Alsace Nature se réjouit du jugement de la Cour de Justice de l’Union Européenne qui met fin à ces dérogations répétées accordées par les Etats membres et permettant, malgré l’interdiction générale des néonicotinoïdes en agriculture, le maintien de leur usage pour l’enrobage des semences de betteraves. La deuxième bonne nouvelle est que le gouvernement français se soumet, enfin, au droit. Cela évite une nième bataille juridique que le gouvernement n’aurait pas pu gagner. Cet évènement va dans le sens de l’histoire qui aujourd’hui conduit à l’interdiction des pesticides les plus dangereux, un à un, mais avec une lenteur désespérante.

Pour Alsace Nature,  il faut rapidement sortir des pesticides de synthèse et pour ce faire, soutenir massivement l’agriculture biologique qui ouvre la voie, et acheter bio. Il ne faut surtout pas remplacer les néonicotinoïdes par d’autres insecticides. Contrairement à l’agriculture biologique le label HVE (soi-disant Haute Valeur Environnementale) n’interdit pas les pesticides de synthèse et dépasse à peine les contraintes règlementaires basiques. Il ne mérite pas notre soutien.

Alsace Nature a montré dans sa brochure sur les pesticides (et ça vaut la peine de la relire) à quel point l’information officielle sur les dangers des pesticides est en-dessous des réalités, et comment les procédures d’autorisation reposent au fond sur de véritables escroqueries intellectuelles. Ces procédures complexes sont des usines à gaz qui pourtant n’arrivent jamais à cerner l’ensemble des effets sur la diversité des innombrables espèces impactées, des stades de leur cycle de vie (adulte, larves, œufs…), leur système nerveux, leur comportement, etc. Les effets cocktail (mélanges de substances toxiques) sont inconnus. L’effondrement des populations d’insectes, des oiseaux et de la faune aquatique est la conséquence de ces escroqueries et d’un faire-semblant scientifique.

Alors comment faire, en l’occurrence pour le cas des betteraves menacées par une maladie nommée jaunisse, transmise par des pucerons, avec un impact à vrai dire très variable sur les rendements, selon les conditions météorologiques et locales ?  D’une part il est avéré qu’il faut une combinaison de réponses techniques, plantes accompagnatrices, substances non préoccupantes, organismes auxiliaires, rotations longues, variétés résistantes… Or, ce n’est le jour où l’interdiction est ferme et irrévocable que les filières, en premier lieu l’Institut Technique de la Betterave, se mettent à rechercher sérieusement les alternatives. Un programme de recherche récent, sur 3 ans, n’est pas achevé ! Quant aux néonicotinoïdes, les alternatives auraient dû être développées depuis des décennies ; le drame pour la biodiversité était suffisamment bien connu et prévisible. Or, les lobbies agrochimiques et productivistes ne cherchent qu’à repousser l’abandon de leur solution de facilité préférée, à savoir cet enrobage des semences hautement toxique qui empoisonne les sols et contamine toutes les parties des cultures suivantes, pour plusieurs années.

Aussi faut-il rappeler que la betterave est avant tout une affaire de business, de concurrence entre sucreries après suppression des quotas, d’export de sucre[1] et d’épicerie sucrée, de biocarburants et autres produits industriels. La course aux biocarburants, très contestable, est une spécialité du Grand Est.

Nous demandons à la profession agricole de bien vouloir comprendre et accepter que les pollinisateurs et autres éléments de la microfaune, les écosystèmes, le vivant en général et les générations futures, sont plus importants et méritent une priorité plus élevée dans la hiérarchie des valeurs que le rendement des betteraves. Le cadre économique d’une activité agricole ou autre se construit par la volonté politique et peut être changé. La toxicité des pesticides et leur impact relève de lois biologiques, naturelles, immuables ; on ne les change pas, il faut en tirer les conséquences.

 

[1]https://www.franceagrimer.fr/content/download/66963/document/20210625-COMPETITIVITE_CAHIER_SUCRE.pdf

page 215 : L’évolution des indicateurs offre/demande depuis 2004 traduit la vocation exportatrice de la
filière sucre française. L’indicateur d’auto-approvisionnement est toujours supérieur à 100 % malgré la chute observée en 2007 (131 %) alors que cet indicateur se situait à 192 % en 2006. Une progression significative est enregistrée depuis, avec le retour de cet indicateur aux
niveaux du début des années 2000 (200 % en 2018). En corollaire, l’indicateur de dépendance aux importations régresse tout au long de la période pour s’établir à 35 % en 2020. De la même manière, on note le progrès de la capacité d’exportation à plus de 50 % et un taux de
couverture de la consommation par la production nationale qui progresse par paliers vers un plus haut de 72 % en 2020.

 

 

REVUE DE PRESSE

BFMTV Alsace, le 25/01/23 : https://www.bfmtv.com/alsace/replay-emissions/bonsoir-l-alsace/interdiction-des-neonicotinoides-pour-les-betteraves-une-excellente-nouvelle-selon-alsace-nature_VN-202301250645.html

DNA, le 25/01/23 : https://www.dna.fr/economie/2023/01/25/neonicotinoides-et-betteraves-des-impacts-mesures-en-alsace

DNA, le 23/01/23 : https://www.dna.fr/economie/2023/01/23/la-france-renonce-a-autoriser-les-neonicotinoides-pour-les-semences-de-betterave