"Citoyen Nature" n°19 – Rapport d'activité 2012

Notre nouveau « Citoyen Nature » est maintenant disponible à local d’Alsace Nature ou en téléchargement sur la page « Rapports d’Activités » de notre site internet.
Si vous êtes membre de l’association, il vous parviendra sous peu !

Pour ceux qui désire le consulter ou le recevoir, veuillez prendre contact avec le siège d’Alsace Nature Strasbourg ou Mulhouse.

En attendant, vous trouverez ci-dessous son édito, écrit conjointement par les Présidents des trois entités juridiques d’Alsace Nature.

Résistons, proposons, agissons pour une Alsace Nature !
Vous avez sous les yeux le dernier numéro du Citoyen Nature, qui retrace les principales activités d’Alsace Nature au cours de l’année 2012. Vous constaterez au fil des pages que les sujets de préoccupation n’ont pas manqué, à peine émaillés de quelques nouvelles plus réjouissantes. Ce compte-rendu de nos activités est finalement à l’image du contexte général dans lequel nous évoluons depuis quelques années et dont nous proposons quelques éléments d’analyse dans cet éditorial. Il ne nous est pas possible de citer ici tous les dossiers emblématiques qui ont marqué l’année passée, vous les découvrirez au fil des pages ; nous nous contenterons d’en évoquer quelques-uns pour illustrer notre propos.

En observant l’évolution récente de la question de l’environnement dans notre société, se dégage le sentiment d’une situation paradoxale. D’un côté, incontestablement, la culture écologique a progressé, la prise de conscience des problèmes environnementaux s’est développée chez le public et les acteurs socio-économiques, des dynamiques se sont mises en place et sont portées par des agents associatifs, mais aussi du monde économique, politique, législatif, administratif. Si nous comparons le paysage institutionnel et juridique des années 1970 à celui d’aujourd’hui, l’évolution positive est évidente. Des structures, des programmes s’institutionnalisent et finissent par avoir des effets concrets. Citons pour exemple, dans notre région, la création récente, en 2013, des réserves naturelles régionales des pelouses sèches du Bollenberg et du Luetzelthal à Rouffach, d’une partie de la colline du Buxberg à Tagolsheim, et de l’Illwald à Sélestat, suivant celles des collines sèches du Bastberg, de la forêt du Hartwald et des marais et landes du Rothmoos déjà classées en 2012.
D’un autre côté, et c’est cela le paradoxe, nous avons l’impression, en particulier depuis ces deux dernières années, d’assister à une sorte de retour de balancier. On perçoit comme une petite musique de fond sur l’air de « l’environnement, cela commence à bien faire ». La dynamique du Grenelle de l’Environnement appartient définitivement au passé, certains discours d’élus et de décideurs se font plus incisifs sur les « contraintes environnementales ». La crise financière et économique sert de prétexte à lâcher du lest sur l’environnement, comme si les crises économiques et écologiques n’étaient pas liées par les mêmes causes. L’une de ces causes est le fait d’une extrême concentration des pouvoirs économiques, scientifiques, techniques, politiques en une sorte d’oligarchie mondiale. L’entreprise, l’industrie sont des structures indispensables à notre société : elles fabriquent et distribuent des biens dont nous avons plus ou moins besoin et contribuent de ce fait à l’intérêt général. Mais quand elles se concentrent, au point de dépasser le poids de certains États, elles finissent par inverser le processus en transférant les richesses de la population vers quelques individus, en imposant des règles qui leur sont favorables, mais qui le sont de moins en moins au plus grand nombre et à l’écologie. La recherche du profit à tout prix transforme la nature en un vaste réservoir marchand dont les seul intérêts résident dans son exploitation et la gratuité de ses matières premières.

Nous devons résister à cette évolution pour redevenir des citoyens maîtres de leurs choix et de leur avenir. Pour cela, nous devons organiser des contre-pouvoirs, avec France Nature Environnement, avec l’économie sociale et solidaire, avec tous les acteurs qui mettent l’humain et la nature au cœur d’un projet viable et maîtrisable.

L’obsession de la croissance, idéologie scandée de manière incantatoire et sans aucun recul critique, se heurte d’une part à la crise, d’autre part aux limites écologiques qui se manifestent pour la plupart des acteurs par les règles ou interdictions liées à l’évolution du droit et des politiques environnementales. Par une remarquable cécité intellectuelle, ce sont donc ces règles et surtout ceux qui les défendent (essentiellement nous, les associations1) qui passent pour empêcher de se développer en rond et qu’il faut dénoncer comme des extrémistes !

Deux exemples ont illustré cette tendance en 2012 :

Le premier concerne les délibérations de 3 communautés de communes du Bas-Rhin qui visaient à obtenir la suppression des subventions accordées à Alsace Nature car nous introduirions des contentieux grâce à l’argent du contribuable, ce qui d’une part ralentirait des projets de développement, d’autre part coûterait doublement de l’argent public (celui pour l’introduction des recours et celui pour la défense des communes). On peut imaginer que des discours tenus pendant les dernières campagnes électorales par certains ténors politiques sur le thème déjà évoqué ci-dessus ont contribué à légitimer de telles attitudes « anti-écolo ».
La crise financière et économique met les élus locaux sous pression et les incite à privilégier les projets de développement. Par ailleurs, la situation très tendue et délicate des écosystèmes de la région fait que les projets d’aménagement s’attaquent la plupart du temps à des milieux déjà très fragilisés ou devenus rares (et donc souvent concernés par une procédure de protection ou qui devraient l’être). Du coup, les situations sont très crispées du fait de la superposition d’enjeux forts et divergents. Et les aspects environnementaux sont perçus comme autant de contraintes. On retrouve ici le mécanisme d’une lecture ancienne de la crise et des remèdes… qui ne fait au fond qu’aggraver les problèmes.

Le second exemple vient d’une partie du monde agricole. À l’occasion de la manifestation organisée par la Fédération Départementale des Syndicats d’Exploitants Agricoles (FDSEA) et les Jeunes Agriculteurs (JA) du Bas-Rhin le 13 novembre dernier, notre siège de Strasbourg a fait l’objet, de manière ciblée et non fortuite, d’un dépôt de matières agricoles en décomposition et malodorantes. Au courrier que nous leur avons adressé pour demander des explications, nous n’avons à ce jour obtenu aucune réponse… De deux choses l’une. Soit la FDSEA et les JA ne cautionnent effectivement pas ce genre d’action et il s’agit d’un acte incontrôlé d’une minorité comme ils le laissent entendre en privé. Mais dans ce cas, on s’excuse publiquement ou au moins on répond au courrier adressé. Soit, la FDSEA et les JA font la sourde oreille, ce qui est le cas, et cela signifie qu’au fond elles approuvent ce genre de démarche. Que penser enfin de l’attitude de la Chambre d’Agriculture, établissement public, à qui nous avions adressé copie du courrier en lui demandant de servir d’intermédiaire… et qui n’a pas non plus daigné nous répondre ?

La spécificité et la force d’Alsace Nature résident dans le fait que nous analysons les projets et les évolutions à travers le prisme de la nature et de leurs effets sur sa préservation à long terme. De ce point de vue, nous devons constater que de trop nombreux projets traitent la nature comme une zone de moindre résistance pour implanter des installations ou des infrastructures. Et, de toute manière, les mesures compensatoires permettront toujours, comme au temps des Indulgences, de justifier ou se faire pardonner n’importe quel impact destructeur, voire de mener quelques spéculations lucratives. Il ne s’agit pas de contester tout acte d’aménagement de la nature et de vouloir la figer dans une immuabilité factice, mais il ne s’agit pas non plus d’accepter la désinvolture avec laquelle, au nom du sacro-saint développement, on traite encore trop souvent nos milieux naturels. Qu’il s’agisse des pratiques de l’agriculture industrielle et concentrationnaire, de la très inquiétante industrialisation de la filière forestière2, de l’aménagement du territoire (voir l’exemple du projet de prison à Lutterbach) ou encore des énergies renouvelables, les illustrations ne manquent pas. Prenons le cas des infrastructures qui nous ont bien occupés ces derniers mois. Sans parler du Grand Contournement Ouest de Strasbourg (GCO), dont l’utilité même n’est pas démontrée et qui soulève un problème de stratégie d’aménagement, arrêtons-nous un instant sur des projets dont on pourrait admettre une certaine utilité, mais dont les principes d’aménagement illustrent parfaitement comment, pour ménager d’autres intérêts, on sacrifie délibérément des milieux naturels remarquables, malgré toutes les lois et textes de protection des espèces et des habitats naturels. Il s’agit du projet de liaison routière entre l’autoroute A4 et Lorentzen en Alsace Bossue et de la déviation de Châtenois au débouché de la vallée du Giessen. Que n’a-t-on reproché à Alsace Nature d’avoir osé critiquer ces projets ! Mais si nous ne l’avions pas fait, qui se serait soucié des pelouses sèches exceptionnelles du Morstberg ou de la remarquable coulée verte inondable du Giessen ? Les discussions en cours — rendons ici hommage à l’ouverture dont ont su faire preuve certains porteurs actuels de ces projets — permettront peut-être de réduire significativement les impacts de ces aménagements hérités et mal conçus dès le départ. Mais cela montre également combien la présence d’Alsace Nature est importante pour que des choses aussi élémentaires que la préservation de ce type de milieux naturels ne passent pas par pertes et profits.

Pour que nos actions en faveur de la protection de la nature soient les plus efficaces possible, deux conditions sont indispensables. D’une part, pouvoir s’appuyer sur un réseau de personnes, bénévoles et salariées, dévouées et compétentes et attachées à la défense de l’intérêt général. C’est heureusement le cas dans notre fédération, et qu’il nous soit permis de remercier très chaleureusement toutes celles et ceux qui ne ménagent pas leurs efforts au service des valeurs que nous défendons. N’hésitez pas à rejoindre ce réseau attachant, instructif et utile !

D’autre part, pouvoir compter sur le plus grand nombre pour soutenir nos actions et nous assurer notre indépendance politique et financière. Les membres d’Alsace Nature et de ses associations fédérées représentent l’équivalent d’une ville comme Haguenau ou de deux villes comme Illzach. C’est loin d’être négligeable ! Mais, nous devons être encore plus nombreux pour résister face aux tendances catastrophiques de notre évolution sociale et pour proposer des pistes vers une société plus respectueuse de la nature. Soyez les porte-parole de la nature et d’Alsace Nature.

En de Natur un em Elsass ze lieb !

Jean-Claude Claverie
Président Alsace Nature Bas-Rhin

Jean-Paul Lacôte
Président Alsace Nature Haut-Rhin

Maurice Wintz
Président Régional

Loup dans les Vosges : cohabiter autrement

France Nature Environnement et ses deux fédérations régionales, Alsace Nature et Lorraine Nature Environnement, écrivent à madame la Ministre pour demander la création d’un comité de massif pour la gestion du loup.

Depuis le mois de juillet 2011, la présence du loup dans le nord-est de la France est attestée avec la présence de deux individus, un mâle et une femelle, dans le massif vosgien et d’un individu solitaire présent dans la plaine lorraine. Le retour du loup dans les Vosges, prévisible mais non anticipé par les pouvoirs publics, devient à présent une donnée durable au regard de la disponibilité en proies sauvages dans le massif vosgien et l’abondance de milieux qui lui sont favorables.

Cette situation nécessite de prendre les dispositions permettant d’accompagner dans les meilleures conditions possibles le retour de ce prédateur afin de le rendre compatible avec les activités humaines, notamment l’élevage ovin.

Etant donné la taille réduite du massif vosgien et son homogénéité, nos associations estiment qu’une gestion du loup par la voie de comités départementaux loup, comme cela est mis en place sur le reste du territoire français, n’apportera pas de solutions satisfaisantes. Aussi, nos associations ont-elles proposé à madame la Ministre la création d’un comité de massif pour la gestion du loup sous l’égide d’un préfet coordinateur, comme cela a été mis en place pour l’ours.

Cette proposition présente à notre sens de nombreux avantages :

  • Permettre une gestion coordonnée du loup du nord au sud et de part et d’autre du massif vosgien et une organisation facilitée de la diffusion de l’information ;
  • Assurer une meilleure coordination des administrations concernées et de mutualiser les moyens et les expériences acquises ;
  • Coordonner les mesures de protection et d’aide apportées aux éleveurs ;
  • Permettre la mise en place des mesures de protection et de soutien aux éleveurs sans attendre le choc psychologique d’une première attaque et la confirmation de l’arrivée du loup dans un nouveau secteur ;
  • Proposer des formations aux éleveurs portant sur la mise en place des mesures de protection des troupeaux et l’utilisation des indispensables chiens de protection ;
  • Permettre la mise en place de mesures pratiques, adaptées et opérationnelles afin d’aider véritablement les éleveurs, et procéder à des expérimentations face au particularisme de l’élevage dans les Vosges

Nos associations espèrent donc que l’accueil réservé au loup dans les Vosges ne se réduira pas à la mise en place de dispositifs de tirs de défense et de prélèvement, mais que dans ce massif, l’on saura mettre en oeuvre des mesures pérennes de cohabitation. Ces mesures devront comprendre une valorisation de l’image de cet élevage de montagne, de ses productions et du travail des hommes en présence du loup mais aussi du lynx.

Tirs sur le Renard pour protéger le grand Hamster

Tirs sur le Renard pour protéger le grand Hamster

Petit rappel : Un tout récent arrêté signé par le préfet du Bas-Rhin (le 7 février 2013) prescrit « l’organisation de chasses particulières de destruction par des tirs de nuit de l’espèce renard dans les zones de forte densité du grand hamster d’Alsace ».
Cet arrêté a été pris suite à l’obligation, pour l’État français, de protéger le grand hamster, en vertu des conventions internationales.
En effet, les populations de ce petit rongeur continuent à diminuer dans la plaine d’Alsace. Cette « dégradation implique la prise de mesures destinées à minimiser au maximum les causes de mortalité, en limitant la présence de prédateurs, et notamment le renard », stipule l’arrêté préfectoral.
Alsace Nature avait pris position contre cette méthode de sauvegarde (voir notre article « Sauvez un arbre mangez un castor« ) et avait rappelé que la disparition du grand hamster est surtout liée à l’urbanisation et aux monocultures, qui réduisent son territoire, ses possibilités de trouver refuge et nourriture.
Le journal l’Alsace, dans un article paru le 17 février 2013, reprend les arguments d’Alsace Nature à ce sujet.
Lire l’article de l’Alsace