Le 29 juillet 2025, le Tribunal administratif de Strasbourg a donné raison à Alsace Nature dans un contentieux concernant un défrichement illégal sur la commune de Fort-Louis, dans le Bas-Rhin. Malgré les dégâts subis par la nature, cette décision marque une victoire juridique et symbolique pour la protection de l’environnement, et rappelle que le droit s’impose à tous, même aux collectivités publiques.
Une destruction sans autorisation dans une zone naturelle sensible
En septembre 2022, la commune de Fort-Louis a procédé à des travaux de défrichement dans une zone boisée d’environ 4 000 m², sans autorisation légale. Or, ce secteur se situe à proximité immédiate de zones protégées, notamment le site Natura 2000 du Ried de la Moder, un espace d’une richesse écologique remarquable, abritant une biodiversité exceptionnelle.
Le maire de l’époque avait justifié les travaux par des « aménagements touristiques », sans étude d’impact ni procédure de dérogation. Alsace Nature, alertée par des citoyens, a rapidement saisi la justice pour faire reconnaître l’illégalité de ces travaux, menaçant gravement l’équilibre écologique local.
Le droit de l’environnement ne se contourne pas
Le tribunal a jugé que :
aucune demande d’autorisation de défrichement n’avait été déposée auprès de la DREAL (Direction régionale de l’environnement),
la zone concernée relevait bien du régime forestier, et était donc soumise à une réglementation stricte,
les travaux portaient atteinte à des habitats naturels d’intérêt communautaire,
aucune évaluation des incidences Natura 2000 n’avait été menée, contrairement aux exigences du Code de l’environnement.
En conséquence, le tribunal a annulé rétroactivement l’arrêté municipal autorisant les travaux et reconnu la responsabilité de la commune dans une atteinte caractérisée à l’environnement.
Une jurisprudence précieuse pour la suite
Ce jugement est un rappel fort : les atteintes à la nature, même locales et prétendument mineures, sont encadrées par la loi. Les collectivités ne peuvent se soustraire à leurs obligations environnementales. La vigilance associative paie, et la justice peut – et doit – protéger notre patrimoine naturel.
Au-delà du cas de Fort-Louis, cette affaire envoie un signal clair à tous les acteurs : la nature n’est pas un « espace vide » à aménager à loisir. Chaque intervention doit être pensée, encadrée, justifiée.
Alsace Nature continuera de veiller, d’alerter et d’agir chaque fois que la biodiversité est menacée. Ce jugement conforte notre rôle de vigie juridique et citoyenne, et montre que chacun peut agir, à son échelle, pour défendre les équilibres naturels.
Des discussions à venir pour l’avenir du site concerné
Contacté récemment, suite à la décision de justice, le maire actuel de Fort-Louis nous a confirmé que les travaux d’aménagement avaient été stoppés suite à notre recours. Des discussions seront sans doute engagées pour voir comment sera géré ce site à l’avenir. A suivre …
Une centaine de personnes se sont réunies à Marckolsheim le 15 février dernier, près de la forêt du Rhin. Alsace Nature organisait un moment de commémoration pour les 50 ans de la lutte contre la destruction de la forêt et l’implantation d’une usine chimique de fabrication de stéarates de plomb.
En septembre 1974, des militants écologistes, des habitants, des paysans, des élus ont occupé le terrain pour éviter l’implantation de cette usine très polluante, prélude à la destruction de plusieurs centaines d’ha de forêt rhénane. Fin février 1975, le terrain occupé a été évacué par les opposants eux-mêmes. En effet, l’Etat venait de renoncer au projet d’implantation des Chemische Werke München (CWM), et même de Bayer, dans la forêt du Rhin.
De l’autre côté du fleuve, la lutte contre le projet de centrale nucléaire de Whyl sera aussi un succès. Sous la pression militante, l’Etat produira en 1978 un Plan (partiel) de protection des forêts du Rhin qui restera lettre morte. Pire, au début des années 1980, le site prévu pour les CWM sera finalement transformé en un immense site (40 ha) de stockage de voitures pour l’entreprise GEFCO. En 1990, nouvelle poussée d’industrialisation avec le projet Jungbunzlauer, une usine de fabrication d’acide citrique. La mobilisation sera forte mais n’empêchera pas l’implantation de l’usine au nord de GEFCO sur une surface d’environ 20 ha. Mais les manifestants obtiendront la protection définitive des forêts alluviales rhénanes restantes, y compris celles encore classées en zones industrielles (sauf la forêt de Nambsheim). C’est ce qu’on appellera “les accords de Marckolsheim”.
Ce 15 février 2025, sur le site de cette ancienne “ZAD”, anciens opposants, habitants de Marckolsheim et militants d’aujourd’hui se sont réunis pour célébrer l’anniversaire de cette victoire populaire contre l’industrialisation et la destruction des milieux naturels. Plusieurs personnes ayant participé à l’occupation, “les anciens de Marcko”, ont pris la parole pour témoigner de la lutte. L’occasion de rappeler le rôle qu’ont joué ces mobilisations dans la mise en place des programmes de restauration actuels et l’importance toujours actuelle de l’engagement associatif et de la désobéissance citoyenne.
Maurice Wintz, ancien président d’Alsace Nature, (qui n’était pas présent en 1975) évoque l’évolution du regard sur les forêts rhénanes. Il rend hommage aux femmes et hommes qui ont bravé les autorités, le froid, la boue et les sarcasmes pour porter une autre vision du monde. “Les événements de Marckolsheim montrent que les engagements citoyens sont efficaces et nécessaires. C’est cette occupation, et les manifestations qui ont suivi, qui ont conduit à transformer le regard sur les forêts rhénanes, qui sont passées du statut de réserve foncière à industrialiser à celui de patrimoine écologique à protéger et à restaurer. “. Marckolsheim témoigne du changement de regard, porté notamment par les « nouveaux mouvements sociaux », quant aux enjeux démocratiques et écologiques dans le contexte d’un modèle social marqué par le productivisme.
Badois et alsaciens, de part et d’autre du Rhin, ont unis leurs forces face à cette problématique commune, partageant alors leurs similitudes culturelles, 30 après la fin de la guerre. Axel Mayer, ancien directeur de l’association allemande Bund, témoigne : “Nous avons occupé la place à l’époque. Nous, les Allemands, nous vous avons soutenus, vous les Français. Plus tard, à Wyhl, vous nous avez aidés. C’était froid, boueux, sale, fatigant, laborieux, romantique, beau et important. La lutte et l’occupation illégale ont payé. Ces succès ne sont pas tombés du ciel. Cela a valu la peine de se battre”.
“Les femmes ont joué un rôle primordial dans les luttes contre l’installation de la CWM. Des mères de familles, des grands-mères, fichus sur la tête, occupaient le site, parfois en tricotant,” raconte Andrée Buchmann, étudiante à l’époque et aujourd’hui membre du parti écologiste. Le terrain a été défendu par des paysans, des étudiants, des personnes âgées, des enfants, des ouvriers, des universitaires, des artistes. La lutte contre la CWM a fédéré des alsaciens de tous horizons.
Au micro d’Alsace Nature, Raymond Schirmer raconte comment l’engagement dans la lutte était un vecteur d’épanouissement. Il souligne aussi que la non-violence était le mot d’ordre des deux luttes de Marckolsheim et de Wyhl. Pour lui, la mémoire des événements de Marckolsheim doit être une mémoire vivante, et saisie comme un exemple de désobéissance civile effective et joyeuse. Une leçon face aux défis actuels.
Marckolsheim, c’est aussi un bouillonnement artistique/culturel. Au sein de la Frendschaft’s Huss, la maison de l’amitié, construite en dur sur le site, on joue de la musique et on partage des poèmes en français, en allemand et en alémanique. 50 ans plus tard, le groupe entonne le chant Wacht am Rhein au son de la guitare de Roland Burkhart.
Antoine Waechter, qui a été, avec Solange Fernex, l’un des premiers à franchir les barrières pour occuper le chantier rend compte du contexte politique de l’époque et d’une conjonction d’événements et de prise de position de personnalités (l’évêque de Strasbourg, le préfet, le président du Port Autonome…) qui ont finalement joué en faveur des occupants.
Armand Peter évoque à son tour la belle convergence, dans les années 1970, entre les culturels alsaciens et le mouvement écologique en gestation. André Weckmann, auteur de poèmes en dialecte dont la Fahrt nach Wyhl, ou les musiciens comme Edouard Bauer, François Brumbt ou Sylvie Reff sont engagés dans la lutte. Les événements de Marckolsheim ont lancé des dynamiques culturelles, militantes écologistes et politiques en Alsace à cette période.
Jean de Barry, quant à lui, met cette lutte en perspective en articulant les processus d’industrialisation centralisés et destructeurs et les résistances locales et légitimes de défense des lieux de vie.
Pour finir, Aline Martin a lu Aliénation de André Weckman, ainsi que Fahrt nach Wyhl.
A la suite des témoignages, le groupe s’est baladé dans la forêt rhénane, aujourd’hui préservée pour observer les pertes et les perspectives de restauration. Le milieu a perdu son fonctionnement naturel, lié aux divagations du fleuve, au moment de la canalisation du Rhin. Si les espèces végétales pionnières sont moins présentes, ce milieu forestier humide garde un grand intérêt écologique. Une richesse pour l’Alsace, dont nous devons la préservation aux mobilisations de la population.
La Réserve Naturelle Régionale du Bischenberg, de l’Immerschenberg et du Holiesel a été créée le 21 juin 2024.
Le projet de création d’une Réserve Naturelle Régionale a été initié par la commune de Bischoffsheim à la suite de l’arrêt de toute exploitation forestière de sa forêt communale du Bischenberg en 2015. Cette forêt est le plus grand ensemble (52 hectares) de chênaie xérophile existant de nos jours en Alsace, la vigne l’ayant remplacée tout le long du piémont, à part quelques petites exceptions.
Après le dépôt d’un premier dossier élaboré pour la commune par la Ligue pour la Protection des Oiseaux (LPO Alsace), le Conseil Scientifique Régional pour la Protection de la Nature a suggéré un projet un peu plus ambitieux en adjoignant aux 54,49 ha du Bischenberg (comprenant la partie forestière et des pelouses et prairies sèches sur le pourtour), les 6,47 hectares de pelouses sèches de l’Immerschenberg (commune d’Obernai) et les 36,34 hectares de pelouses sèches et de boisements xérophiles du Holiesel et du Berg (commune de Rosenwiller).
Les trois communes ont donné leur aval à ce projet et le Conservatoire des Espaces Naturels (CEN Alsace) a pu s’atteler à l’élaboration du projet validé le 21 juillet 2024 par la Commission Permanente du Conseil Régional.
Le CEN Alsace devrait prochainement être désigné gestionnaire de la Réserve Naturelle Régionale du Bischenberg, de l’Immerschenberg et du Holiesel totalisant plus de 97 hectares.
La DREALE organise une consultation du public du 4 mars au 24 mars, en application de l’article L.123-19-2 du code de l’environnement sur la demande d’introduction dans le milieu naturel de Grand Tétras dans le département des Vosges par le Parc naturel régional des Ballons des Vosges.
La Ligue pour la Protection des Oiseaux (LPO) Alsace et Alsace Nature incitent leurs sympathisants à répondre massivement et positivement à cette consultation très importante pour la protection de l’ensemble de la faune et de la flore des forêts vosgiennes. Cette dernière prendra fin le 24 mars 2024.
Pourquoi devons-nous massivement participer et comment ?
Le Grand Tétras, principal symbole de la biodiversité du massif des Vosges, est au cœur d’un grand projet de renforcement dans les forêts des Hautes-Vosges. Ce projet va plus loin que la simple survie du Grand Tétras sur le massif car sa présence est une des dernières chances de préserver les milieux sauvages encore présents et les espèces qui y trouvent refuge comme la Gélinotte des bois par exemple.
Mais pour que ce projet ait une chance de réussir, il faut que certaines conditions soient réunies, à savoir :
des lâchers dans des zones d’habitats encore favorables et proches les unes des autres, afin de faciliter les échanges entre les individus lâchés ;
l’établissement de corridors entre les zones d’habitats favorables encore présentes dans le massif ;
la mise en place d’une gestion sylvicole favorable ;
une extension et/ou création d’aires protégées dans les secteurs favorables ;
la limitation des dérangements grâce à l’interdiction et/ou la limitation d’accès aux zones sensibles ;
l’abandon des projets impactants dans toute la zone de reconquête affichée tels que les nouvelles activités touristiques, projets immobiliers, via ferrata… ;
le retour vers un équilibre forêt/gibier.
Il faut également savoir que l’espèce est encore espèce gibier en Norvège et que les oiseaux capturés pour être introduits en Alsace sont prélevés sur le quota d’oiseaux voués à être chassés. L’impact est donc nul sur les populations de ce pays (même si nos associations sont bien conscientes de l’impact de ces déplacements sur ces oiseaux).
Dans ce contexte, il est très important de faire remonter lors de cette consultation, l’importance de préserver la biodiversité et de conserver la tranquillité de nos dernières forêts sauvages vosgiennes, tout en soulignant que ce projet doit être exemplaire et ambitieux (en rappelant une partie des conditions détaillées plus haut). Le Grand Tétras est le garant de cette protection !
Merci de votre aide à cette faune et cette flore vosgiennes si malmenées et à vos claviers.
Michèle Grosjean et Yves Muller
Présidente d’ Alsace Nature et Président de la LPO Alsace
Les contributions sont à envoyer
jusqu’au 24 mars 2024 par mail à :
Dans la cadre du projet d’extension de l’entreprise Kuhn sur le site de la Faisanderie à Monswiller, la communauté de communes du Pays de Saverne a pris le 13 avril 2023 une délibération prescrivant la déclaration de projet emportant mise en compatibilité du plan local d’urbanisme (PLU) de Monswiller et fixant les modalités de la concertation.
Cette concertation est ouverte jusqu’au vendredi 22 mars 2024 inclus.
Nous vous invitons à participer nombreux à cette concertation qui implique le déboisement de 18 ha de forêt
Alsace Nature salue le fait que, suite à la première consultation de 2020/2021, Kuhn ai réduit la surface déboisée de 26 hectares à 18 hectares en abandonnant la création d’une nouvelle piste d’essai. Nous nous réjouissons aussi que la compensation en agroforesterie ai été au moins partiellement retenue.
Néanmoins au sujet de la concertation actuellement en cours nous regrettons le manque d’information précises sur les impacts sur les espèces présentes sur le site concerné par le défrichement et tout autour.
Il nous parait important que l’étude d’évaluation environnementale (qui a été réalisée semble-t-il) soit présentée dans le cadre de la concertation et démontre comment la démarche éviter, réduire et compenser contribue à réduire les impacts sur l’environnement aussi bien à l’intérieur du site qu’a l’extérieur immédiat, le tableau concernant les incidences potentielles du document se contentant d’affirmer sans démontrer. Il est regrettable que cette étude ne soit pas versée dans le dossier de concertation.
(Contribution d’Alsace Nature à la concertation : publiée ici prochainement)
Il y a presque un an, France Télévisions organisait avec France Nature Environnement une soirée évènement pour les arbres et les forêts françaises. Grâce à votre incroyable mobilisation, plus de 2 millions d’euros ont été collectés et ont permis de financer 39 projets partout en France !
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