France Nature Environnement a envoyé sa contribution à la consultation publique concernant les  « projets de décret et d’arrêté relatifs aux mesures de protection des personnes lors de l’utilisation de produits phytopharmaceutiques ».

Nous vous invitons à participer également à cette consultation en ligne jusqu’au 11 mardi janvier 2022 inclus.

Contexte

Le Conseil d’Etat a demandé au Gouvernement, dans une décision de juin 2021, de modifier et compléter, dans un délai de 6 mois, ses textes visant à protéger les utilisateurs de pesticides ainsi que les riverains des zones concernées.

Il s’agissait des texte suivants :

  • La loi du 30 octobre 2018 pour l’équilibre des relations commerciales dans le secteur agricole et alimentaire et une alimentation saine, durable et accessible à tous (EGALIM) qui a introduit des dispositions spécifiques pour la protection des riverains lors de l’application des produits phytopharmaceutiques, applicables depuis le 1er janvier 2020. Elles reposent sur le dialogue local et sur l’élaboration de chartes d’engagement par les utilisateurs.
  • Le décret n° 2019-1500 du 27 décembre 2019 relatif aux mesures de protection des personnes lors de l’utilisation de produits phytopharmaceutiques à proximité des zones d’habitation, et l’arrêté du 27 décembre 2019 relatifs aux mesures de protection des personnes lors de l’utilisation de produits phytopharmaceutiques, qui précisent les modalités d’application de la loi du 30 octobre 2018.

Un décret et des arrêtés modificatifs ont donc été rédigés et font l’objet de cette consultation.

« Le projet de décret établit une nouvelle procédure d’élaboration et d’approbation des chartes d’engagement des utilisateurs, afin que la consultation du public sur le projet de charte s’effectue conformément aux dispositions de l’article L. 123-19-1 du code de l’environnement. De plus, il prévoit que les chartes devront nécessairement préciser les modalités d’information des résidents et des personnes présentes préalablement à l’utilisation des produits phytopharmaceutiques.

Le projet d’arrêté étend aux personnes travaillant à proximité des zones traitées les dispositions en place pour la protection des personnes résidant à proximité de ces zones. »

Lien pour participer à la consultation : https://agriculture.gouv.fr/consultation-publique-projets-de-decret-et-darrete-relatifs-aux-mesures-de-protection-des-personnes

 

Si les annonces présentant ces projets semblent aller dans le bon sens, notre fédération nationale estime que ces projets de textes sont largement insuffisants et ne répondent pas à l’injonction du Conseil d’Etat.

 

Contribution de France Nature Environnement
Le vendredi 7 janvier 2022,


Les deux projets présentés en enquête publique font suite à l’injonction prononcée par le Conseil d’État par son arrêt n°437815 du 26 juillet 2021 de compléter des textes jugés insuffisants pour assurer la protection de la santé des riverains des terrains faisant l’objet de traitements phytopharmaceutiques.


Force est de constater que ces deux projets ne respectent pas l’injonction en question, achevant d’illustrer le refus obstiné du gouvernement actuel d’avancer sur la problématique des pesticides, en dépit d’un affichage faussement volontariste.


1. FNE reste fermement opposée à l’élaboration de chartes départementales

Ces chartes élaborées au sein de chaque département engendrent une application différente de la législation sur des territoires qui ne se justifie pas. Il importe que les règles soient établies au niveau national de façon à ne pas favoriser les distorsions de concurrences, les situations différentes pour un même agriculteur qui possède des terres sur plusieurs départements, mais également pour les riverains, nos associations etc…

C’est pourquoi FNE propose la mise en place d’une règlementation nationale avec la mise en place de mesures de protection obligatoires, définies par le Gouvernement dans le cadre d’une concertation impliquant notamment les associations de protection de l’environnement. Des chartes infranationales pourront être établies à la seule condition d’aller audelà de la réglementation, sans mécanisme de régression des Zones de Non Traitement (ZNT).


2. Etablissement des distances de protection pour les CMR 2
(Cancérogène Mutagène Reprotoxique de catégorie 2)

Le relèvement des ZNT pour les produits contenant des CMR2, soit 40% des tonnages de pesticides utilisés, est absent des textes, alors même que le Conseil d’État a enjoint au gouvernement de prendre des mesures en ce sens dans les 6 mois. Par la carence des projets présentés, le gouvernement ignore donc volontairement l’injonction qui lui est imposée, exposant les nouveaux textes adoptés à de nouvelles annulations inévitables. Pour rappel, dans son avis du 14 juin 2019, l’Anses recommandait qu’« afin de limiter l’exposition des résidents pendant ou après application par pulvérisation, la mise en place de distances de sécurité par rapport aux bâtiments occupés et aux parties non bâties contiguës à ces bâtiments, est recommandée. Elles devraient être au moins égales aux distances introduites » (évaluation infaisable selon l’ANSES, page 3 de ce même rapport). Au nom du principe de précaution que l’Etat a l’obligation d’appliquer et par respect de l’arrêté précité du 26 juillet 2021, FNE demande à ce que les textes précisent que les ZNT pour les CMR2 ne soient pas en deçà de 10m.



3. Modalités de prévenance des riverains

L’arrêt du Conseil d’État du 26 juillet 2021 enjoint également à l’État de prévoir, via les chartes d’engagement, des modalités d’information des riverains. Il s’agit là d’une mesure essentielle, d’une part pour donner la possibilité aux riverains de s’adapter le cas échéant aux traitements prévus afin de préserver leur santé, d’autre part pour améliorer le dialogue entre utilisateurs et riverains. FNE tient à rappeler à l’attention des autorités publiques que le projet d’arrêté présenté le 27 juin 2019 mentionnait le respect d’un délai préalable minimal d’information des personnes de 12h, délai d’information qui prend tout son sens pour toute précaution individuelle et volontaire supplémentaire des riverains ; ce délai est absent des textes mis en consultation, qui se contente de prévoir l’obligation pour les chartes de prévoir des modalités d’information des riverains, sans le moindre cadrage. Nous demandons à ce que cette précision réapparaisse dans l’arrêté. Cette exigence d’information quelques heures avant traitement est d’ailleurs déjà réalisée par des agriculteurs. La charte d’engagement départementale de la Gironde mentionne même un délai de prévenance de 8h avant les traitements par des moyens appropriés (SMS, mails). C’est dans cette démarche que sont par exemple engagés les Châteaux Reverdi, Clarke, Liouner, Mayne Lalande, Fourcas Borie, Vignobles Jander qui communiquent directement aux habitants leurs dates de traitement.

La nature des produits épandus constitue également une information importante qu’il est nécessaire de porter à la connaissance des riverains. L’absence totale de cadrage par le projet de décret aboutira inévitablement à une grande hétérogénéité des modalités d’information prévues entre les différents départements, hétérogénéité que rien ne justifie et qui place les riverains des terrains traités dans une inégalité de traitement sur une question pourtant essentielle de santé publique.

 

PARTICIPER A LA CONSULTATION