Nous discutions placides, assis l’un à côté de l’autre, tels deux bons apôtres. Nous devisions tranquilles, sur tout et sur rien, le coeur fraternel, l’esprit étourdi, le cadavre du côte de bourg 2002 qui gisait à nos pieds n’y était pas étranger.
Il me parlait de sa lourde charge d’élu. Je lui causais nature. Etonnament familiers, l’oeil brillant, le sourire « chérubin », bras dessus, bras dessous, nous nous extasions charmés de tout ce que la lune belle, blonde, ronde, nous laissait deviner ! Je profitai de cette promiscuité pour l’entretenir d’une visite qui m’avait quelque peu attristé, la veille…
« J’ai un Pic Mar qui est venu me voir hier soir. Baluchon sur l’épaule, le bougre pleurait.
– Tu en fais une tête ! L’ai-je accueilli. C’est pourtant jours de fête !
– Pas pour moi. Hélas ! M’a répondu l’oiseau. Pour assurer ma survie il me faut un minimum de 20 bons gros chênes à l’hectare, tu le sais, et cela sur une bonne surface. Eh bien, je n’aurais bientôt plus de toit, les hommes vont raser le petit bois qui me logeait ; j’ai vu les marques sur les troncs…
Je suis venu te faire, mon vieux, mes adieux. Je vais m’exiler sur les pans escarpés du cirque glaciaire de la Wormsa, rejeté sur ces rochers, tel Prométhée, par les vagues de la vie et l’insouciance des hommes… Les hommes… Pfuitt… Thalassa ! Uschuaia ! Ils s’apitoient quand l’écran plat montre les dégâts d’une Huqsvarna dans la forêt amazonienne mais qu’une Stihl, ici, «déforeste », point de larmoiement… Pourtant quelle catastrophe ! Le bilan pour la faune est celui d’une guerre : l’on y compte les migrants et les tués, des familles entières anéanties par la douleur, l’appauvrissement soudain, brutal, total… »
Je l’ai retenu, tu penses bien ! Et lui ai fait boire un élixir qui n’a pas son pareil pour requinquer l’âme froide quand le vent souffle mauvais ! Nous avons causé, le reste de la nuit, de ce jour où une espèce de vieux curé, un capucin, s’était assis au pied du merisier, près du jardin ! L’ensoutané portait un pin’s, (deux grosses lèvres rouges barrées d’un « Jésus love révolution »), il nous avait conté, à sa façon, l’histoire du petit roi de Bethléem qui portait en son sein le secret de la paix : « Je vous donne un commandement nouveau, aimez vous les uns les autres ! ».
Tu connais l’histoire ! Les meneurs politiques et religieux querelleurs de cette époque, englués dans leurs petites traditions, ne souhaitèrent point changer, ne souhaitèrent point s’aimer. Ils continuèrent d’amasser fortunes, savoirs, pouvoirs, bercés par les aspirations de leurs coeurs mal inspirés. L’enfant en grandissant devint gênant, ils s’en débarrassèrent, le crucifièrent… (Bon, je sais, les biblistes trouveront ce résumé réducteur !).
Le message, avait ajouté notre curé, restait toujours d’actualité : le christ reviendrait, avec amour, instaurer, par la force, ce que les hommes s’obstinaient à ne point vouloir faire, la paix sur la terre ! Dieu nous laissait cependant du temps pour flêchir du genou : Dieu est patient.
Les animaux des sous bois et forêts ayant entendu cela s’en étaient écriés « hosanna !!! », et depuis attendaient…
Imaginez, vous qui me lisez, doux et humbles de coeur ! Une humanité sauvée du désamour ! Les jardins du monde peuplés de colocataires raisonnables, attentionnés !!! Des êtres humains occupés à s’aimer plutôt qu’à se voler, s’envier, se calomnier, se méfier, se défier, s’écraser ! Une humanité libre, égalitaire, fraternelle, (votre vieux rêve républicain ) !
En attendant ces beaux jours, sur les 176 types d’oiseaux actuellement nicheurs en Alsace, 39,8% sont inscrits sur la Liste rouge des espèces menacées ( soit 70), et 17 ont définitivement disparus : mon ami pic Mar a peur que si le retour de Jésus tarde, son tour ne vienne…
« Maranatha ! » S’écria mon comparse, l’élu, en se frappant très fort la cuisse ! « Je suis un homme de foi ! Tu diras à ton ami Pic Mar que désormais sur mon ban, lorsque les tronçonneuses chanteront, il sera laissé ici et là, les vieux chênes nécessaires pour manger, assez d’arbres morts sur pied pour nidifier ! J’en fait un devoir de mémoire : nous préserverons pour les générations futures les beautés du bon Dieu, cochon qui s’en dédit !»
Alléluia !!! Le coeur en joie, je traiterai dans le prochain écho des besoins existentiels du picidé bigarré au béret rouge ! Bonne Happy End 2015 à tous !
Votre mustélidé farfelu et dévoué.