joue de la musique et on partage des poèmes en français, en allemand et en alémanique. 50 ans plus tard, le groupe entonne le chant Wacht am Rhein  au son de la guitare de Roland Burkhart.

Antoine Waechter, qui a été, avec Solange Fernex, l’un des premiers  à franchir les barrières pour occuper le chantier rend compte du contexte politique de l’époque et d’une conjonction d’événements et de prise de position de personnalités (l’évêque de Strasbourg, le préfet, le président du Port Autonome…) qui ont finalement joué en faveur des occupants.

Armand Peter évoque à son tour la belle convergence, dans les années 1970, entre les culturels alsaciens et le mouvement écologique en gestation. André Weckmann, auteur de poèmes en dialecte dont la Fahrt nach Wyhl, ou les musiciens comme  Edouard Bauer, François Brumbt ou Sylvie Reff sont engagés dans la lutte. Les événements de Marckolsheim ont lancé des dynamiques culturelles, militantes écologistes et politiques en Alsace à cette période.

Jean de Barry, quant à lui, met cette lutte en perspective en articulant les processus d’industrialisation centralisés et destructeurs et les résistances locales et légitimes de défense des lieux de vie.

Pour finir, Aline Martin a lu Aliénation de André Weckman, ainsi que Fahrt nach Wyhl.

 

 

 

A la suite des témoignages, le groupe s’est baladé dans la forêt rhénane, aujourd’hui préservée pour observer les pertes et les perspectives de restauration. Le milieu a perdu son fonctionnement naturel, lié aux divagations du fleuve, au moment de la canalisation du Rhin. Si les espèces végétales pionnières sont moins présentes, ce milieu forestier humide garde un grand intérêt écologique. Une richesse pour l’Alsace, dont nous devons la préservation aux mobilisations de la population.

 

 

 

Revue de presse :

50 ans après. Une des premières ZAD à Marckolsheim – Quand l’Alsace a dit NON !

50 ans après. Une des premières ZAD à Marckolsheim – Quand l’Alsace a dit NON !

Nous vous invitons à une Balade commémorative

le samedi 15 février 2025 à 14h

à Marckolsheim

RDV au niveau de l’Antenne hertzienne (cf plan ci-dessous)

 

 

Marckolsheim, fin février 1975 : le terrain occupé depuis septembre 1974 par des habitants et des militants autour de la Frendschafts Hüss pour protester contre un projet d’implantation d’une usine de stéarates de plomb, est évacué par les opposants eux-mêmes.

L’Etat vient de renoncer au projet d’implantation des Chemische Werke München (CWM), et même de Bayer, dans la forêt du Rhin. L’abandon, partiel, au début des années 1970, de ces projets d’industrialisation lourde sous la pression populaire témoigne du changement de regard, porté notamment par les « nouveaux mouvements sociaux », quant aux enjeux démocratiques et écologiques dans le contexte d’un modèle social marqué par le productivisme.

De l’autre côté du fleuve, la lutte contre le projet de centrale nucléaire de Whyl sera aussi un succès.

Ces luttes ont conduit à ce que les forêts alluviales rhénanes, considérées par les aménageurs de l’époque comme de la surface à industrialiser, soient progressivement reconnues par les acteurs publics comme un patrimoine à protéger, voire même à restaurer. Comme en témoignent les Plans Rhin vivant portés aujourd’hui par les collectivités.

 

A l’occasion du cinquantième anniversaire de l’abandon du projet CWM, Alsace Nature souhaite rappeler l’importance de ces luttes dans cette évolution (il aura fallu de nouvelles manifestations déterminées en 1990 à Marckolsheim pour que la protection des forêts rhénanes devienne effective) , et combien cette vigilance citoyenne reste nécessaire aujourd’hui, notamment à l’heure des « plans de relance » et de la recherche d’une croissance économique dans un contexte de mondialisation économique tendu.

Pour ce faire, nous vous invitons à une balade commémorative, en présence de personnes ayant participé à cette occupation. Ce sera l’occasion de revenir sur les moments forts de la lutte, et sur l’intérêt écologique des forêts rhénanes préservées.

 

Cliquer sur les images pour agrandir

 

photos : Meinrad Schwörer

 

 

 

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Gedenkspaziergang – 15. Februar 2025

14:00 Uhr – „Tour hertzienne“

MARCKOLSHEIM

50 Jahre danach. Eine der ersten ZAD in Marckolsheim – Als das Elsass NEIN sagte!

 

Marckolsheim, Ende Februar 1975: Das Gelände, das seit September 1974 von Bewohnern und Aktivisten rund um das Frendschafts Hüss besetzt war, um gegen eine geplante Ansiedlung einer Bleistearatfabrik zu protestieren, wird von den Gegnern selbst geräumt. Der Staat hatte gerade auf die geplante Ansiedlung der Chemischen Werke München (CWM) und sogar von Bayer im Rheinwald verzichtet. Eine Kopie der Frendschafts Hüss wird auf der anderen Seite des Rheins aufgestellt, um den Kampf gegen das geplante Atomkraftwerk in Whyl erfolgreich zu unterstützen.

Die teilweise Aufgabe dieser Schwerindustrialisierungsprojekte Anfang der 1970er Jahre unter dem Druck der Bevölkerung zeugt von einem veränderten Blickwinkel, der insbesondere von den „neuen sozialen Bewegungen“ auf die demokratischen und ökologischen Herausforderungen im Kontext eines vom Produktivismus geprägten Gesellschaftsmodells eingenommen wurde.

Diese Kämpfe haben insbesondere dazu geführt, dass diese Rheinauenwälder, die von den damaligen Planern als zu industrialisierende Fläche betrachtet wurden, nach und nach von den öffentlichen Akteuren als schützenswertes und sogar wiederherzustellendes Erbe anerkannt wurden. Davon zeugen die Pläne für einen lebendigen Rhein, die heute von den Gebietskörperschaften getragen werden.

Anlässlich des Jahrestages der Aufgabe des CWM-Projekts möchte Alsace Nature daran erinnern, wie wichtig diese Kämpfe für diese Entwicklung waren (es bedurfte neuer entschlossener Demonstrationen im Jahr 1990 in Marckolsheim, damit der Schutz der Rheinwälder wirksam wurde) und wie notwendig diese Wachsamkeit der Bürger auch heute noch ist, insbesondere in der Zeit der „Konjunkturprogramme“ und der Suche nach Wirtschaftswachstum in einem angespannten wirtschaftlichen Globalisierungskontext.

Zu diesem Zweck laden wir Sie zu einem Gedenkspaziergang ein, bei dem Personen anwesend sein werden, die an dieser Besetzung beteiligt waren, sowohl auf elsässischer als auch auf badischer Seite.

Dies wird die Gelegenheit bieten, auf die Höhepunkte des Kampfes und die ökologische Bedeutung der erhaltenen Rheinwälder zurückzukommen.