Alsace Nature veut une autre Politique Agricole Commune (PAC) que celle qui est appliquée aujourd’hui, et une autre PAC que celle que défend le syndicat FNSEA qui annonce la convergence de ses tracteurs vers Strasbourg pour manifester le 30 avril. La FNSEA défend la prédominance du maïs en Alsace alors que la nouvelle PAC, en exigeant plus de diversité, pourrait bousculer cette filière qui règne sur les paysages alsaciens.

En effet, les derniers arbitrages sur les outils de la PAC sont en cours, en particulier sur les règles de la conditionnalité qui s’imposent pour toutes les aides à tous les hectares, ou les ecoschemes qui apportent un complément d’aides à l’hectare pour des prestations volontaires supplémentaires. Il aurait fallu lier les aides au nombre d’actifs plutôt qu’au nombre d’hectares ; cela aurait pu mettre fin à toute discrimination des petites exploitations.

Quant au maïs, c’était la PAC qui au siècle dernier avait incité à retourner les prairies pour introniser cette culture. Il est normal que la PAC évolue et s’adapte, au vu des leçons du passé, des savoirs du présent et des besoins du futur. Le changement climatique, la dégradation des sols, l’effondrement de la biodiversité, la pollution par les pesticides, ne peuvent pas attendre. Ni les lois du marché, ni le lobbying ni le clientélisme ne peuvent orienter l’agriculture vers des modes de production durables et sains. La PAC doit changer la donne, c’est le moment.

Les bonnes règles agronomiques sont effectivement la rotation des cultures, donc incontestablement un peu moins de maïs, et la couverture des sols. Le point clé c’est positivement l’introduction de légumineuses plus que la stigmatisation du maïs, c’est la diversification des filières avec une bonne place à donner au soja qui est viable en Alsace, la reconquête des prairies riches en fleurs, des zones humides et autres lieux de biodiversité, la plantation d’arbres et de haies, et la réduction des cheptels en appliquant le principe du « Moins et Mieux » à l’élevage. Il est insoutenable de continuer à consacrer plus de 60 % des céréales utilisées en Europe à l’alimentation animale. La conversion vers l’agriculture biologique permet de sortir des pesticides et de sortir de la pollution de l’air et de l’eau par les excédents d’azote, l’agriculture biologique étant beaucoup plus économe que le système conventionnel.

Il faut aussi sortir d’une PAC qui maintient des revenus agricoles insuffisants et instables en permettant (et en finançant indirectement !) la pression exercée par la guerre des prix irresponsable des distributeurs et des marchés mondiaux. Où va l’argent de la PAC ?
Chez des fournisseurs à l’amont, pour être « compétitifs » grâce à des économies d’échelle, et ensuite les gains de productivité sont absorbés par l’aval ! Il faudra au contraire garantir les biens communs et le bien-être collectif y compris celui des animaux d’élevage. Plutôt que de brader à prix cassés les produits agricoles dont la viande, le lait et les œufs  qui sont en surproduction par rapport aux besoins nutritionnels humains, il vaudrait beaucoup mieux soutenir les ménages en difficulté et assurer de cette manière l’accès à une nourriture saine pour tous. Ce serait une des vocations de la PAC, au moyen (entre autre) des Plans Alimentaires Territoriaux (PAT).