[Découverte de la semaine] Le Branchipe de Grube (Eubranchipus grubii)

[Découverte de la semaine] Le Branchipe de Grube (Eubranchipus grubii)

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Dans la famille des drôles d’animaux, voici Eubranchipus grubii, ou Le Branchipe de Grube ! C’est typiquement le genre de rareté que l’on ne croise pas souvent, à moins de regarder à la loupe dans une mare temporaire au milieu d’une forêt de feuillus ou d’avoir un ami aquariophile qui collectionne les petits crustacés d’eau douce. Si vous connaissez les triops, ils font partie de la même classe.

Tout petit, E.grubii mesure de 12 à 33 mm et nage sur le dos ! Il n’a pas de carapace, possède deux yeux, onze paires de pattes et la femelle se reconnait à son sac contenant les œufs en maturation. C’est un Branchiopode. Ce qui veut dire que ce sont ses pattes, qui lui servent autant à nager qu’à respirer, comme les branchies des poissons ! Elles servent aussi à filtrer l’eau et à ramener le plancton à sa bouche. Si la filtration est son mode principal d’alimentation, il est aussi capable de grignoter des têtards morts, des œufs d’amphibiens, etc.

Elle nage sur de dos

Elle nage sur de dos

E.grubii vit sur terre depuis près de 500 millions d’années. Il est actuellement présent en Europe centrale et septentrionale ainsi qu’au nord de l’Asie. On peut le retrouver en Alsace et en Lorraine. Il y est considéré comme une espèce « quasi menacée ». Ce qui veut dire qu’il est proche du seuil des espèces vulnérables, selon les critères d’évaluation de l’union internationale pour la conservation de la nature (UICN). En Alsace, la première observation de ce petit animal eut lieu en 1930 entre Meistratzheim et Valff. Aujourd’hui, l’espèce est répertoriée dans plusd’une quinzaine de sites, essentiellement dans le Bas-Rhin. La flaque d’eau sur la photo se trouve dans le Ried Nord. Elle est connue pour abriter E.grubii depuis plus d’un demi-siècle !
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Sa tête avec les deux antennes et un de ses deux yeux.

Il est typique des mares de sous-bois, alimentées par l’affleurement de la nappe phréatique et dont le fond est recouvert de feuilles mortes. Le milieu doit être régulièrement mis en eau. Mais pas nécessairement tous les ans. En effet, dans le fond d‘une mare asséchée, les œufs attendent, parfois pendant des années, leur éclosion. Comme des graines, ils résistent au gel et à la sécheresse. L’éclosion est synchronisée à la fin de l’hiver. Sous la glace, la hausse du taux de CO2 présent dans l’eau déclenche la naissance des larves. Elles auront alors tout l’hiver puis le printemps pour évoluer, effectuer 40 mues, devenir adultes et s’accoupler. La femelle pond ensuite une dizaine « d’œufs de résistance » qui tombent au fond de l’eau. Les adultes mourront à la fin du printemps, car la mare finira par s’assécher ou devenir trop chaude pour eux. Les œufs, parfois dispersés par le vent ou les oiseaux, attendront le retour de l’hiver, de l’eau, de la glace et du CO2. Et le cycle se poursuit.
Le sac contenant les œufs en maturation.

Le sac contenant les œufs en maturation.

Les substances chimiques, comme les nitrates, ou un plancton trop rare nuisent à sa survie. En Alsace, les sites forestiers ne semblent pas particulièrement menacés, mais les populations actuelles devront être surveillées, notamment à cause du changement climatique. En effet, les œufs ont besoin d’une période de gel pour arriver à maturité. Alors, là où le gel aura déserté les mares, on ne verra plus éclore le petit Branchipe de Grube.

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Crédit photo : Jean-François Cart

Sources :
– ODONAT – livre rouge des espèces menacées en Alsace
– UICN – International Union for Conservation of Nature
– faune-alsace.org
– doris.ffessm

[Découverte de la semaine] Le Chat forestier d’Europe

[Découverte de la semaine] Le Chat forestier d’Europe

Michael Gäbler

Cette semaine, parlons d’une espèce qui ne se laisse pas facilement observer ! Le Chat forestier d’Europe ! 😻 Extrêmement farouche, il évite au maximum de s’approcher des humains. Ce qui le rend très difficile à observer. Ce chat ne doit pas être confondu avec les chats errants, car ce n’est pas un chat domestique qui serait retourné à l’état sauvage. Il est généralement plus grand et plus lourd que ces derniers. Il pèse en moyenne 5 kg et peut en atteindre 8 pour une longueur comprise entre 50 et 65 cm, plus une queue de 30 cm. Le chat forestier fait malgré tout partie de la même espèce que notre chat d’appartement, car ils sont capables de se reproduire ensemble. La seule technique de différentiation fiable est d’effectuer une analyse des variations génétiques.

Anciennement nommé chat sauvage, il vit en solitaire, caché dans la forêt et part chasser les rongeurs dans les prairies. Ce prédateur, aux mœurs principalement nocturnes, veille sur un territoire de taille variable, compris entre 9 et 1300 ha, en fonction de son sexe, son âge, de la structure du paysage et de la nourriture disponible. À l’aide de ses griffes, il marque les limites de son espace sur les troncs d’arbre à l’écorce fibreuse. L’écorce est lacérée sur une hauteur de 30 à 40 cm et s’effiloche au fil du temps, car il revient régulièrement au même endroit. En observant bien au pied de l’arbre marqué, on peut y trouver des morceaux de griffes !

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Il est aujourd’hui présent sur la majeure partie de l’Alsace. Des régions boisées de plaines jusqu’aux basses et moyennes montagnes des Vosges et du Jura alsacien en passant par les collines du Sundgau, le piémont vosgien et l’Alsace Bossue. Cette dynamique positive est due à son classement en catégorie protégée dite de « Préoccupation mineure ». Notons que le lynx et de chat forestier sont les deux seuls félins sauvages présents en France et sont protégés tous les deux.

En Alsace, sa présence est très ancienne et l’espèce semblait encore répandue et abondante il y a un siècle. L’espèce a ensuite fortement régressé à cause de la chasse et du piégeage. C’est à partir de 1981 qu’il a pu réinvestir les territoires désertés, grâce à un arrêté ministériel qui lui offre une protection dans toute la France. Aujourd’hui, les menaces qui pèsent encore sur son espèce concerne la mortalité routière, la destruction des prairies à cause de l’intensification agricole et son hybridation avec les chats domestiques.

 
Alena Houšková

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Crédit photo : Thierry Spenlehauer – Alena Houšková – Michael Gäbler
Sources : – livre rouge des espèces menacées en Alsace, ODONAT
– UICN
– ONCF

 
 

[Découverte de la semaine] Le Grand Tétras (Tetrao urogallus)

[Découverte de la semaine] Le Grand Tétras (Tetrao urogallus)

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Voici le Grand Tétras ou Coq de Bruyère ! 💡  Ce gallinacé sédentaire vit dans les forêts de conifères purs ou mélangés de feuillus. Il est exigeant. Pour l’accueillir, la forêt se doit d’être clairsemée et pourvue de vieux arbres de plus de 120 ans. Dans le massif Vosgien, on le retrouve dans les vieilles futaies composées de 50 à 70 % de sapins ou de pins, dont le sous-bois foisonne de myrtilles. Que mange-t-il ? Essentiellement végétarien, il mange des bourgeons, des baies, des feuilles et éventuellement des coléoptères et quelques fourmis. L’hiver, il se nourrit d’aiguilles de sapins et de pins. Pour mieux digérer, il ira jusqu’à avaler du gravier.

Aimant se tenir loin des hommes, il affectionne les forêts de plusieurs milliers d’hectares et celles qui ne sont pas perturbées par nos activités. Comme la sylviculture et les pratiques hors-piste, les randonnées en raquettes, ou le ski de fond. Et pour cause, à la fin de l’hiver, les grands coqs convergent vers une « place de chant » pour se mesurer chaque matin aux autres mâles et y retrouver les femelles. Ces arènes, du combat et de l’amour, demeurent le plus souvent au même endroit durant des années ! Très attentifs, ils connaissent par cœur les moindres recoins de leur territoire. S’ils remarquent que quelque chose n’est pas à sa place ou si leur place de chant est désorganisée, ils se dispersent. Le désordre et la confusion causés par une présence humaine suffisent alors aux Tétras pour déserter le lieu de la reproduction et faire capoter la saison des amours !

Historiquement présent du sud du massif jusqu’au Vosges du Nord et dans la forêt de la Haguenau, le Coq de bruyère se cantonne aujourd’hui aux derniers îlots de forêt vosgienne qui bénéficient d’une grande quiétude. En 2010, les effectifs sont estimés à 140 oiseaux adultes sur l’ensemble du massif. Aujourd’hui, l’espèce est en « Danger Critique » de disparition sur la liste rouge régionale. On n’en compte plus qu’une centaine. Imaginez, ils étaient plus d’un millier dans nos montagnes il y a seulement 80 ans !

En janvier dernier, l’Office National des Forêts (ONF), qui gère 75 % de la surface forestière d’Alsace, a renouvelé son partenariat avec le Groupe Tétras Vosges afin de protéger le bel oiseau. Jusque dans les années 70, la réduction de sa population était principalement causée par la destruction de son habitat, les arbres anciens et les clairières. Maintenant, c’est véritablement l’absence de tranquillité qui pourrait lui être fatale. L’hiver, lorsque la nourriture devient trop rare, le Tétras dépense plus d’énergie qu’il ne peut en acquérir en mangeant des aiguilles de conifères. Il économise alors les ressources mises de côté durant l’été en faisant le moins de mouvement possible. Or, il s’envole lorsqu’un promeneur en raquettes ou un skieur de fond passe près de lui. Et si cela se reproduit trop souvent, l’animal arrive largement affaibli à la période de reproduction.

Coup de grâce pour le Tétras, le nourrissage hivernal des sangliers fait grandir leurs hardes. Ces derniers, en trop grand nombre, dérangent le Coq et mangent les œufs pondus au sol par la poule. Pour y remédier, l’ONF compte agir pour interdire le nourrissage au-dessus de 800m d’altitude et canaliser le public hors des zones d’habitation du Grand Tétras. Samuel Audinot, président du Groupe Tétras Vosges, est optimiste : « On espère que tout ce travail permettra de maintenir, voire augmenter leur population, la situation n’est pas désespérée ! »

Pour entendre le chant du bel oiseau et tout savoir sur lui 
– https://www.youtube.com/watch?v=uEj8O7KR5u0
– https://inpn.mnhn.fr/docs/cahab/fiches/Grand-tetras.pdf

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Crédit photo : Jari Peltomäki et Michel Munier
Sources : – ODONAT (Livre rouge des espèces menacées en Alsace)
– groupe-tetras-vosges.org
– salamandre.net
– lalsace.fr

Retour sur les Activ’été 2018

Retour sur les Activ’été 2018

Le 1er juillet dernier 132 coureurs dont 27 enfants et près d’une vingtaine d’associations et autant de bénévoles du groupe jeunes d’Alsace Nature se sont réunis au CINE de Bussierre pour les Activ’été 2018. Depuis l’édition 2017, le festival a grandi s’est enrichi. Cette journée, dédiée au sport en pleine nature et à la sensibilisation aux causes environnementales, s’est déroulée dans une ambiance familiale et décalée. 

Pedro, le speaker survolté, a su changer de d’uniformes pour chaque course ! Déguisé en minion pour les enfants, il a su faire face à un faux départ et relancer la course de 1 km pour les parents et leurs enfants. Déguisé en touriste hawaïen, il a ensuite animé l’échauffement des coureurs du 5 km puis en entraîneur de foot allemand pour la course des 11 km. Bien échauffés, quelques coureurs se sont néanmoins égarés dans la forêt de la Robertsau.

Valentin Sprauel ne s’est pas perdu et rafle tout, il remporte la course de 5 km puis de 11 km. Et comme si ça ne suffisait pas, il remporte un prix au tirage au sort des dossards et le remet en jeu. Le tirage a d’ailleurs été réalisé par les enfants qui ont couru. Un podium peu conventionnel attendait les vainqueurs. En effet, lors de son assemblage, un bénévole en a traversé le plancher et les autres marches étaient toutes aussi fragiles. Nous avons donc décidé de mettre les coureurs dans des boîtes en renversant les cagettes.
Autre surprise, le groupe du musique présent lors de l’évènement s’est uni à la démonstration de capoeira et à leurs musiciens de manière spontanée pour nous offrir une initiation enjouée.

Le classement des coureurs :

Les chiffres en bref :

– Nous avons accueilli, 132 coureurs, soit 45 de plus que l’an dernier, dont 27 enfants !
– Environ 2000 € de cadeaux ont été distribués grâce à nos partenaires.
– 30 litres de bière, 40 de jus de pomme et de citronnade et 15 litres de pâte à crêpes ont été engloutis…
– Tous comptes faits, grâce aux inscriptions des courses, aux ateliers et à la vente de boissons et de crêpes, et aux dons, cette journée aura permis de récolter environ 700 € pour la protection de la nature en Alsace ! Merci encore à vous tous d’avoir couru et participé aux ateliers.

Merci aux bénévoles d’avoir consacré autant de temps à l’organisation de cette journée.
Merci à toutes les associations et à Pedro et qui ont mis l’ambiance toute la journée et enfin, merci à tous les partenaires qui ont offert les lots avec lesquels vous êtes repartis ! ?

Les Activ’été en images :

Voici les albums photos complets des courses de 5 et de 11 km:

[Découverte de la semaine] La Loche d'étang (Misgurnus fossilis)

[Découverte de la semaine] La Loche d'étang (Misgurnus fossilis)

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La loche d’étang, nommée « Misgurnus fossilis » et décrite par Linné en 1758, est un petit poisson serpentiforme qui vît dans les eaux calmes et peu profondes des étangs, des mares, des fossés et des rivières à cours lent avec un développement important de végétation aquatique. Elle affectionne particulièrement les fonds recouverts de vases très organiques dans lesquelles elle est enfouie durant la journée et la période froide. La loche d’étang ne sort que la nuit. Le jour, elle reste enfouie dans la vase. Elle s’agite considérablement lorsque la pression atmosphérique baisse, ce qui explique son surnom : le « poisson du temps ». Il peut coloniser de nouveaux sites grâce aux crues qui créent des ponts éphémères entre les milieux.
La découverte d’une population de Loche d’étang est souvent le fruit du hasard. Ce petit poisson discret et peu recherché peut passer inaperçu et la connaissance de sa répartition est bien souvent partielle. Plusieurs bassins de présence de l’espèce ont été répertoriés, principalement dans les cours d’eau du delta de la Sauer, du cours inférieur de la Moder, de la forêt de la Robertsau, de la Schernetz et du bassin de l’Ill. Aujourd’hui, une seule population est connue en Alsace. Elle a été découverte au nord de Strasbourg, dans un ancien bras du Rhin déconnecté, ce qui a motivé une campagne de recherche, sans pour autant permettre la découverte de nouveaux bassins de présence.
Fait étonnant, elle peut survivre dans une eau dénuée d’oxygène. La Loche d’étang, tout comme celle des rivières, remonte alors à la surface et avale littéralement de l’air afin d’en absorber l’oxygène par l’intestin. Ce poisson produit donc des bulles, car l’air ressort ensuite par son anus. Près de 50 % de l’oxygène de l’air qu’il avale passe ainsi dans son sang. Pour comparaison seuls 24 % du dioxygène contenu dans l’air est absorbé par nos poumons. Des observations attestent aussi de sa survie dans les boues humides d’une mare asséchée. Lorsque l’étang se dessèche, elle se loge dans un tube en forme de « U » et tombe dans un état léthargique, durant lequel toutes les fonctions vitales sont réduites au minimum en attendant le retour de l’eau. Elle peut ainsi survivre à une année entière d’assèchement !
La raréfaction de cette espèce en France, inscrite comme « en danger » sur la Liste Rouge nationale, est due à la suppression ou à l’artificialisation, vers le milieu de XXe siècle, des milieux aquatiques favorables à sa survie. Sur les 96 départements de la France métropolitaine, seuls 14 accueillent le poisson du temps. Cette espèce a déjà disparu d’une dizaine de départements, de la Vendée, de Charente ou encore du Var, du Vaucluse et de la Saône-et-Loire. L’assèchement des marais et la pollution des étangs l’ont fait disparaître de régions entières. Sa quasi-disparition en Alsace, où elle est considérée comme « en danger critique », est liée aux déconnexions des bras par la canalisation du Rhin, au curage des fossés et à la pollution des sédiments.
Les mesures favorables à sa conservation résident dans la protection du dernier bassin de présence connu et la restauration de bras et annexes hydrauliques en aval du cours d’eau. Une recolonisation naturelle étant peu probable, des opérations de réintroduction pourraient être envisagées dans ces milieux restaurés.
 
Crédit photo: Jelger Herder
Sources :
– livre rouge des espèces menacées en Alsace – ODONAT –
– IPNP 2017
– pnr-foret-orient.fr