Vous pouvez chers humains, pour assurer votre descendance ou vous adonner à votre libido, utiliser presque toutes les semaines du calendrier.

Chez le renard, car c’est à lui qu’est consacré ce nouvel écho, il en est tout autrement, lisez plutôt :

La période des amours est concentrée sur trois semaine dont trois jours seulement permettent l’ovulation. Trois jours sur toute l’année à ne pas louper pour perpétuer l’espèce, c’est à cocher.

L’attente qui précède l’ébat, (un an!), explique peut être la longueur du « verrouillage » qui le suit : une heure et demie !

« HAou ! HAou ! HAou ! »

Parfois des aboiements, hurlements, glapissements, miaulements, hululements accompagnent ce jappement que l’on entendait encore il y a quelques jours aux abords du refuge.

A quoi rime ce tintamarre ?

A délimiter les territoires, instaurer « le » contact… et fredonner la sérénade !

Chez vous, chers humains, le bellâtre chantera ce que brame le Cerf en septembre et glapi notre ami après mi décembre :

Laisse moi t’aimer toute une nuit

Laisse moAAAAAA toute une nuiiieu

Faire avec toi le plus long le plus beau voyaaaaage

Oh who who veux tu le faire aussi ?

Etc…

Chacun le faisant avec grand succès.

« HAou ! HAou ! HAou ! »

Nous sommes fin Janvier. Mois du Rut. La vie nocturne du clan des renards est totalement chamboulée.

La notre aussi…

Continuons sur les comparatifs !

Vous usez de Guerlain, Channel, Azzaro, Armani et autre Dolce Gabana ?

Le goupil, le gorpil, le volpil (ainsi appelé jusqu’au Roman de Renard, XIIème siècle) a lui aussi ses « essences ».

Cela débute à l’automne.

Une violente odeur âcre et musquée s’installe au détours des haies, buissons et autre borne végétale. Un balisage fait entre autre d’urines et d’excréments.

Quelle élégance !

Vous pénétrez sur le territoire du «Canis Vulpes » ou « Vulpes vulpes » ainsi nommé par Linné !

Un premier message est répandu de façon odorante tel un carton d’invitation qui invite les cinq femelles du clan aux pâmoisons d’hivers.

Un second avertit tout rival susceptible de franchir la frontière olfactive : « attention chasse gardée » !

A lire cela, au vu de vos sourires, tout ceci paraît bien plaisant.

La réalité en vérité ne prête point à rire.

Aux semaines de neige et de glace qui ont un peu gelées les ardeurs de noceurs de mes roux compagnons viennent de s’ajouter soixante chasseurs.

Ils ont beau être là pour le sanglier, ils florent un peu trop le prototype «petits fils de John Wayne». Devant autant de carabines, il y a de quoi gémir, de quoi serrer les babines, de quoi claquer des dents…

Je n’invente pas ! Pascal a assisté à cela il y a deux ans demandez le lui. Perché dans une fourche d’érable, scrutant au loin la chasse, il vit un jeune renard affolé se bloquer au pied de son arbre, gémissant, claquant des dents, allant et de droite et de gauche, retroussant les babines par peur, ne sachant où aller…

Revenons à nos chasseurs.

Il faut savoir qu’une fois fécondée, après deux mois de gestation, Dame Goupil rejoindra pour quelques semaines les profondeurs de la terre. Qu’adviendrait il à ses petits si Maître Renard tombait sous la mire du fusil ? Il n’y aurait plus personne pour amener la pitance.

Madame pendant le premier mois ne peut s’absenter, les petits qui ont besoin de sa chaleur en mourraient.

Un accident malheureusement n’est pas impossible. Pour approvisionner sa nichée, Maître Renard prend des risques fous, surtout si l’hiver ne s’attarde plus qu’il sied. Le gibier n’est pas toujours facile à trouver.

Quand le campagnol se fait rare, l’appétit des petits l’oblige à se faire « Mandrin » dans les poulaillers. (Ce bandit populaire, robin des bois du Dauphiné, aimé du peuple et de Voltaire, roué vif par les condés était certainement roux de cœur!).

S’approchant des fermes, pénétrant dans les cours, Papa-Renard à la moindre occasion, chaparde poule ou chaton.

Que le chien ou le plomb le surprenne, c’est le drame pour sa femme.

Une sœur non reproductrice ou une fille de la portée précédente épaulera parfois, fort heureusement, Dame Renarde, une telle expérience permettant à l’assistante d’élever plus tard sa propre portée.

Il arrive aussi que deux femelles partageant le même terrier, élèvent ensemble leurs petits : si l’une venait à mourir, l’autre se chargerait alors des orphelins.

Merci mon Dieu de ne pas avoir réservé à l’homme seul le germe de la fraternité.

Sur une portée de 4 ou 5 petits, en général, seuls un ou deux jeunes survivent jusqu’au sevrage et en cas de manque de denrées, certains fœtus se résorbent et meurent in utero…

Comme je vous le disais plus haut, la vérité ne prête pas à rire.

Enfin, pour l’instant ne jouons pas les rabat joie. L’heure est à la passion, aux jeux, aux courses folles et aux étreintes procréatrices !

Pour nous autres habitants de la forêt cela marque un tournant dans l’hiver : Les jours doucement s’allongent faisant des clins d’œils au printemps ! Regardez bien les rouges gorges, écoutez bien les mésanges et vous verrez que les choses changent !

Bon pour clore, les « Canis vulpicides » m’accuseront dans ce courriel de parti pris : ce puant nuisible qu’est mon rouquin colocataire attitré ne pullule t’il pas ? Ne transporte t’il pas des germes malfaisants tel l’équinoccocose qu’il pisse partout…

Comprenez pour l’un mon attirance, pour les autres ma défiance ! Le loup et l’ours pratiquement disparus, le renard est désormais le seul prédateur qui survit – grâce à son intelligence et son adaptabilité – au massacre des animaux sauvages.

Pour le coup de la rage dont il devînt ,pauvre bouc émissaire, principal vecteur il y a moins d’un demi siècle, nous faillîmes nous autres blaireaux disparaître !

Battues, déterrage, plomb et poison, enfumage et gazage, chloropicrine et autre chimie du diable faillirent causer notre perte.

Aux chasseurs de trophées insensibles qui ne rêvent que d’une chose,

revenir à la bonne vieille période du monnayage des queues et des oreilles, outre le conseil biblique « n’endurcissez pas votre cœur », je voudrais faire écho à ce que prêche certaines autorités. Les voici en trois points :

Le renard puisqu’il prélève des animaux blessés, malades ou se nourrit d’animaux morts à un rôle régulateur.

A poulailler et potager bien clôturé, pas de danger.

En détruisant 6 à 10 000 rongeurs l’ami goupil est un allié précieux pour l’agriculteur.

Sur ce

L’aube pointant son museau

usant d’un classique phrasé adapté

pour habile entrechat

je m’estompe :

« Cela vaut bien un fromage sans doute ! »