L'écho du terriers juin 2014 : le solstice d'été

L'écho du terriers juin 2014 : le solstice d'été

Au dessus de nos têtes, sous l’impulsion de la vie, les planètes tracent dans le ciel un étrange ballet, une précieuse danse. Fait de spirales entrelacées, cet ondoiement des astres qui engendre la ronde des saisons descend caresser et modeler silencieusement à travers l’atmosphère les frissonnants tissus végétaux qui nous entourent et s’y enroulent.

La terre vient, il y a six jours, dans le rythme de ses respirations quotidiennes, de nous faire basculer du temps des semailles au temps des moissons. Les fruits de la terre sont un don céleste mais cela, nous ne savons le percevoir.
Voici nos premières récoltes : tilleuls, groseilles, cerises…

C’était il y a moins d’une semaine, le solstice d’été.

Bien loin et apparemment insensibles à cette musicalité là. Electrisés la veille par la victoire enivrante de bleus métissés bruns-noirs qui jouaient en blanc contre des rouges au t shirt incolore puisque neutres parce que suisses ( le score était de 5-2 ! ) les français ont majoritairement rejoints l’étourdissant carnaval festicolor de tons et de sons du 21 juin. Le tohu-bohu intronisé en 82 par le sulfureux Jacques Lang alors ministre de la culture d’un l’électorat à « mass-médiatiser » quel qu’en soit le coût : la fête de la musique !

Aux pim pam boums et autres taratatams bling-bling, nous préférons, ici, au Meyersbuhl, vous vous en doutez, les bzzz, cri-cri, puiii-puiii, tiou-tiou, de nos abeilles, de nos criquets, de nos oiseaux, de nos crapauds : un chant quelque peu évolutionnaire, celui de la liberté désentravée !

Le solstice d’été est, quelques uns parmi vous le savent, les autres l’ignorent, la nuit la plus courte de l’année soit le jour le plus long*, l’une des 4 dates ponctuant le primitif calendrier du grand livre de la création !

*Eh non ! Le jour le plus long n’est pas le D. DAY du 06 juin 44 !!

Comment repérer concrètement ces 4 dates ?

Voici l’occasion d’inviter, chers séniors, vos cadets et vos juniors, à un atelier pratique :

Construisons ensemble, si vous le voulez bien, 1 cadran solaire rudimentaire pour le jardin !
1 pieu en terre fiché, 4 jours clés va vous donner !

Les 2 jours de l’année où aucune ombre ne se projettera au sol quand le soleil sera à son zénith définiront les équinoxes.

Équinoxe de Mars, début du printemps, entre le 19 et 21.
Équinoxe de septembre, début de l’automne entre le 22 et 23.
S’ensuivra le solstice du 21 décembre, début de l’hiver, jour de l’année où l’ombre au sol sera la plus longue (les jours rallongent !).
L’on reconnaîtra le début de l’été, le solstice du 21 juin, à cela : l’ombre sera la plus courte !

Depuis la nuit des temps l’humain sembla fêter ce jour, il le fit parfois voir bien souvent d’une étrange façon comme le confirme les deux exemples rapportés ci dessous !
Vous en apprécierez l’intelligente supériorité…

En lisant les commentaires de César, nous découvrons qu’ au 2ème siècle avant JC, les celtes célébraient le « renouveau des bois de cerfs » en boutant le feu a des cages d’osier grillant au passage quelques captifs puisque du nombre de victimes dépendait la fertilité des récoltes à venir !
… bellissime n’est ce pas ?

Une pièce comptable de la ville de Paris datée de 1573 nous relate la dépense suivante : « A Lucas Fommereux, commissaire des quais, cents sols pour avoir fourni durant 3 années tous les chats qu’il fallait au dit feu, comme de coutume… »
24 chats diabolisés et immolés remplaçaient en effet à cette époque les infortunés prisonniers de nos ancêtres post-gaulois…
… saisissant en vérité…

Aujourd’hui, si l’on danse encore dans quelques villages autour des bûches, plus rien, bien heureusement, ne semble griller ors peut être quelques insectes imprudents, une brochette de marshmallows, le bas des jupons frivoles et la plante des pieds des intrépides qui s’essaient pour épater les filles au saut rituel des flammes, mais cela est une autre histoire !!!

Je clos ma missive, retourne à l’ouvrage, vous promettant d’être plus bavard en juillet et vous laisse sur ces deux de ces « images » qui ont ravi en ce beau mois de juin mes rétines, mes pupilles !

1er cliché, celui de Maman hérisson déménageant sa progéniture. Elle avait choisi au printemps l’annexe de notre cuisine pour mettre au monde ses petits !!! Les quatre marmots couverts de leurs bonnets à piquants sont à présent a priori assez grands pour affronter les dangers et les périls environnants.
Comme le dirait le chroniqueur de Thalassa : « Bons vents » !!!

2nd cliché, celui d’un grand dix-cors ! Il vient régulièrement et majestueusement brouter près de la maison. Sympa !

Echo des terriers Mai 2014 – Spécial Dimitri, mon lézard des souches !

Echo des terriers Mai 2014 – Spécial Dimitri, mon lézard des souches !

Bonjour à tous !
Je vais vous emmener aujourd’hui au royaume de mon copain Dimitri, celui des lézards !
Tout d’abord, permettez moi ce petit tour auprès des hors concours.
Le plus grand. (Et le plus dangereux !)
C’est le Dragon de Komodo. Avec ses 3 m de long, ses 70 kg, ses 60 dents de 2 cm, ce Goliath venimeux, qui se sert de sa queue comme d’un gourdin, peut expédier au tapis les proies les plus volumineuses. Bien que charognard, s’il vivait près de chez nous, un civet de cerf, un pâté de sanglier, un feuilleté de chaperon rouge truffé aux morilles ne sauraient lui déplaire !
Je vous rassure de suite, ce monstre étant un insulaire confiné à l’Indonésie centrale, vous ne le croiserez point à Metzeral !
Le plus petit.
Il a un nom impossible à retenir. Le Sphaerodactylus ariasae est un geckonidé de la République Dominicaine. Sa taille adulte est de 16 millimètres pour un poids de 0.2 grammes !
Bref il est aussi long que la carte SIM de votre téléphone portable !
Le plus résistant au froid.
Il vit chez nous ! Aimant être les pieds dans l’eau, il affectionne la montagne et les terrains humides. Son aire de répartition s’étend jusqu’à la Scandinavie ! Amis randonneurs, le lézard vivipare est l’un des joyaux de la réserve naturelle du Frankenthal.
Sur le sol du Haut Rhin vivent quatre autres lézards plus communs : l’orvet, qui n’est pas un serpent mais un lézard sans pattes, nous ne le rappellerons jamais assez, le lézard vert, le lézard des murailles et le lézard des souches.
Le lézard vert se limite à la plaine et ses coteaux.
Le lézard des murailles est un inconditionnel des pierriers, murets, ruines et enrochements.
Nous allons nous intéresser pour cet « écho » au dernier de la liste, mon ami Dimitri, un lézard des souches, un habituel du jardin.
Dimitri s’est extirpé de sa retraite d’hiver courant Mars. Il hiverne pendant tout un semestre dans un abri hors gel, hors inondation, enfouie à plus de dix centimètres sous le sol. Il s’agit en règle générale d’une galerie de micro mammifère, rat, taupe ou campagnol.
L’hivernage, pour les reptiles, c’est six mois de vie quasi comateuse. Une léthargie ou la température interne descend à quelques degrés au dessus de zéro. L’on s’y contente de somnoler sans manger, bref, de rester en vie dans l’attente de jours meilleurs. Les reptiles sont des champions dans la matière. Une vipère péliade se prêtant à une étude prouva qu’un reptile peut s’abstenir de tout repas pendant toute une année entière !
Mesure de protection
Considéré en danger en Suisse, en extinction en Wallonie, en régression dans de nombreuses régions de France, le lézard agile (autre nom du lézard des souches) restait largement réparti en Alsace il y a encore quelques années. Il ne peux que rejoindre peu à peu les animaux mis en difficulté par la mauvaise gestion qu’ont les humains de l’espace naturel. Sapristi d’hommes !
Au niveau européen, Dimitri est protégé par l’annexe II de la convention de Berne et l’annexe IV de la Directive « habitat Faune et Flore » qui rejoignent les directives originelles de la genèse : l’homme en gestionnaire responsable est sensé sauvegarder le biotope mis à sa disposition ! Ce texte étant aussi appliqué que l’arrêté préfectoral interdisant l’élagage et la coupe de haies du 15 mars au 31 juillet pour cause de nidifications, permettez moi l’esquisse d’un sourire légèrement sarcastique.
A ce propos un message est envoyé en parallèle de ce courriel au responsable de l’équipe de sauvetage animalier du Service Départemental Incendie et Secours 68 afin qu’il relègue l’info auprès des chefs de corps des pompiers volontaires du Haut Rhin.
Opérons de concerts chers lecteurs, si vous voyez vos voisins sculpter à la scie électrique de buissonnants épineux, si vous voyez vos voisines rabioter à coups de Stihl 028 des rangées arbustives, si vous voyez lors de leurs manœuvres dominicales les soldats du feu locaux arroser gaiement au jet bâton haies et buissons, ne manquer pas de leur faire comprendre qu’ils sont, probablement, en train de shooter œufs, nids et oisillons de l’année…
Revenons à notre lézard du jour : l’ami Dimitri !
Au niveau mondial, Dimitri a fait son entrée sur la liste rouge des espèces menacées, level one, 1ère étape, statut peu préoccupant.
Au Vordermeyersbuhl, nous restons fidèle à notre mission de protection. Pascal  a créé plusieurs micro habitats spécifiquement adaptés. Celui mis en exemple ci dessous tient en moins de deux mètres carrés ! Si l’idée vous tente vous y trouverez tous les ingrédients pour réussir votre propre station d’accueil de lacerta angilis sans domicile fixe !
Si vous n’êtes pas encore véritablement engagé dans la protection nature je vous invite d’ailleurs à rejoindre le club très sélect’ des familles underground qui de façon libertaire partage un peu de leur espace en accueillant favorablement chez eux, la micro-faune sauvage.
Quelque soit la superficie de votre habitat, offrez vous le luxe d’une « réserve naturelle privée ».
Rejoignez nous !!!
Description adapté d’un logement pour lézard des souches
a) thermorégulation
Pour bénéficier de la présence du lézard des souches il vous faut tout d’abord comprendre la notion de thermorégulation et rayer l’idée qu’un lézard est un animal à sang froid qui se complaît à rôtir au soleil. Comme tous les reptiles, Dimitri a un besoin constant de réguler sa température en se mettant au frais lorsqu’il fait trop chaud et au chaud lorsqu’il fait trop frais. Son biotope idéal réunira deux types d’espaces : d’un côté, une plage d’ensoleillement, de l’autre, une station végétale offrant abri, fraîcheur et nourriture abondante.
La chair des lézards semblent très appréciées. Le spectre des prédateurs est très large : buses, étourneaux, corneilles, merles, poules, chats, fouines, hérissons… Blaireaux ! On se l’arrache !
Il va falloir pour survivre être suffisamment habile pour manger sans être mangé !
Il existe un stratagème pour s’échapper des dents ou du bec d’un prédateur, cela s’appelle « l’autotomie » !
b) autotomie
C’est la faculté de s’auto-amputer ! La plupart de nos lézards lorsqu’ils sont attaqués ont la possibilité d’utiliser un « Joker » ! Il s’agit d’abandonner la quasi totalité de leur queue pour faire diversion ! Pendant que le prédateur se rue sur le membre sectionné qui se tortille en tous sens, l’amputé, se glisse dans le refuge le plus proche. Ouf ! Handicapé, mais sauvé !
L’appendice caudal repoussera en partie moyennant une grande dépense d’énergie.
Cette extrémité du corps étant aussi utile dans les déplacement que le gouvernail l’est pour un bateau, tout lézard, ayant utilisé son « Joker » subira un handicap dans sa capacité d’esquive.
Inutile de scanner à votre Nouvel Animal de Compagnie une carte de « mobilité réduite », restez discret sur la perte d’autonomie de votre compagnon, n’attirez pas sur lui l’attention, votre matou ne manquerait pas de lui faire une courtoise visite !
L’autotomie, vous l’aurez deviné est une invention formidable à n’utiliser qu’avec modération !
Dimitri comme on le voit sur la photo ci dessous à déjà utilisé sa carte « chance » !
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c) la station refuge
L’éco-logis, donc, du lézard des souches comprend quatre éléments indispensables : une zone de repli en cas de danger, une cavité pour l’hivernage, un garde manger bien fourni et une plate forme pour la thermorégulation.
La photo suivante présente un compost grossier de branchages coincé entre trois bons gros cailloux de granit, ceinturé par trois consoudes de Russie, un carré foisonnant de mélisse et un plant bicolore très étalé de sauge.
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Au dessus de la sauge, un paillis recouvert d’un cadre vitré permet à Dimitri quand le fond de l’air est frais et nuageux de prendre des bains de chaleur sous serre (et donc sous protection). Ceci offre par ailleurs à Pascal de belles observations !
Un grand pot de terre sans fond enterré et rempli de sable est destiné aux œufs de Madame, ce sera la pouponnière. C’est la chaleur du soleil qui couvera ces œufs. L’incubation, selon les conditions météorologique durera entre un et trois mois. Les petits, copies conformes des adultes et autonomes dès la première heure, feront leur première sortie cet été. Ils pourront être plus d’une dizaine. Pascal espère ne pas louper le spectacle !
Nous n’en sommes pas encore là !
Mai saison des amours
Mai, c’est pour Dimitri la période des amours, il a mis sa plus belle redingote, une livrée verte pétante ornée d’une bande marron pointillée qui lui court telle une route sur le dos. Madame plus sobre, garde sa robe brune habituelle.
Un jeune rival a tenté plusieurs fois ces derniers jours des manœuvres d’approche !
Dimitri est un coriace peu loquace. Pas question pour lui de se faire damer le pion. Le jeune s’est à chaque fois fait débouté par des ruades sans sommations : terrain privé, chasse gardée !
Alimentation
Le lézard agile a besoin d’eau. Il lèche souvent la rosée ou les gouttes de pluie qui se déposent sur les herbes, les pierres ou les feuilles. Il y a quelques jours, le temps était si sec que lorsque Pascal arrosait ses plants, Dimitri accourait ! Une coupelle-abreuvoir vient d’être installée au pied d’une cardère des foulons. Nos tourtereaux pourront ainsi facilement s’abreuver.
Tout autour , le jardin offre un enchevêtrement de carrés cultivés et mulchés, des bandes florales et mellifères, quelques bouquets élancés de porteurs de semences : choux, navets, radis noirs, raiforts, salades, carottes.
Dimitri se nourrit d’araignées, de chenilles, de sauterelles, de criquets, quelques vers, quelques escargots, parfois un cloporte ou une fourmi.
Au contraire du troglodyte, de la musaraigne ou de la mésange bleue qui s’empiffrent comme des goinfres, le lézard est un piètre consommateur, son métabolisme fonctionnant au ralenti : ce n’est pas un animal à sang chaud.
Il n’avale que deux à quatre fois son poids annuellement, soit 20 à 40 grammes environ de chair fraîche. Il faut compter quatre à huit proies par jour pour les plus jeunes. Trois à six pour les plus âgés.
Le jardin offre largement de quoi subvenir à ses besoins journaliers !
En guise d’épilogue
Et en ce qui concerne le jardin, ai je besoin de vous le préciser… c’est bio, bien entendu !
Pesticides, désherbants, engrais chimiques n’y ont pas leur place !
Au grand bonheur des limaces cruel problème que n’arrive à résoudre ni la bière, ni la cendre, ni les crapauds !
Pascal va rajouter à l’arsenal du combattant pacifique les coquilles d’œufs, affaire à suivre.

Convoitant des légumes gros, très gros, car gros c’est beau, les jardiniers de l’après guerre ne sont pour la plupart guère partageurs : ils tyrannisent chimiquement depuis plus d’une quarantaine d’années toute espèce animale ou florale qui chercherait, opportuniste, à trop fraterniser. Leurs jardins productifs sont en vérité le plus souvent de vrais terrains de guerre où se déploie l’arsenal des Bayers, Monsanto, Syngenta, DuPont industries et autres créaticides !

A ne pas percevoir les conséquences de leurs actes, l’on peut se demander ce que tout ce beau monde souhaite léguer aux générations futures ? Des comptes en banque généreux ? Un passif sulfureux ? Une terre fertile, accueillante, paradisiaque ? Allez savoir !
Les enfants qui hériteront de la grande bleue risquent un triste matin de s’éveiller dans un désert, le grand musée que le Bon Dieu nous a si joliment créé ne sera plus…
Avec ce soucis constant de rabâcher sans relâche un discours pro-nature je vous laisse sur ce phrasé de Konrad Lorenz, grand éthologue devant l’éternel, déjà cité dans l’un de mes derniers échos :
« L’homme civilisé qui dévaste avec un vandalisme aveugle la nature vivante qui l’entoure et dont il tire sa subsistance, attire sur lui même la menace d’une ruine écologique. Lorsque les conséquences économiques de ce vandalisme commenceront à se faire sentir, l’homme reconnaîtra peut être son erreur, mais il est à craindre qu’il soit alors trop tard ».
 
Votre mustélidé dévoué,
fait à Sondernach le 01 mai 2014

Bambi n'est pas abandonné !

Bambi n'est pas abandonné !

Attention, voici le mois de MAI ! Chaque année, les promeneurs non avertis ramènent de leurs ballades, croyant bien faire, des faons qui leur semble abandonnés par leur mère.
Si vous trouvez un faon, seul, couché en rond dans les hautes herbes d’un pré ou les fourrés d’un fossé, sous des ronces en forêts, entre les troncs d’un taillis ou au beau milieu d’un tas de feuilles :
C’est normal ! Il ne faut surtout pas le RAMASSER !
EXPLICATIONS :
Les chevrettes (femelles du chevreuil) mettent au monde, entre début Mai et début Juin, les 2 petits qu’elles portent (Parfois 1, rarement 3).
Pendant les quinze premiers jours, chaque petit restera lové dans son « trou ». Prostré, il ne bougera pas, se laissera toucher, se laissera porter, semblera inerte et sa respiration pourra sembler haletante.
L’état d’abandon apparent n’est en fait qu’une technique de survie.
La maman qui n’est pas loin, généralement à moins de 200 m, revient six à dix fois dans la journée pour allaiter. Le deuxième faon, s’il y en a un, est à moins de 50 m.
Vous n’avez pas entendu la maman se planquer à votre approche et c’est normal !
Vous n’avez pas ses grandes oreilles ! Mais elle, elle vous a entendu venir, elle vous a senti !
Un violent coup de sabot au sol, un petit bellement très significatif ont fait savoir aux deux petits votre approche.
A présent, aussi invisible qu’un indien kawahira dans la jungle amazonienne, elle vous surveille et prie le ciel que vous passiez près de ses rejetons sans les voir. Ça marche dans plus de 80% des cas car chaque « bambi » a reçu à sa naissance une tenue de camouflage qu’il portera jusqu’à la fin de l’été, le fameux gilet brun sombre moucheté de points blanc-crème.
Si vous étiez un prédateur dangereux, elle aboierait peut être en détalant afin de vous emmener hors de portée de ses enfants. Vous êtes un humain. Elle attend. C’est la technique la plus appropriée.
Les deux bambins aussi figés que les statues de cire du musée Grévin, eux, font le « mort » !
Pendant les deux premières semaines de leur existence, les « bambis » n’émettent quasiment aucune odeur.
A moins d’ 1 mètre, même votre « Mirza », votre « Rambo », votre « Médor » ne saurait les renifler.
COMMENT ÊTRE UN SAUVETEUR RESPONSABLE ET EFFICACE ?

  • Regardez et partez le plus discrètement possible sans toucher le faon afin de ne laisser aucune odeur.
  • Vous l’avez touché ? Laissez le ! Contrairement aux idées reçues sa maman ne le rejettera pas. Elle le nettoiera de votre odeur, plus tard, quand vous serez parti.
  • Vous l’avez ramené chez vous et venez de lire ce message ? Ramenez le faon où vous l’avez trouvé, vous pouvez encore sauver ce petit et sa maman qui l’attend.

 
N’oubliez pas qu’elle porte dans son sein le lait qui, s’il n’est pas bu, peut engendrer une mammite (inflammation de la tétine pouvant parfois avoir des conséquences mortelles).
Soyez vous aussi un acteur de la saison 2014 !
Parlez en autour de vous…

L’écho des terriers de Jojo le blaireau – Mars 2013 – Le goumi !

L’écho des terriers de Jojo le blaireau – Mars 2013 – Le goumi !

Bonjour à tous !!!
De quelle création du bon Dieu cet écho des terriers va t’ il vous parler ?
Je m’en vais vous entretenir d’un végétal trop peu connu des jardiniers français qui régalera dans les années à venir, je l’espère, tous les blaireaux, renards, muscardins et autres mangeurs de baies vivant autour du meyersbuhl pour peu que les essais de multiplication en cours aboutissent !
Son nom scintille, mes amis, tel l’éclat du soleil sur l’acier poli du katana d’un shogun japonais manié par une aube opaline au pied du mont fuji : voici le« Natsu gumi » !
Ce nom qui flore bon le japon, nos amis nippons le donne à un « Elaeagnaceae» qui pousse, jusqu’à 1800 m de haut sous des températures de bac à surgelés.
Selon le professeur Hiboux le système racinaire des arbrisseaux de cette famille serait équipé de nodules qui fixent l’azote atmosphérique afin de produire des substances protéiques chose utile pour l’arbuste lorsqu’il s’agit de s’implanter dans une terre pauvre et très favorable pour les plantes du voisinage qui savent en tirer profit. Certains néo-jardiniers utilisent ce concept à des fins d’engrais vert (Le robinier faux acacia par exemple est un améliorant de sol sur une zone de 15 m à partir du tronc).
Le « Natsu gumi », revenons a lui, est présent au refuge LPO de Pascal et Viviane grâce à la rubrique « annonce » d’un vieux numéro de la revue « fruits et abeilles ». Ce fruitier asiate qui nous a donné ses premiers fruits l’année dernière est l’un des arrières petits « fillots » d’un arbrisseau importé à Baccarat en 1861. Un certain M. Joseph Clarté consacra à ce nouveau venu en 1877 quelques chaleureux écrits qui aurait pu permettre la propagation de ce courtaud, rustique et peu frileux arbuste. Il n’en fut rien. Rebaptisé « goumi » au pays des « brimbelles », la présence de notre feuillu reste peu mentionnée, me semble t-il, hors du plateau lorrain et de quelques localités vosgiennes de St Anould à Senones.
Feuillage caduc, rameaux longs et pendants de 2 à 3 m de haut pouvant être très touffu, le « goumi » sera très apprécié dans un refuge d’accueil animalier par le petit gibier et les oiseaux qui peuvent s’y planquer, y manger, y nicher. Les fleurs en avril-mai petites, blanches-jaunes, mellifères, nectarifères et parfumées feront la joie des butineuses gourmandes !
Les fruits, sortes de micro-olives rouge franc dotées d’un très long pédoncule, légèrement sucrés, astringents, acidulés, gorgés de vitamines et de minéraux, se consomment sous forme de confiture, de gelée, de sirop ou d’un vin appelé « gumishu » au pays des « sushis ».
A cueillir bien mûrs… s’il vous en reste !!!
Résumons : Buissonnant, plus large que haut ne nécessitant pas d’entretien, aimant comme vous et moi les situations chaudes et ensoleillées, s’adaptant facilement aux sols les plus pauvres, le goumi se reproduirait par rejet, bouturage ou drageons, sans aucune difficulté semble t-il.
Vous connaissez ma gourmandise, j’adore les baies ! Je le clame haut et fort : le « Goumi » mérite d’être multiplié afin de rejoindre entre prunelliers sauvages, merisiers, sureaux noirs, groseilliers, cassiers, framboisiers et amélanchiers ces haies dont on raffole !!!
NB : Le Goumi bien qu’auto fertile produit ses fruits en plus grosse quantité si on l’associe à une autre variété, je pose à tout hasard la question à mes lecteurs lorrains et vosgiens : est il un cultivar qui pourrait nous être troqué contre autre chose (Je propose : graines de morelle de Balbis, physalis, radis noirs, racines de consoude de russie ou de bardane japonaise…) ?!!!
A très bientôt,

Conte pour la St Valentin

Conte pour la St Valentin

Il y a peu de contes contemporains constatait en décembre Marie Flore qui est conteuse. Marie Flore et Jean Marc, son époux, sont des amis de la première heure. J’ai ouvert mon bossoir magique sur trois ingrédients indispensable : une date, un drame contemporain, le petit coup de griffe de « Jojo », et voilà…
 
M’octroyant l’une de ces ballades qui force l’inspiration de tout poète breton, j’ai fait il y a une quinzaine de jours dans le petit square du tribunal d’instance l’une de ces rencontres qui donne le la aux clés de sol des partitions de mes « échos ». Je me suis entretenu plutôt longuement avec l’une des créatures ailées du bon Dieu, un oiseau petit, farouche, d’ordinaire solitaire, un grimpereau des jardin…
De cet oiselet arqué, je tiens ce qui suit et ce que j’ai écrit, ainsi l’ai je entendu, Nous sommes un 14 février…
Elle, c’est Valérie, c’est du moins le prénom qu’elle donnerait si vous le lui demandiez. Ne jamais donner son vrai prénom est l’une des innombrables règles qu’elle a apprise dans la rue. Elle s’appelle en fait Sophie, Valérie étant son deuxième prénom. Trente cinq ans, joli visage, longue chevelure auburn, de grands yeux couleur « huître » qui naviguent selon l’humeur entre le vert des eaux turquoises et le gris des mers agitées. Valérie aime des mers qu’elle n’a encore jamais vues. Quand elle rêve c’est en blanc-écumes, c’est en bleu-océans, c’est en rose rougeoyant, Valérie rêve de soleils couchants.
Valérie c’est avant tout un sourire qui habituellement s’étire XXL lorsqu’un passant prend le temps de croiser son regard.
Les éclats des sourires et regards perdent encore un peu de leur intensité lorsqu’une pièce tombe dans l’accessoire indispensable : le petit panier d’osier.
Le sourire se crispe, le regard s’assombrit, Valérie balbutie un merci embarrassé. Valérie n’a pas encore touchée le fond. Elle reçoit résignée.
Assise sur une couverture rêche volée dans un hôtel de gare miteux, elle fait la manche à l’angle de la rue St Nicolas et la rue des têtes.
A côté du panier elle a affiché à même le sol le poème d’un inconnu trouvé dans une corbeille à papier près de la gare. Le poème lui a plu, il lui ressemble.
Quelque chose de tristement beau, chiffonné, froissé, jeté à la poubelle. Ce poème gît à ses pieds un peu comme une bouteille lancée à la houle mais que
les flots renvoient. Un peu comme une bouteille lancée à la foule qui ne s’en émoi.
Comment peut on se retrouver sur le bitume à 35 ans ?
Les parcours bien qu’ils soient multiples et complexes se rejoignent sur deux points communs. Le manque d’affection et le jeté d’éponge. Je n’ai plus la force, je ne veux plus jouer, je déclare forfait, je rend mon ticket. Statistiquement, plusieurs dizaines d’ados disparaissent chaque jours en France, un grand nombre sont des fugueurs de courtes ou moyennes durées. Ils sont de plus en plus jeunes. Ils s’affranchissent. La « liberté » les attend à bras ouverts. Parfois l’enfer.
Elle a 11 ans la première fois qu’on la chiffonne, qu’on la froisse et qu’on la jette.  « Il » est entré dans sa chambre tard dans la nuit, saoul comme d’habitude. La maman est couchée abrutie de médocs, c’est la solution qu’elle a trouvée pour éviter les tabassages en règle depuis que le papa n’est plus là, incarcéré à Fleury. « Il », c’est son demi- frère, 16 ans, culturellement déficient, un molosse ultra violent désoeuvré, abonné aux jeux vidéos, aux sites, films et revues qu’un ado ne devrait pas voir, pas lire, mais que les jeunes se refilent dans les dédales des « couloirs » qui relient les tours de la cité entres elles. Une violence « trasch » qu’une société d’ailleurs, à bien réfléchir, ne devrait ni produire, ni consommer, mais interdire. Certains responsables politiques ont osé chercher la censure, ils s’y sont cassés les dents, brisés les reins. Cette industrie influente qui génère énormément de profits est malicieusement implantée. Les pressions sont très fortes et les réseaux puissants. Au plus haut lieu, au vu des implications de certains, on préfère prudemment fermer les yeux, les scandales font désordres et déstabilisent les voix électorales… Omerta…
Les petites victimes ? On ne les oublie pas. Des structures sont mises en place, ça fait partie du prix à payer.
C’est ainsi qu’après avoir été intimement brutalisée pendant huit mois, Valérie, en miettes, brisée, est récupérée par la Dass, placée dans la ronde des foyers et des familles d’accueils. Quelques écarts de conduites l’attendent, il y aura les fratries « rebeu rebelles » puis le grand amour dans une association de banlieue parisienne, son bel éducateur…
Mais Valérie cumule sur le grand jeu de l’oie de la vie les mauvais jets de dés : le prince charmant ne l’est pas. L’animateur social indélicat est interpellé un matin à l’aurore par la Brigade de Protection des Mineurs. L’on parle de vidéo saisies, des personnalités seraient impliquées. En deux temps, trois mouvements le type est incarcéré, le dossier bouclé, le scandale évité. Les commentaires, commérages, murmures et oeillades qui lapident plus sûrement que des pierres vont cependant bon train. Valérie est salie, Valérie a 15 ans…
Première tentative de suicide.
Hospitalisation, l’évasion, la rue de nouveau, les bandes, les galères, vols, arrestations, mal être, TS, centres, squats, addictions, un petit tour chez les
« Emmaus » après une désintox sévère…
Valérie gagne le gros lot : une clochardisation précoce.
Paris, Nancy, Strasbourg, Colmar…
A 35 ans, elle ressemble au poème de son magasine, Valérie.
Quelque chose de beau chiffonné, froissé, jeté…
En cet après midi du 14 février, Valérie a le cafard. Chaque pore de sa peau exhale les relents acides symptomatiques de la parano et du désespoir. Son cerveau coule à pic dans les déclinaisons de conjugaison de verbes. Pas n’importe lesquels. Mourir, périr, vomir, partir…
Les propositions avilissantes du passant de tout à l’heure qui voulait la « croquer » n’ont rien arrangé. C’est pas le premier, c’est pas le dernier. Fonctionnaires, cadres, ouvriers, chômeurs désoeuvrés, mateurs amateurs, photographes du tordu, gros, maigres, bruns, roux. Elle collectionne les prédateurs, les désaxés, les délinquants de la chair. Des jeunes s’y mettent aussi parfois, histoire de rigoler. Une fille de la rue, c’est de la fille facile, ça « chauffe » les malades du vice. Elle devrait se réjouir d’intéresser encore les « ogres » la rassura une copine qui défendait probablement son propre statut de racoleuse.
Quand on ne te fera plus des propositions de trottoir, ma vieille, c’est que t’auras rejoint le dernier étage, celui du caniveau. Tu seras mure pour concourir à l’élection « miss France des cloches ».
Bon sang ce que vivre lui fait mal aujourd’hui.
Elle aimerait bien voir débouler ce jeune homme apaisant aux yeux bleus, cheveux blonds, lunettes rondes, malhabile et timide. Toujours fagoté d’un velours élimé, d’une écharpe démodée, d’un sempiternel pull-over vert, l’on dirait un prof de philo ou de lettres des années 70. Il n’a d’autres sujet de conversation que celui des oiseaux. Elle a appris à distinguer à ses côtés les différents passereaux des villes. Elle sait à présent reconnaître quelques chants… Il lui a surtout appris, en les regardant, à échapper à l’emprise trop grise, trop noire, de sa morosité quotidienne. Mentalement elle sait grimper sur leurs ailes, elle sait monter sur leur dos, elle sait se soustraire au monde des hommes. Le jeune homme sympa lui a montré comment procéder, comment en pensée s’installer, comment leur parler pour les chevaucher au dessus des toits. Comment les aimer pour qu’ils vous trimbalent hors de là… Même le plus minuscule d’entre eux, l’hyper actif troglodyte mignon, l’a plus d’une fois fait quitter le béton !
Le troglodyte c’est le Géronimo local, impossible de le confondre avec un autre. Sa queue est dressée presque en permanence verticalement telle une plume d’aigle. Son oeil est barré d’un bandeau jaunâtre ou blanchâtre, c’est sa peinture de guerre. Son chant belligérant sonne avec une clarté peu commune, nul intrus n’a le droit de pénétrer son terrain de chasse ! Je crois que le troglodyte est un Chef Apache qui s’est exilé des Amériques ! Tu notera que tous ses cousins sont amérindiens … !
Sympa et un peu toqué ce jeune homme qui vient ainsi chaque jour tous les matins depuis Noël s’asseoir quelques minutes tel un bon copain. Il parle plumes, il cause nids, il l’embrouille à coups de trilles et vocalises avec une implacabilité évidente !
Et ça marche, elle « kiffe » ! D’où sort il ce gars ? Pourquoi vient il ainsi, que veut il au juste ? Elle n’en sait rien. Où vit il ? Que fait il ? Elle ne le lui a jamais demandé.
Elle a peur de rompre le charme…
Peut être vient il par compassion ? Qu’importe, ça lui fait du bien d’avoir le sentiment de ne pas être perçue pour ce qu’elle est devenue.
…Contrairement à ce que l’on pense, le Condor des Andes n’est pas le plus grand oiseau du monde, la palme d’or revient à l’Albatros Hurleur, 3 mètres 70
d’envergure. Le seul oiseau capable de voler en continu ! Le meilleur planeur de l’avifaune ! Le voilier céleste le plus calme au monde ! Un seul bruit dans tes oreilles : la caresse du vent qui te porte vers l’infini !…
Aujourd’hui il n’est pas passé. Aujourd’hui, il ne passera plus.
En cette fin d’après midi du 14 février, jour de la St Valentin, Valérie est seule. Ça lui fait un mal de chien, là, au dedans, dans l’âme. Valérie a envie de se foutre en l’air. La foule autour d’elle, indifférente comme d’habitude, semble ne pas la voir. Comme d’habitude, la foule s’affaire avec l’empressement des gens qui ont une vie, le stress de ceux qui mènent une existence.
Mieux que d’habitude : c’est la saint Valentin ! Le jour des amoureux ! Les hommes bien sapés et les femmes bien parfumées ont fait le bonheur des
restaurateurs, fleuristes et vendeurs de bijoux.
Rubis et diamants pour les plus aisés, pacotilles pour les moins munis. Qu’ils soient très vieux, vieux, moins vieux, voir jeunes, leur présent a un avenir
conjugué à deux.
Son encyclopédique jeune homme ne viendra pas aujourd’hui. Lui aussi bien entendu doit être pris…
Elle, elle n’est rien. Elle n’a rien. Elle ne ressemble à rien. Un passé pour présent.
Pas d’avenir…
C’est du moins ce qu’elle croit.
Ce qu’elle ignore en cette après midi du 14 février, il est 15 heures, c’est qu’en s’emboîtant les uns aux autres plusieurs éléments circonstanciels vont remédier à cela.
Le premier c’est le passage d’un monsieur endimanché dégarni et rondouillard qui lui remet une brochure bleue ciel intitulée « les souffrances cesseront-elles un jour ? ». Elle accepte la brochure parce que le quinquagénaire semble doux et bienveillant. On a beau être au bout du rouleau, on se prête encore parfois le luxe de faire plaisir. Bon, en matière de bon Dieu, cela fait longtemps qu’elle y croit autant qu’au père Noël. Le bon Dieu s’il existe doit être d’une autre sphère. Le monde où elle vit, elle, est sale et sans pitié. Tu tombes, tu crèves…
L’homme s’attarde un peu raisonnant sur « pourquoi Dieu permet il les souffrances… ». Il s’est accroupi pour se mettre à sa hauteur, au plus près de la
misère, peu le font. Il cherche les paroles qui réconfortent, distille cette paix qu’il dit tenir de l’évangile du christ. Il se redresse, les jambes lui font mal, c’est l’âge lui a dit le toubib, il rouille… Finalement il s’en va lui promettant de prier pour elle. Ne perd jamais totalement espoir, crie, appelle, tempête, pleure, mais surtout je t’en supplie, ne perd pas l’espoir… L’amour triomphe toujours, je veux croire en cela… L’amour est triomphant.
Elle le regarde disparaître, il s’en va, la conscience nette, tant mieux pour lui.
Elle pose la brochure derrière elle. Dieu, elle y croit pas.
Pourtant moins d’une heure plus tard, on la retrouve dissimulée derrière un pilier de la collégiale Saint Martin priant ce « père » inconnu de la secourir et pleurant toute l’amertume qui empoisonne son coeur et emprisonne sa vie : une carapace lourde de rancoeur. Une vieille dame lui donne des kleenex. Ce sera la seule qui se souciera d’elle. Les autres font des photos, commentent en toutes les langues telle sculpture, tel tableau, tel relief. Deux gamins s’engueulent. Un téléphone portable sonne. Les flashs crépitent. C’est pas une église, c’est un musée, la prochaine fois j’irais dans un cimetière ça sera plus calme. Personne ne lui prend la main, personne ne lui tapote amicalement l’épaule, le miracle qu’elle attendait peut être n’a pas lieu, elle s’en effondre de plus belle. Lorsqu’elle ressort de là un peu plus tard, c’est à dire une éternité, à défaut d’être libérée, elle se sent « zombi », totalement vidée. Sur le parvis un vieillard tout ratatiné et voûté l’interpelle, sa voix est calme et claire, son oeil est vif, il se dit capucin. Un petit frère de Saint François
d’Assise qui était pauvre parmi les pauvres et aimait lui aussi les oiseaux. Il lui confie un écrit du fondateur de l’ordre qu’il recopie rapidement sur un billet avant de s’éclipser : Père saint, roi du ciel et de la terre, ne t’éloigne pas de moi car l’épreuve m’accable et personne pour me secourir… Le vieux a du charisme, les mots pénètrent son coeur, se gravent en sa chair.
Elle marche au hasard des rues, hagarde, errante, vannée. Elle doit avoir une sale gueule, pour une fois on la regarde. Le rimmel bon marché a du couler et doit lui barbouiller les joues. Mais qu’est ce que tu foutais dans cette église ma vieille, tu débloques ? T’es cinoque ou quoi ? Il t’a bien retourné l’autre cinglé rondouillard
avec ces prêches de cureton. Les pensées s’entrechoquent dans son crâne. Elle tient serrée entre ses doigts le billet du capucin. Drôle de confident. Elle longe la rue des augustins, passe le Tribunal d’instance, suit la petite Venise, remonte la rue de blés. Son corps continue de déverser par hoquets des éruptions de pleurs. Un vrai volcan de douleurs.
Une pensée incongrue au travers de deux flots de larmes : sur les 60% d’eau que contient notre corps combien de litres peut on pleurer ?
Lui arrachant un cri de surprise, deux bolides bruns roux, hymne à la joie inattendu, lui passent au raz du nez pour aller se coller sur le tronc crevassé d’un arbre dans un jardin en contrebas. Dotés de becs effilés et légèrement incurvés, cramponnés tels des pics en une allure arquée bien calés sur leur queue, ils remontent le tronc et se poursuivent en spirales. Elle ne se souvient pas d’avoir vu auparavant pareils oiseaux. A bonne hauteur, les deux boules de plumes se laissent tomber dans une trajectoire verticale vers la base d’un autre arbre se redressant au dernier moment pour reprendre une ascension effrénée du bas vers le haut.
Elle les suit des yeux de branche en branche puis marche à leurs côtés de tronc en troncs, accélère le pas lorsqu’il s’échappent plus loin… Pas facile de les pister ces avatars de « fées clochettes », ils se confondent aux aspérités du bois. L’on dirait deux petites souris dissimulées sous un camouflage d’écorces ! La pétulance des deux passereaux exerce un effet subjuguant, énergisant, presque dopant. Mais voilà que tout à coup, passant au dessus d’un muret, ils disparaissent dans l’espace verdoyant d’un grand jardin de la rue voisine. Valérie court, contournant rapidement les deux dernières demeures. Son coeur bat la chamade. Sa propre existence, elle le sent, est suspendue à ces deux petits êtres. Dieu soit loué, elle retrouve ses voltigeurs charmeurs sur le tronc tourmentée d’ un vieux résineux. Le jardin est un vrai paradis. Pierres, lierres, lianes, haies entourent une quinzaine de bosquets où s’entremêlent astucieusement les essences. Çà et là quelques feuillus et conifères de belle taille veillent protecteurs. La façade de la demeure, une massive maison de maître, disparaît entièrement sous les charmilles d’une vigne vigoureuse. Une allée d’autobloquants lézarde paresseusement du perron d’entrée au portail d’accès sur lequel s’appuie sur la pointe des pied une Valérie qui chavire. Mon Dieu, ne t’éloigne pas de moi car l’épreuve m’accable… L’auteur de la création lui décoche de plein fouet dans le bide ce fameux crochet du droit qui terrasse les dragons, ça ne s’explique pas. Celui qui a la foi parle de conversion, libération, réconciliation. Celui qui ne l’a pas, n’en parle pas, hausse les épaules.
Deux oiseaux, deux anges, regardent cette fille qui s’effondre la bouche grande ouverte sur un cri muet. L’amour est triomphant.
C’est reparti, elle chiale…
Lui, c’est Vincent Zimmerman. Bibliothécaire de formation, historien par passion et traducteur. Il intervient dans le cadre d’expertises et travaille essentiellement pour des collectionneurs. Il gère de son domicile un petit commerce d’achat vente, philatélie, pièces anciennes, vieux manuscrits. Il a 42 ans on en lui donne 30. La vie ne l’a guère marqué. Il promène sa dégaine d’éternel étudiant ébaudi et rêveur avec une nonchalance insouciante. Dissimulé derrière de petits verres ronds façon John Lennon, s’efforçant de ne pas attirer l’attention, il observe le monde qui l’entoure en scrutateur attentif.
Vincent mène une vie dorée. Il en est conscient. Son père, ex industriel, ayant fait fructifier son capital dans l’investissement immobilier le laisse à la tête de quelques pavillons bien situés aux locataires très recommandables. Vincent est donc rentier. Un cabinet comptable le déleste moyennant un cachet confortable de toute la tracasserie administrative. Vincent observe cela avec humilité. Bien que menant une vie très sociale, il se complaît solitaire, le relationnel fusionnel reste un sujet où il fait figure de contemplatif distant, du fait on ne lui compte que très peu de vrais amis. Il n’est pas sur Facebook ! Ses parents ont quitté l’hexagone. Ils séjournent à présent toute l’année dans leur pied à terre marocain. Il aimeraient bien voir leur fils unique se marier et leur donner des petits enfants mais ce grand garçon est terriblement timide. Flirter, courtiser lui est chose impossible ! Il n’est pas de taille, « elles » sont inaccessibles. Du fait, la seule fille que Vincent ose côtoyer avec presque assiduité est cette pauvre femme de la rue des clefs.
Quand il l’a vue la première fois peu avant Noël, il s’est demandé ce qu’elle faisait  là. Il l’a regardée, l’a observée, a essayé de la décrypter. Souvent les demandeurs d’aumônes ont un parcours qui marquent leur visage : rides, poches, plis soucieux, peau froissée, usée, grêlée, ravagée, cheveux mal entretenus, gras, broussailleux, ensauvagés, l’oeil fuyant… Rien de tout cela chez elle. Elle semble ne pas être. Son invisibilité lui plaît : elle regarde la foule qui ne la regarde pas.
Fin décembre, malmenant sa timidité naturelle, il s’est assit à ses côtés, ineffable et attentif. Que dire ? Il s’est contenté de partager un sujet passionnel, les oiseaux ! Elle s’est prêtée au jeu. Il est revenu le lendemain, puis le surlendemain et ainsi de suite chaque matin. Aujourd’hui il voulait l’inviter à dîner ou boire un café, bref, il souhaitait l’inviter à partager un peu plus leur solitude. Elle lui plaît.
Il n’a pas osé brusquer la quintessence de cette amitié étrangement complice… Il aurait du. Il se sent un peu lâche. La peur d’être mal jugé l’a emporté. Quel empoté !
Il est confortablement installé à sa table de travail face aux deux ordinateurs constamment allumés qui lui bombardent mails, dossiers, copies, demandes
diverses, d’achat, vente, authentifications… Il feuillette distraitement une traduction biblique parcheminée, reliée et joliment gravée trouvée dans un grenier que l’on lui a déposée la veille.
La fenêtre est ouverte sur les cèdres, le pin sylvestre, le séquoia, l’épicéa. Son doigt souligne quelques phrasés jaunis… Ce qui fait le charme d’un homme c’est sa bonté… défends le malheureux et l’indigent… Une femme vertueuse ? Elle a bien plus de valeur que les perles…
Une légère trille capte son attention.
Il se lève et recherche l’auteur du chant. C’est un grimpereau des jardins qui s’égosille ainsi, un jeune mâle, ses tituti roïti sont destinés à madame.
Ah !!! La Saint Valentin il est vrai touche aussi le monde des passereaux !!!
Le couple s’adonne à ces courses poursuites autour de l’écorce tourmentée du pin qui caractérisent selon toute probabilité l’approche d’un accouplement rapide !
Vincent espère qu’ils choisiront pour la nidification l’un des recoins étroits et abrités qu’offrent les aspérités du grand séquoia ou l’enchevêtrement des lianes de la vignes vierge ! La densité du peuplement de cette espèce étant relativement faible il suit amusé l’ascension des tourtereaux ! On dit qu’ils peuvent visiter entre 200 et 300 arbres par jours, leur territoire est vaste, l’on dénombrerait, croit il se souvenir, 1 couple à l’hectare dans les meilleurs des cas.
Il n’a jamais eu l’occasion de voir un départ du nid. Il a lu dans ses vieux grimoires sur l’avifaune que les petits grimpereaux contrairement à leurs congénères ne s’élancent pas dans le vide mais arpentent instinctivement le tronc vers le haut… Le nid étant construit généralement entre 2 et 5 m du sol, ce doit être repérable… Il se souvient aussi que les parents peuvent abandonner couvée et oisillons s’ils sont trop dérangés. Il se promet d’être attentif et de fureter dès la fin mars afin de déceler une installation probable. Si nid il y a, nid il protégera ! En attendant, la boite d’approvisionnement en crins mousses et poils qui permettent des nids plus douillets est en place, c’est un bon indicateur de présence. Généralement ce sont surtout les mésanges qui s’y ruent.
Un mouvement sur la gauche détourne son attention. Une silhouette qui s’effondre. Le temps d’un instant tout s’arrête et se fige.
– Valérie ?
Le reste, vous vous en doutez, tenant du conte de fée plus que de la nouvelle, se termine forcément en beauté !
Vincent récupère Valérie, ils dînent ensemble, ils veillent discutant jusqu’à l’aube.
Elle s’installe dans la chambre d’amis, ils s’apprivoisent, s’amourachent, se marient, s’aiment tendrement et à défaut d’avoir de nombreux enfants gardent durant toute leur vie une vraie passion pour les grimpereaux charmants. Nos passereaux ne furent ils pas dans cette histoire (avec un certain petit bonhomme rondouillard et un vieux capucin) les petits soldats du bon Dieu ?!
Est il moralité à tirer de cette histoire ?
Je ne crois pas que nos dirigeants puissent nous mener paître sur les chemins du bonheur. Les bergers, leaders businessmen’s de ce monde, plus enclins à amasser gains et pouvoirs qu’à ménager notre confort semblent nous destiner pour 2014 à des près toujours plus secs, toujours plus salés.
Résultat : les drames seront autour de nous de plus en plus nombreux.
Positivisme dans tout ça : nos vies, sous le joug de nos exploitants, sont pleines d’ébauches de contes modernes.
A nous d’en faire les délices de nos quotidiens.
Je nous souhaite pour cette année 2014 d’être le plus souvent possible les petits coups de baguettes magiques qui permettent à l’autre d’aller mieux !
A très bientôt ! (le prochain conte sera une fable consacré au loup de Mulbach!)
Echo des terriers Janvier 2014
Fait à Sondernach le 25 janvier
Pascal !

Conte de Noël

Conte de Noël

L’histoire que je m’en vais vous conter aujourd’hui me fut chuchoté à l’oreille par une musaraigne carrelet, une nuit ou je m’étais assoupi au pied d’un grand chêne.
Elle se déroule à une époque où l’on pouvait encore traverser l’Alsace sans quitter l’ombre des arbres.
La plaine du Rhin n’était alors qu’une vaste forêt parsemée de grandes clairières et de friches inondables. Le grand gibier y régnait en maître.
Quelques bourgades plus ou moins fortifiées, distantes les unes des autres, reliées par des sentiers, témoignaient de la présence des hommes. Les pics à dos blanc et les pics tridactyles n’ayant pas disparus, leurs martèlements furieux creusaient encore les vieux hêtres morts et les écorces vermoulues
des sapins tombés depuis plus de cent ans !
En ce temps là, vivaient seuls au fin fond des bois de l’actuel Mittlach, en ce lieu que l’on dit réputé pour écouter en automne le brame du cerf, un pauvre homme et sa fille de huit ans, la mère était morte en couches.
L’homme avait fui la plaine suite à l’une de ces invasions violentes qui marquent l’histoire du couloir rhénan.
Trouvant au plus profond des sous bois sous le dôme des Vosges une quiétude inégalée, à la compagnie des hommes il avait choisi celle des loups.
La demeure qui consistait en quatre murs de pierres grossières non taillées recouvertes de deux pans de paille lestés par un amoncellement de branchages tenait plus du terrier que d’une maison !
Une étroite porte pour seule ouverture permettait d’accéder au lieu de vie.
Un espace réduit, vite chauffé, vite enfumé : les feux de bois verts enfument et fond tousser mais chassent la vermine.
Le dénuement du père et de l’enfant se résumait ainsi : un sol de terre battue, une table, deux bancs et un coffre taillés dans du bois brut, dans un recoin une hache, quelques cordes, en guise de lit, une vilaine paillasse qu’ils partageaient aux rongeurs…
Lui, petit et râblé comme le sont les montagnards, s’appelait Seppi.
Il parcourait tout le long du jour la forêt, cherchant bois, champignons, fruits, baies, tubercules et racines, tout ce qui se mange où se troque. La fillette, Meïla, gardait et entretenait le feu indispensable à leur survie.
Ne s’éloignant jamais du foyer, elle restait des journées entières assise sur le pas de la porte, jouant avec les oiseaux, les criquets, araignées et grillons, les musaraignes et mulots, les loirs et les lérots.
Elle prélevait toujours sur ses repas quelques miettes, quelques graines, quelques épluchures qu’elle distribuait tels des goûters ! Lorsque l’un d’eux se blessait, elle pansait et soignait comme l’on peut
panser et soigner lorsque l’on est toute petite : beaucoup de maladresse, énormément d’amour…
Le père rejoignait à la lune montante la communauté rurale qui s’était installée à l’embranchement des deux vallées. Il échangeait les produits de sa chasse ou de ses cueillettes contre farines et grains secs, outils et chandelles de cires. Il partait tôt le matin bien avant l’aube et revenait le soir entre chien et loup.
Un matin de décembre, le père chargé comme une mule de lourds paquets de racines, de gui et d’écorces pour l’apothicaire d’un grand village éloigné entreprit l’un de ces voyages qui laissait Meïla seule, un peu plus qu’à l’ordinaire. Dernière livraison de l’année avant mars.
Janvier et Février lorsqu’ils étaient très enneigés ne permettaient guère ces déplacements. Les bêtes sauvages affamées représentaient un réel danger, inutile de les tenter ! Le père préférait rester près de sa fille.
A trois kilomètres à peine de la chaumière, il n’avait point encore traversé la rivière, un ours porteur d’une grave blessure qui s’était infectée, fou de douleur et de fièvre, se jeta sur Seppi. Homme et bête luttèrent et roulèrent sur le sol, l’un grognant, l’autre hurlant, l’un griffant et mordant, l’autre poignardant. Dans ce combat inégal l’ours aurait du vaincre. Affaibli par la
blessure, c’est lui qui mourut.
L’homme lacéré de plaies béantes au visage, au thorax et aux cuisses abandonnant sa charge dut rebrousser chemin.
Il se traîna mètre par mètre, plus qu’il ne marcha, laissant une large empreinte rougie de sang sur tout le retour.
Sur le seuil de la porte, à bout de forces, il s’écroula lourdement aux pieds de la fillette.
Meïla le tira par les bras au plus près du feu, courut chercher de l’eau, pansa griffures et morsures. Lorsque cela ne saigna plus, réalisant devant ce corps déchiqueté, inerte, que seul un miracle pourrait désormais les sauver, elle se recroquevilla contre ce père tant aimé, pleurant toutes les
larmes de son corps, implorant Dieu.
Que faire ? Mon Dieu que faire ? Meïla se sentait tellement petite.
A huit ans que peut faire une enfant sinon en effet prier ardemment ?
Et voici ce qui se passa !
Les petites souris qu’elle nourrissait de miettes et d’épluchures et avec qui elle partageait sa mauvaise paillasse avait assisté à la scène. Se couinant discrètement quelques chuchotis, elles se précipitèrent au dehors, ameutèrent les oiseaux qui colportèrent aux quatre coins du vallon le
tragique accident de Seppi, le désespoir de Meïla.
Une grande assemblée fut aussitôt décrétée. Du lérot au mulot, du sanglier au chevreuil, tout s’y hâtèrent. Même le vieil hibou du pin sylvestre qui surplombe le trou d’eau où tout un chacun s’abreuve, vint. Le sort de la petite fut exposé à tous. L’on évoqua les jeux, les soins,
l’amitié qu’elle portait constamment envers ses nombreux amis.
Il fut décidé à l’unanimité de l’aider.
Les rouges gorges, roitelets, mésanges et grives visitèrent chaque feuillus, chaque buissons cherchant baies et fruits. Écureuils, martres et geais puisèrent dans leurs caches de stockages, noix, noisettes, pignons, glands, faines et châtaignes. Les dormeurs qui normalement hibernent, loirs,
lérots, muscardins, offrirent les restes de leur provisions. Les grands cerfs de leurs puissants sabots cassèrent les sols gelés, les sangliers remuèrent la terre mettant à jour bien des trésors enfouis : tubercules, bulbes et champignons des sous sols.
Des milliers de fourmis inspectèrent jusqu’à la plus haute des cimes ravitaillant en miellat et autres secrétions sucrées dont la forêt a le secret.
Résine, bois mâchés et d’autres ingrédients encore furent utilisés pour la confection de bougies.
Dans leurs serres les grands corbeaux, buses, autours et corneilles ramenèrent toutes les branchettes sèches qu’elles trouvèrent. Les blaireaux et renards tirèrent jusqu’au logis la dépouille de l’ours, provision de viande, de graisses et de fourrure !
Puis il fallut s’occuper de Seppi !
Les vers et larves qui connaissent l’art et la manière d’aseptiser assainirent les plaies après que les mouches eurent léché tous ce qui fut absorbable.
Pour suturer les chairs maintenues fermées par les puissantes tenailles des lucanes et staphylins odorants, les araignées à crochet utilisèrent en fils de couture leurs brins de soie solides comme l’acier.
Le vieil hibou qui sait à peu près tout sur tout envoya les pics épeiches et pics mars arracher de leurs puissants becs les écorces qui font baisser les fièvres. Il confia aux petits troglodytes et roitelets le soin de trouver les sèves et gommes antiseptiques, les sucs qui revigorent, les bourgeons
riches en vitamines. Il appela à lui les sittelles torchepots qui confectionnèrent aussitôt, sur ordre, des emplâtres à base d’argile et de fibres de bouleau bien imbibé par du mucus de limaces, de la bave d’escargots.
Le vieil hibou s’activait tel un vieux général, houspillant à droite, donnant des directives à gauche, faisant les gros yeux, gesticulant sur place, observant le tout du haut de sa branche, jaugeant, analysant, encourageant, ordonnant, se reprenant, et chacun courrait s’activant en tous sens sous ses
commandements.
Meïla pleurait de joie, ses yeux brillaient de larmes de reconnaissance. Les petites souris lui chatouillaient le cou et les oreilles, passant et repassant sans cesse, récupérant dans la paume de leurs mains chacun de ses sanglots.
Ils contenaient en effet le plus précieux des baumes, celui de l’espérance !
De mémoire de chênes, de châtaigniers et de tilleuls, l’on n’avait jamais vu les animaux de la forêt s’activer de la sorte, surtout pour un humain !
En trois jours, Seppi repris connaissance.
Une semaine plus tard, il se levait.
Février fut glacial, tout le monde resta blotti bien au chaud auprès du feu dans la chaumière, il y avait assez de nourriture pour tous et assez de bois pour entretenir les flammes.
En mars, Seppi repris sa charge et sans encombre cette fois alla troquer farines et grains secs, outils et chandelles contre écorces et racines.
Avec la fourrure, les griffes et les dents de l’ours il acheta pleins de cadeaux bon à manger…
Dès son retour, il accrocha ses présents sur un grand sapin blanc, isolé près du torrent, appelant tour à tour tout ses nouveaux amis, sous l’oeil ravi de l’enfant. De la base du tronc aux sommités de ses branches, l’arbre majestueux fut recouvert de couleurs et d’odeurs : des tranches de pommes
rouges, des carrés de fromages jaunes, des miettes imbibées de lait blanc, d’autres humectées de gras !
Bien vite aux présents de Seppi, chacun voulu ajouter son ornement, et ce fut un bel amusement de voir rouge gorges, roitelets, pinsons et verdiers, accrocher les rameaux de houx, les branchettes d’églantiers, les baies et les fruits secs, les guirlandes de lierres et de chèvrefeuilles que déposaient au pied de l’arbre, les rongeurs, les insectes, les petits mammifères et le grand
gibier !
Une grosse boule de plumes perchée telle une étoile sur la plus haute cime s’égosillait à la ronde en « Hou ! Hou ! » de bonheur ! C’était bien sûr le vieil hibou qui contemplait la scène de ses bons grands yeux ronds.
Hommes et bêtes tout en bas s’embrassèrent et dansèrent autour de l’arbre jusqu’à tard dans la nuit. De belles rondes de joie !
L’on dit du vieil hibou qu’il ne s’en remis jamais vraiment et bien longtemps après il le radotait encore : ce fut une belle fête ! Une très belle et grande fête ! La plus grande fête que ce bois est en vérité connu depuis que fut chanté plus de mille ans auparavant la naissance de l’enfant
Jésus !!!
Voilà mes amis. Je viens de vous conter cette histoire, telle qu’une musaraigne me la confia.un jour où je m’étais assoupi à l’ombre d’un grand chêne.
Chaque année à la dernière lune montante de décembre, Meïla et Seppi, décorèrent ainsi cet arbre. Il rappelait à qui passait, l’accident avec l’ours et la chaîne incroyable d’amitié qui s’était mis en place.
C’était il y longtemps maintenant…
Peut être cette histoire est elle, elles aussi, à l’origine de cet épicéa qui décore pour noël le coin de ton salon ?! Qui sait !
Il y encore aujourd’hui, on le dit en tout cas par ici, un grand sapin pectiné que les animaux ornent de fruits, de baies, de guirlandes de lierres et de chèvrefeuilles en souvenir de ce jour, mais je ne l’ai, pour ma part, encore jamais trouvé !
Fait à Sondernach le 16 décembre 2013.
– Joyeuses fin d’année à tous – Pascal !