chers lecteurs,

j’ai bien peur de m’être laissé un tantinet emporté lors de mon précédent envoi en faisant de l’hermine une tueuse de volaille ! A la date de ce jour, nul ne s’en étant ému, je le clame fort, à la manière du poète Jean Cocteau, grand ami des chats, l’erreur était intentionnelle !

« L’hermine, Dracula des poulaillers ? Vilenie, ineptie, pur ragot !!! »

C’est parti ! Je démarre cet écho au galop !

Certes l’hermine tout comme la belette, le putois et la martre partagent très certainement la même excitation face à un nid de proies terrorisées mais en ce qui concerne les carnages qui décimeraient dit on des poulaillers entiers, n’accusons pas trop vite mes quatre cousins, cousines : ils n’y sont généralement pour rien !

Ces brigandages, rares, je le souligne au passage, fruit, la plupart du temps, de la négligence de l’éleveur qui aura omis de fermer une porte ou colmater un trou, ne seraient en effet point l’œuvre, n’en doutons pas, de ceux là.

Cette confusion commence donc par une énigme digne d’un « cluedo » version LPO :

Mais qui a cassé les têtes des poules de Mme Pervenche ?

Allons, réfléchissons, comptons, recensons… Oublions le fringuant colonel Moutarde, la troublante Melle Rose et ce bon gros placide docteur Olive ! L’assassin était armé, non d’un chandelier, d’une crosse de revolver ou d’une clef à molette mais bel et bien d’une mâchoire puissante de mustélidé !!!

Si ce n’est ni la martre, ni la belette, ni l’hermine, ni Jojo, qui nous reste t’il ? Le putois ?!

Suivant l’éclat sherlockholmesque de mon encre qui de sa loupe nous emmène vers l’ombre furtive longiforme qui un peu plus loin, là bas, jamais bien loin de l’habitat humain, s’effile, se faufile, se profile, se défile, permettez moi de vous enluminer l’artiste :

Pleins phares sur la « martre citadine », ma frangine, Dame Fouine !

C’était élémentaire mon cher Watson !

A ma droite, 1,3 kg pour les dames ! A ma gauche, 2kg2 pour les messieurs !

Nous sommes loin des 60 gr de la belette et des 300 gr de papa hermine !

1er point, concentrons nous, comment distinguer une bonne fois pour toute la martre de la fouine ?!

Elles se ressemblent tant qu’il n’existe qu’un seul terme en alsacien pour désigner les deux et monsieur Linné lui même, célébrissime naturaliste, ne les différenciait point !

La fouine porte une bavette blanche divisée le plus souvent en deux sur le haut des pattes avant.

La martre à une bavette plus jaunâtre, elle s’arrondit voir s’achève triangulairement sur le torse.

La fouine à un nez couleur chair, la martre à une truffe couleur « chien ».

Le pelage de la fouine est brun grisâtre, celui de la martre vire vers le noir.

Les oreilles de la martre bordées d’un liseré clair sont un peu plus grandes que celles de la fouine.

Les callosités plantaires chez la fouine sont presque nues, elles sont plus poilues chez la martre.

Enfin, et surtout, la martre habite essentiellement en forêt, la fouine bien que parfaitement adaptée pour la vie sauvage sylvicole voir montagnarde est nettement plus anthropophile : elle apprécie la compagnie de l’homme qui lui procure, le plus souvent sans le savoir, le gîte et le couvert !

D’octobre à mai la fouine sera discrète. Elle passerait rarement, s’accordent mes sources suisses et wallonnes, plus de deux jours au même endroit et utiliserait sur un territoire plutôt spacieux une bonne dizaine de niches. Nous en avons repéré trois  au refuge du meyersbuhl : remise à foin, cabanon non utilisé et sous pente de l’ancienne soue à cochon. Tout juste peut on deviner son passage au vu des marqueurs territoriaux qu’elle laisse en évidence pour qui veut bien chercher : de petites crottes torsadées, crossées tel le bâton d’un évêque.

De mai à août, c’est une toute autre paire de manche ! Entre le rut, les mises bas, les premiers pas des petits, les cavalcades, les bousculades, les empoignades, pour qui vit avec la fouine à ses côtés l’animation nocturne est garantie ! La cohabitation est d’ailleurs chaudement recommandée pour les insomniaques qui la nuit au lit s’ennuient !

Le spectacle n’est accessibles que pour quelques privilégiés, la fouine n’étant guère invasive.

Cette bonne mère règne en moyenne sur l’équivalent surfacique de 40 stades de football, tantôt beaucoup plus, tantôt beaucoup moins, c’est selon l’abondance de ce que l’on y trouve à se mettre sous le croc. Les territoires d’individus de même sexe ne se superposant pas, votre maison, votre grenier, votre cabanon de jardin, seront l’exclusivité d’un ou deux individus pendant plus de la moitié de l’année, comme l’hermine, le domaine d’un mâle englobant les surfaces d’une ou plusieurs femelles…

Le Groupement d’Étude et de Protection des Mammifères d’Alsace comptabilise 1 individu au km2.

Une étude luxembourgeoise quand à elle révélerait qu’en milieu urbain l’on compterait 2 fouines par tranche de 1000 habitants soit, je le rajoute pour tous les automobilistes qui craignent de se faire dévorer quelques câbles, 1 fouine pour plusieurs centaines de voitures.

Ça vous est arrivé ? Ne hurlez pas trop vite comme le font certains : «  mais qu’ai je fais au bon Dieu pour mériter cela !… ». Il n’est point, lui, le concepteur de la durite au maïs !

Seul un génie humain pouvait inventer cela !

Les véhicules endommagés seraient plutôt du type « nomade » précisent mes feuillets, ils « dormiraient » hors garage et seraient estimés à 1%  seulement ! C’est peu… Il y a beaucoup plus de risques, croyez moi, de se faire vandaliser twingo, punto et polo, par un vandale à deux pattes que par un jeune mustélidé qui mâchonne pour goûter tout ce qui passe à sa portée !

La plupart du temps, en vérité, la fouine se contentera de pisser sur vos pneus histoire de masquer les effluves publicitaires d’un concurrent éventuel !

Nous sommes début mars, les effectifs de fouines sur vos possessions foncières vont doubler, tripler   voir peut être quadrupler, l’accouplement qui a eu lieu en juillet et août dernier va en effet porter ses fruits, les ovules vont s’implanter dans l’utérus et commencer leur développement embryonnaire. Deux à trois petits naîtront d’ici à peine un mois.

Nous attendons au meyersbuhl l’heureux événement des naissances avec impatience ! La mise bas à lieu le plus souvent entre deux palettes, sous le foin d’Ophélie, notre douairière jersiaise, qui vient de souffler sur ses 17 bougies !

Les piles de bois environnantes font d’excellentes aires de jeux et c’est très amusant d’entendre nos galopins se poursuivre. Ces petits fouineurs sont plutôt tapageurs ! Ça court, ça joue, ça glousse et ça pousse de rigolos trémolos ! Quand entre deux rondins la tête de maman Fouine, toute excitée, émerge et nous décèle, un seul sifflement strident suffit à stopper le chahut de la marmaille :

– « Chut, garnements ! Le silence, sachez le, seul, est gage de notre invisibilité ! »

Point très important si vous voulez réussir, sur votre propriété, votre colocation : n’oubliez surtout pas de mettre à la disposition de notre amie, à l’écart du domicile familial, quelques abris tranquilles voués à la néo-natalité. Si par malheur, oublieux que vous êtes, vous avez laissé sous votre toit notre maman fouine accoucher… oups ! A moins que vous n’ayez le sens olfactif d’une bébé chouette effraie habituée dès le plus jeune âge au matelas de fientes superposées la cohabitation va bientôt vous imposer une contrainte je le crains non souhaitée !

La fouine a la mauvaise habitude d’épandre dès la fin mai autour de son logis un arôme indélicat, un parfum nauséabond. Disons le tout de go, ça va bientôt sentir chez vous le cadavre qui fermente, la charogne qui se meut agitée par la masse grouillante d’asticots affamés !

Explication !

Les jeunes nés mi mars début avril vont en très peu de temps passer du lait maternel à un solide plus carné : souris, mulots, rats, oiseaux ramenés à domicile…

Le fait est que la fouine n’est point fée du logis. Inutile de l’inviter à débarrasser la table, faire la vaisselle, passer le coup de balais, épousseter, dépoussiérer, javeliser. Parlez lui, ménage, St Marc, O Cédar, M. Propre, elle vous répondra : « Je sais pas ! Connaît pas ! Comprend pas tout ça ! »

Je compatis. J’ai moi même  actuellement l’un de mes terriers secondaires occupé par un locataire peu soigneux : Émile Goupil ! Ces deux là, s’ils poétisaient ensemble, ferait rimer cuisine avec latrines. Le fruit de leur digestion n’est généralement éloigné que de quelques décimètres des restes de leurs repas. En matière de compostage et de TLB, ce sont des ignares ! Ah ils ne l’ont pas volés leur étiquette de « puants » !

(TLB = toilettes à litières bio-maîtrisée, si ça ne vous évoque rien rendez vous au prochain écho !)

Bon, je vous rassure, cette situation olfactive catastrophique ne va, en ce qui vous concerne, point durer ! Primo, en été, le régime alimentaire des martes foinas est en partie composé de fruits et de baies, secundo, en septembre la progéniture de maman fouine sera envoyée dans le vaste monde à la découverte de nouveaux horizons selon un principe digne d’un marin breton : les voyages forment la jeunesse ! Chacun devra conquérir son lot de terres et ce ne sera pas une mince affaire…

Avant de vous servir la louche finale qui vous amènera vers la fin de cette missive, je souhaiterais vous lire ce qui suit, j’en ai fais lecture aux habitants des forêts et sous bois, cela les a ravi.

« En forêt et en milieu rural la fouine agit comme élément intégral de l’écosystème. En tant que consommateur de souris et de rats, on peut, sans hésitation, la considérer comme espèce bénéfique pour l’agriculture. Ceci est une des raisons pour lesquelles la fouine n’est plus chassable

Considérant la destruction des habitats naturels et les efforts du Ministère de l’Environnement d’enrayer cette tendance et de mettre fin aux extinctions d’espèces, on devrait saluer le fait qu’un animal aussi sympathique que la fouine constitue toujours un élément intégral de notre environnement… »

C’était en 2007, déclaration d’un ministre européen qui paraissait écologiquement à la hauteur !

Ce n’était bien malheureusement pas un français, nos énarques bons enfants y prônent une écologie boursière plutôt tendance, semblerait il, « Bayer-Monsanto » !

Ce n’est pas Dupont de Nemours, deuxième marche du podium sur le marché mondial du panneau solaire, qui nous dira le contraire !!!

Du FIN fond de la vallée de Munster,