Les chiffres des comptages des terriers de grands hamsters réalisés au printemps dernier ont été publiés fin août 2022. D’après l’Office Français de la Biodiversité, 960 terriers ont été identifiés, contre 488 l’année dernière, sur 24 communes du Bas-Rhin et du Haut-Rhin.

Même si ce résultat est jugé encourageant par les services de l’Etat, cela montre aussi que les effectifs de cricetus cricetus « restent encore fragiles et en deçà du seuil de viabilité ». Les associations de protection de la nature estiment également que leur habitat ne devrait pas être limité à quelques îlots protégés mais qu’ils puissent vivre sur tout leur territoire historique et s’approcher au maximum de leur fonctionnement naturel.

 

Le grand hamster d’Alsace (ou Hamster d’Europe) fait partie des espèces menacées d’extinction, une bonne partie de la population actuelle est liée aux lâchers pratiqués depuis quelques années.

L’aire de répartition de l’espèce est en baisse de 94 % en France – où l’espèce se limite désormais à l’Alsace – et de plus de 75 % en Europe de l’Est, notamment en Ukraine et en Russie. Si rien n’est fait, le hamster d’Europe disparaîtra d’ici trois décennies, selon l’UICN.

Maurice Wintz, administrateur d’Alsace nature, avait participé aux négociations avec l’Etat lors des premiers plans d’action, dans le cadre du plan national hamster. Il rappelle que « Cette espèce vit naturellement dans les steppes, mais chez nous elle est inféodée à l’activité humaine et agricole en particulier. » Or, depuis les années 1960, les populations de Grand Hamster n’ont cessé de diminuer, jusqu’à atteindre un seuil critique pour la survie de l’espèce. « Si on veut préserver l’espèce, il faut planter de la luzerne, du blé, de l’orge, des oignons, de la betterave (les agriculteurs sont soutenus financièrement pour cela) dans des zones où les terres sont en loess, soit idéales pour creuser des terriers. »

« Leur survie dépend du biotope » explique Maurice Wintz, « on sait que plus les parcelles sont petites, avec des cultures variées, mieux ils arrivent à se reproduire. Mais quand les parcelles agricoles sont grandes et couvertes de monocultures, ils n’arrivent pas à se maintenir tous seuls. Et quand le système agricole et les politiques d’urbanisme défavorables se conjuguent, en grignotant des terres qui constituent l’habitat des hamsters, les populations sont en régression.

Le Grand Hamster est protégé par la directive européenne Habitats-Faune-Flore de 1992.  L’Etat français avait été plusieurs fois rappelé à l’ordre par la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) qui avait condamné la France pour ne pas avoir pris de mesures suffisantes pour protéger le grand hamster d’Alsace, un des mammifères les plus menacés d’Europe.

C’est pourquoi, l’Etat a lancé un plan national d’actions (PNA) en faveur du Grand Hamster, piloté par l’Office Français de la Biodiversité (OFB) avec plusieurs partenaires institutionnels et associatifs. Les lâchers effectués régulièrement font partie de ce plan d’actions. Au total, 404 individus ont ainsi été relâchés cette année dans le cadre du PNA, selon des données fournies par la Dréal Grand Est. 180 avaient été relâchés par Vinci Autoroutes dans le cadre des mesures « compensatoires » liées à la construction du Grand Contournement Ouest de Strasbourg. 

« Ces bons chiffres viennent de ces lâchers de plus en plus importants », tempère Stéphane Giraud, directeur de l’association Alsace Nature, qui dénonce une hausse « artificielle des effectifs ». « Quand on est obligé de protéger des prédateurs les lâchers de grands hamsters par des clôtures, ou de laisser pourrir du blé sur pied pour qu’ils se nourrissent, ce n’est plus vraiment une espèce sauvage ».

 

Selon l’OFB L’aire de répartition du Grand Hamster est aujourd’hui circonscrite à 2800 hectares, répartis sur 39 communes des deux départements alsaciens.

En Alsace, les naturalistes regrettent que l’Etat n’ouvre pas la protection du grand hamster à tout le territoire. A leur avis, il faudrait qu’il soit toléré au-delà des communes actuelles.

Atteindre les 1500 individus permettrait à la France de répondre à l’objectif imposé par l’Europe. 1500 étant le nombre estimé nécessaire à la survie de l’espèce. « Mais » précise le directeur d’Alsace Nature, Stéphane Giraud, « il faudrait que les 1500 individus vivent dans une même zone, en interaction entre eux, et non pas séparés comme actuellement en trois sous-populations, qui ne sont pas connectées entre elles. Cela montre toute l’ampleur du travail qui reste à mener. » 

Maurice Wintz, pose la question : »Est-ce qu’on fait en sorte que les hamsters soient en mesure de se reproduire naturellement ou est-ce qu’on se limite aux lâchers ? »

L’idéal serait que les hamsters puissent vivre sur tout leur territoire historique et s’approcher au maximum de leur fonctionnement naturel. Engager des mesures favorables sur un territoire plus vaste constituerait une dynamique positive pour la biodiversité, favorable également aux autres espèces. Le Grand Hamster est en effet une espèce dite « parapluie » : sa bonne ou mauvaise santé reflète la situation des autres espèces évoluant dans le même habitat naturel.

 

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